La normalisation du cycle de croissance mondiale, en bonne voie depuis plusieurs mois est évidemment remise en cause par la catastrophe japonaise, à court terme tout au moins. Même si une évaluation reste difficile pour l’heure, l’ensemble des analystes sont unanimes pour chiffrer à plus de 100 milliards de dollars le coût de la reconstruction japonaise. Ce drame ajoute un poids supplémentaire sur les fondamentaux de l’économie japonaise, déjà abimés par une dette frisant les 200% et une croissance nationale ralentie. Comment agir, puis reconstruire à partir de cette base là ?
Une première mesure d’urgence a été initiée par la Banque du Japon, qui a injecté près de 200 milliards d’euros (130 milliards lundi, 70 hier) de liquidités dans le système monétaire, afin de préserver les banques japonaises. Cette attitude pragmatique est la voie à suivre pour que les banques locales, dans les régions sinistrées, ne soient pas à court de liquidités. Parallèlement le gouvernement a puisé dans un fonds spécifique préexistant, dédié aux catastrophes naturelles (260 millions d’euros).
A plus long terme, l’une des clés se situe peut-être dans la puissance du niveau d’épargne des ménages japonais. Le Japon est le troisième exportateur mondial de capitaux. Si ces avoirs financiers étaient rapatriés, ils pourraient être réinvestis à l’échelle nationale et favoriser la reconstruction. Revers de la médaille, ce scénario impacterait les marchés occidentaux sur lesquels les flux de capitaux japonais sont conséquents. Nombre d’Etats européens en bénéficient actuellement pour refinancer leur dette.
Dans ce contexte très incertain, à quoi peut-on s’attendre sur les marchés boursiers dans les semaines à venir ?
Du côté des marchés boursiers, le Nikkei a chuté de 20 % en deux séances (lundi et mardi). A titre de comparaison, le séisme dévastateur de Kobé en 1995, avait causé une baisse similaire, mais sur trois mois, la réaction est donc plus brutale. Aujourd’hui l’indice nippon s’est repris (+ 5.68%), du fait semble t-il, d’un mouvement technique favorisant la chasse aux « valeurs » ayant dévissé. Les marchés occidentaux, réagissent également sensiblement depuis le début de la semaine : Cac 40 en baisse de - 5.91%, Eurostoxx50 de -5.64% et S&P 500 de - 2.85%.
Les scénarii positifs, préétablis en ce début d’année, sont à mettre entre parenthèses pour un temps. Nous nous étions réhabitués depuis le second semestre 2010, à des niveaux de volatilité relativement faibles. Cet état était rassurant pour les investisseurs et les actionnaires. Or l’aléa japonais fait ressurgir le spectre d’une forte volatilité, donc de l’aversion au risque.
Toutefois, prenons du recul et n’oublions pas que les fondamentaux microéconomiques, demeurent globalement très positifs. Les entreprises sont en bonne santé, cela s’est avéré trimestre après trimestre : la croissance bénéficiaire des entreprises est estimée à 10% en moyenne en 2011 et les marchés actions sont loin d’être survalorisés aujourd’hui, d’où une marge d’évolution non négligeable.
Dans ces phases de forte incertitude, il est important pour les investisseurs d’avoir des portefeuilles bien construits et très diversifiés. A l’échelle de quelques jours/ semaines, une vision prudente s’impose, privilégiant une réduction de l’exposition aux marchés actions. Parallèlement, les choix sectoriels effectués seront plus que jamais déterminants : en souffrance depuis deux ans, les énergies renouvelables peuvent reprendre de la hauteur, en réaction à la remise en cause du nucléaire. Nous pouvons nous attendre à l’amorce d’un rattrapage concernant des secteurs comme l’éolien ou le solaire. Leurs valeurs devraient retrouver les faveurs des investisseurs, certes de façon brutale compte tenu des évènements, mais cela semble légitime.
Enfin à échéance plus lointaine, n’oublions pas qu’il faudra reconstruire plusieurs pans de l’industrie japonaise et qu’il y aura donc inévitablement un nouveau gain de croissance, à un moment ou un autre (à horizon de deux trimestres). Il faudra alors repartir de l’avant, notamment en bourse.