D’autre part, le smart beta est une approche d’investissement selon laquelle la pondération des titres dans les indices traditionnels est ajustée pour améliorer leur profil risque/rendement. Le factor investing est une version améliorée de l’approche smart beta. Son objectif principal est de faire évoluer la pondération des titres dans les indices traditionnels pour obtenir une exposition à des facteurs spécifiques, qui peuvent améliorer encore davantage le profil risque/rendement du portefeuille.
Comme ces deux approches peuvent sembler différentes, je vais présenter dans cet article les points communs de leur philosophie d’investissement (en supposant que la mention smart beta ne soit pas uniquement une astuce marketing).
Les psychologues ont mené des recherches approfondies sur l’importance des stéréotypes dans la manière dont nous jugeons les individus : nous aurions en effet tendance à préférer de manière instinctive les personnes belles et élégantes qui nous ressemblent. Il en va de même pour les mots, qui portent en eux leur propre réputation.
Dans l’univers de la gestion d’actifs, le terme quantitatif a sans aucun doute mauvaise réputation, probablement en raison de la complexité des méthodes mathématiques utilisées par les stratégies d’investissement dites quantitatives. Si les investisseurs versés dans les mathématiques apprécient ce terme, la plupart le déteste.
En revanche, les stratégies d’indexation ont plutôt bonne presse car elles sont souvent gages de transparence et d’économies, alors que la gestion fondamentale, qui correspond à une appréciation des fondamentaux d’une entreprise ou d’une économie, répond probablement à notre besoin de disposer d’une approche rationnelle pour prendre des décisions d’investissement.
Il faut bien admettre que la majorité des investisseurs préfèrent la facilité offerte par les produits peu onéreux et rationnels des gérants fondamentaux plutôt que les modélisations mathématiques souvent jugées complexes des fonds quantitatifs.
Compte tenu de ces différences de perception, les équipes marketing ont logiquement préféré l’expression smart beta, qui associe le bêta pour l’indexation et smart pour le côté jugement-fondamental, au terme quantitatif afin de mettre sur pied leurs stratégies quantitatives après 2007.
Toutefois, il n’existe pas de différences majeures entre les approches smart beta et quantitative. Toutes deux s’appuient sur des recherches académiques qui définissent des méthodes d’investissement systématiques censées surperformer en moyenne les indices capi-pondérés, ou du moins générer des performances ajustées du risque plus élevées. Le recours à des outils d’optimisation des portefeuilles ou à des modèles de risque, par opposition à un simple système de filtrage des titres, ne constitue plus un facteur de distinction car les stratégies smart beta utilisent de plus en plus fréquemment ces techniques de modélisation.
L’aversion de certains investisseurs envers les stratégies quantitatives conduit parfois à des réflexions incohérentes. Par exemple, on dit souvent que les back-tests ne servent à rien (car les tests peuvent être choisis uniquement pour faire apparaître des performances apparemment bonnes), et que les performances réalisée sont utiles (parce qu’elles sont réelles). Toutefois, le fait de choisir les 20 performances réelles les plus élevées des cinq dernières années revient à une forme d’optimisation des back-tests sur un échantillon relativement faible de données récentes. Vous pourriez ainsi sélectionner les 20 gérants de fonds les plus chanceux, même si leur processus était imparfait.
Pire, comme les cinq dernières années ont été essentiellement haussières, l’analyse en découlant favorisera très probablement les plus optimistes de ces 20 gérants. Un back-test à bêta neutre sur les 20 dernières années présente probablement un biais moins marqué puisqu’il intègre des marchés baissiers comme celui de 2008.
Graphique 1 : investissement factoriel – comparaison avec les différentes approches de gestion des portefeuilles
- Source : BNP Paribas Asset Management, données au 01/09/2017
L’approche d’investissement quantamentale permet de distinguer le bon grain de l’ivraie au sein des stratégies quant, smart beta et factorielle : l’approche smart beta, et surtout l’investissement factoriel, ne cherchent pas à générer des performances à tout prix. Elles recherchent plutôt des risques systématiques associés aux bons facteurs, à savoir ceux censés refléter fidèlement les caractéristiques des valeurs présentant un potentiel de performance élevé (et non faible), par exemple les facteurs value, qualité, momentum et faible risque.
Ces facteurs sont rémunérés sur le long terme. Toutefois, c’est aussi le concept sous-tendant la gestion dite fondamentale : chercher les entreprises possédant de bons fondamentaux, présentant des valorisations peu élevées par rapport aux flux de trésorerie ou aux bénéfices, ou par rapport à leur valeur comptable (value) ; ayant le modèle économique le plus compétitif et dirigées par des équipes très compétentes (qualité), celles achetées au bon moment, généralement lorsque la dynamique de cours s’améliore (momentum) ; ou encore celles ne faisant pas peser trop de risque sur la VL du portefeuille (faible risque).
Ce qui confère à l’investissement quantitatif sa dimension quantamentale, c’est l’utilisation de risques identifiables de manière quantitative via une sélection de facteurs (ou d’indicateurs) fondamentaux. Si ce principe est scrupuleusement respecté tout au long du processus, l’investissement factoriel ne peut pas se fourvoyer car il ne souffre d’aucun risque dissimulé mystérieux, et les titres sélectionnés peuvent être justifiés de la même manière qu’avec un gérant de fonds en chair et en os.
On peut aussi voir l’approche quantamentale comme la combinaison de techniques quantitatives et d’une gestion fondamentale, ce qui induit l’intervention d’un gérant humain pour prendre les décisions en dernier recours. Cela ne signifie pas pour autant qu’un humain doive avoir le dernier mot lorsqu’il est en désaccord avec le modèle car cela réintégrerait un biais émotionnel dans le processus d’investissement. L’idée est plutôt la suivante : certaines décisions d’investissement se prêtent davantage à une intervention humaine, alors que d’autres sont mieux gérées par des stratégies systématiques. Pour déterminer la meilleure approche, il convient de connaître le nombre d’occurrences (cf. La loi des grands nombres appliquée à la gestion d’actifs) : lorsqu’une décision donnée doit être prise fréquemment ou qu’elle s’applique à de nombreux titres, la loi des grands nombres est respectée et les statistiques sont plus fiables que les humains.
Cependant, s’il s’agit d’un événement rare ou qu’il s’applique à un nombre limité de titres, les humains obtiennent de meilleurs résultats, notamment si l’on veut anticiper l’évolution des facteurs value, qualité, momentum ou faible risque, c’est-à-dire essayer de déceler les rares moments où ces facteurs ne parviennent pas à déterminer si les valeurs possèdent ou non un bon potentiel de performance. Par exemple, si un événement s’est produit par le passé à de très rares occasions, il est très peu probable qu’un algorithme puisse en tirer un enseignement exploitable.
Les humains obtiendront certainement un meilleur résultat dans ce contexte. En revanche, un algorithme est davantage capable de sélectionner les actions sous-évaluées dans un portefeuille de 1 600 actions mondiales.
Le principal avantage de l’approche quantamentale est d’associer les atouts des approches quantitative et fondamentale car cela permet de surmonter l’opposition entre l’homme et la machine et de tirer parti du meilleur de chacun.