L’inflation annuelle des prix en France a encore atteint un sommet. L’INSEE affiche 6.2% en février là où, selon les normes européennes, elle atteint 7.2%. Chez nos voisins, l’inflation est sous les niveaux records de 2022. En France, on a choisi de « lisser » l’inflation, d’amortir la hausse avec des aides aux ménages, des plafonnements temporaires des prix, des subventions à certains secteurs, etc… Les prix de l’énergie ont notamment beaucoup moins augmenté en France grâce aux prix administrés et aux pertes d’EDF (pertes nationalisées d’ailleurs). Cette stratégie a un effet retard sur l’inflation française : elle monte moins que celle de nos homologues mais elle se mettra aussi à baisser plus tard.
L’absence de crise d’approvisionnement énergétique majeure en Europe a fait baisser les prix du gaz en les divisant par 5 depuis l’été dernier. Les prix du pétrole ont aussi reflué limitant ainsi les hausses à la pompe. Par ailleurs, la fin de la politique zéro Covid en Chine laisse espérer la fin de l’inflation liée aux frictions dans les chaines d’approvisionnement. Ajoutons à cela une hausse sans précédent des taux par la BCE, nous sommes en droit de penser que l’inflation continuera à décroitre gentiment.
Il est toutefois difficile de se débarrasser de l’inflation. La période de 1974 à 1990 en est un bon exemple. De plus, la guerre en Ukraine a aussi déréglé la production agricole d’un des premiers exportateurs vers les pays du tiers monde. Le prix de l’énergie a aussi des impacts majeurs sur les coûts de productions agricoles, notamment des fertilisants dont les prix ont triplés depuis le début du conflit. On s’attend même à une hausse de 20% (en rythme annualisé) sur les prix alimentaires dans les semaines à venir après 13% en janvier (sur un an). Ce mouvement a un tel impact sur la population et sur son moral qu’on peut s’attendre à ce que le gouvernement réagisse afin que la note soit moins salée à la caisse et ainsi éviter la grogne. Mais à la fin, la hausse des prix devra passer sur le consommateur : encore du lissage donc.
Enfin, contre toute attente, l’économie européenne résiste bien à tous ces vents contraires. La BCE n’a pas réussi, pour l’instant, à ralentir suffisamment l’inflation avec ses hausses de taux. Elle se diffuse maintenant aux secteurs des services, notamment dans les transports. Elle est aussi en partie à mettre sur le compte de la hausse des salaires tant elles rencontrent des difficultés à recruter.
La BCE ne peut et ne va pas tolérer cette hausse de l’inflation. La banque centrale préfèrera toujours se tromper en montant les taux plus que nécessaire au risque de provoquer une forte récession, plutôt que de renier son mandat principal de ramener l’inflation sur son objectif de 2%. Pour le moment, les investisseurs semblent lui donner crédit : l’inflation à long terme reste bien ancrée entre 2% et 2.5%. Les taux pourraient même atteindre 4.5% d’ici la fin de l’été si la décrue ne s’amorce pas dès le mois prochain.
Sur les marchés financiers, les espoirs du début d’année ont été douché et les obligations ont perdu tous les gains de janvier. La baisse de l’inflation marque le pas un peu partout dans le monde. Le mouvement généralisé de hausse des rendements va encore pénaliser les obligations dans les mois qui viennent et favoriser les livrets (A, LDDS, LEP, …) dont les taux seront encore revus. Sur les marchés actions, les valeurs de croissance vont encore une fois avoir du mal à encaisser la hausse des taux. On surveillera l’immobilier qui semble enfin baisser en France, ce qui pourrait être un bon signe pour l’inflation. On surveillera aussi de près la consommation des ménages et les indicateurs de l’activité économique (PMI) dans les semaines qui viennent car s’ils devaient flancher, l’embellie de janvier ne pourrait être qu’un vieux souvenir.