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La BCE n’aura pas d’autre choix que d’imiter la Bank of Japan

Le sport favori des marchés de taux de la zone Euro est aujourd’hui d’anticiper le calendrier et le rythme de sortie de la politique de quantitative easing de la BCE mise en œuvre depuis mars 2015 : Quand annoncera-t-elle la date réduction des achats d’actifs ? Comment évoluera la structure de ses achats ?

Le sport favori des marchés de taux de la zone Euro est aujourd’hui d’anticiper le calendrier et le rythme de sortie de la politique de quantitative easing de la BCE mise en œuvre depuis mars 2015 : Quand annoncera-t-elle la date réduction des achats d’actifs ? Comment évoluera la structure de ses achats (au niveau de la courbe des taux et au niveau de la répartition titres souverains-titres corporate) ? A quel rythme cette réduction se fera-t-elle ? (10 Mds€ par mois à partir de janvier 2018 pour terminer autour de juin-juillet 2018 ??). Rappelons que, même si les contextes macroéconomique et de marché sont différents, la FED avait commencé à annoncer sa volonté de réduire ses achats d’actifs US en mai 2013 (au prix d’un violent mini-krach sur de nombreuses classes d’actifs dits « risqués » - à l’époque les marchés n’étaient nullement préparés à cette idée contrairement à aujourd’hui) pour commencer réellement la baisse du rythme des achats début 2014 et terminer définitivement son programme en octobre 2014.

Certes ces interrogations sont importantes et l’on ne peut s’y soustraire car elles ont et auront de forts impacts sur la volatilité des marchés : parité euro/dollar, courbe monétaire de la zone Euro, niveau des spreads corporate euro et naturellement niveau absolu des taux gouvernementaux (et spreads des emprunts d’état périphériques de la zone Euro vis-à-vis du Bund allemand).

Mais là n’est pas l’essentiel et la question cruciale lorsque l’on cherche à anticiper la politique monétaire de la zone Euro est de comprendre le dilemme de la BCE et la « crise » dans laquelle elle évoluera quant à la conduite libre et indépendante de sa politique

Le dilemme de la BCE est plus que jamais présent.

La BCE ne peut pas prendre le risque de fragiliser des emprunteurs peu solvables ou/et des investisseurs massivement détenteurs d’obligations d’état.

Donc il faut, autant que faire se peut, qu’elle empêche une remontée trop rapide et trop brutale des taux d’intérêt à long terme : celle-ci entrainerait des ventes forcées chez certains investisseurs institutionnels, ce qui auto-entretiendrait de fortes tensions sur les marchés obligataires et une crise des bilans bancaires sans précédent (les banques ont sur-accumulé ces dernières années pour des raisons réglementaires des titres d’état à des taux de plus en plus bas ; même si les titres sont conservés, toute remontée des taux se traduira par des moins-values latentes qui affecteront les ratios de solvabilité)

Mais la BCE ne peut pas non plus décider de ne pas sortir réellement et même graduellement de son quantitative easing.

Car la remontée de plus en plus tardive des taux d’intérêt à long terme serait également dangereuse également pour les investisseurs institutionnels de la zone euro car ceux-ci détiendront des portefeuilles obligataires à des taux moyens de plus en plus faibles. Ainsi dans cette configuration, même des petites tensions sur le marché obligataire feraient rapidement passer les taux longs au-dessus du taux moyen et fragiliseraient considérablement les assureurs avec une vague importante de rachats de contrats d’assurance vie.

Encore faudra-t-il que les épargnants puissent sortir librement de leurs contrats. En effet, suite à la validation par le conseil constitutionnel des dispositions relatives à l’assurance-vie dans le cadre de la loi dite « Sapin 2 » et sa publication au journal officiel le 10 décembre 2016, de nouvelles prérogatives ont été attribuées au Haut Conseil de la Stabilité Financière (HCSF) et elles visent essentiellement à parer aux risques qui résulteraient d’une décollecte massive des fonds placés dans le cadre de contrats d’assurance-vie (essentiellement les fonds en euros). Pour les détenteurs de contrats fortement investis en fonds euros, il est toujours judicieux de diversifier ses actifs sur des supports en unités de compte (au-delà de la question de la rentabilité de ses placements) : même si théoriquement une éventuelle mesure pourrait concerner l’ensemble du contrat, ce qui est visé ici est clairement la protection des fonds en euros.

Quoi qu’il en soit, nous continuons à penser que la BCE s’engagera clairement sur la trajectoire des taux longs (comme elle l’a fait avec les taux courts) afin d’éviter des remontées violentes de taux longs et d’éviter le maintien de ceux-ci à des niveaux trop bas trop longtemps. La BCE suivra l’exemple la Bank of Japan (BoJ) déployant une communication appropriée de remontée graduelle et ordonnée des taux longs.

Rappelons que la BoJ a adopté depuis septembre 2016 un objectif sur ses taux d’intérêt à long terme à 10 ans autour du niveau de 0%.

La question qui devrait obséder les marchés est donc la suivante : quels sont les niveaux de taux à 10 ans implicitement ciblés par la BCE aujourd’hui sur les emprunts d’état allemands et français de telle sorte que les bilans de banques et des assureurs ne soient pas trop déstabilisés ? Peut-être autour de 0.80%-1.00% sur le Bund 10 ans et donc, à prime de risque inchangée, autour de 1.20%-1.50% sur l’OAT 10 ans.

Le paradoxe de la situation, c’est que si les taux ne commencent pas à monter durablement dès maintenant (on ne parle pas de tensions passagères de 10 à 20 bp sur des propos de banquiers centraux), assureurs et banques continueront à investir sur des niveaux de taux bas et l’acceptation de forte remontée des taux longs par la BCE sera de plus en plus faible et les points morts acceptables de taux cibles sur les emprunts d’état seront de plus en plus bas. C’est ce que nous observons en temps réel depuis de nombreuses années au niveau du comportement de la BOJ.

Mory Doré Juillet 2017

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