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Le Cloud Computing, ou comment l’histoire se répète

La thématique du cloud met en jeu des utilisateurs qui veulent plus de flexibilité, des fournisseurs qui veulent le contraire, et des investisseurs qui favorisent aujourd’hui les cycles d’innovation sans sourciller sur les marges…

L’industrie des logiciels produit sans cesse des néologismes fumeux qui dissimulent des préoccupations très terre à terre. Néanmoins huit ans après le lancement d’Amazon Elastic Cloud, le recul historique permet de dégager des tendances effectives. Le cloud computing emprunte aux mainframes des années 1960 leur puissance, déjà partagée à l’époque. Il répartit la charge de travail sur plusieurs machines, comme dans les architectures clients-serveurs des années 1980. Il est massivement collaboratif, grâce aux hauts débits qu’offrent les réseaux depuis les années 2000. Enfi n il prend une dimension sociale et mobile depuis 2010, engendrant une explosion des données générées dont la pertinence est pressentie mais reste à démontrer. Le concept de mutualisation des ressources (« virtualisation ») et de facturation à la puissance délivrée à la manière d’une utility date des années 1960, mais il manquait bien la bande passante d’aujourd’hui pour étendre l’usage au-delà d’un réseau local. Tout est virtualisable : infrastructures réseau, stockage, serveurs, postes de travail, plateformes de développement – avec des contraintes de temps de réponse, montée en charge, et des interrogations sur la confidentialité toujours non résolues à ce jour, en témoigne le débat autour de la NSA et de la localisation géographique des serveurs ; disons à ce stade que ce débat favorise dans un premier temps des clouds privés, moins mutualisés donc plus chers.

La théorie : plus simple, plus flexible

Au schéma historique d’une vente de licences (à 100 par exemple) avec flux annuels de maintenance de 20 (donc 120+20+20+…) est substitué un abonnement annuel constant de 40 (40+40+40+…) calculé pour une période de payback d’environ cinq ans. Voilà pour l’aspect financier, comparable à un schéma de location. Pour l’aspect technique, les serveurs de traitement et les données deviennent de la responsabilité du fournisseur qui les héberge ou les fait héberger (par Amazon typiquement), de sorte que l’abonnement de 40 est vendu comme une formule tout compris incluant serveurs et mises à jour. Présentée comme cela, cette formule apparaît immédiatement avantageuse pour des petites et moyennes entreprises n’ayant qu’une visibilité limitée et qui préfèrent variabiliser un coût sans investir dans des serveurs. De son côté le fournisseur espère une courbe de profits en J, au prix d’investissements plus élevés car il doit héberger des serveurs pour ses clients, et dans la mesure où il parvient à négocier un engagement de durée. Il est tentant également de considérer qu’un client peut changer plus facilement de fournisseur dans cette formule d’abonnement, en ce sens il accepte de payer plus cher après cinq ans pour bénéficier d’une flexibilité accrue dans le choix de ses fournisseurs. Enfin, les formules d’abonnement nominatives réduisent la fraude, d’où une opportunité significative pour Microsoft par exemple dont 40 % des utilisations d’Office sont considérées comme piratées.

À la lumière de la vague d’acquisitions de 2011-2013, il est frappant de constater à quel point la période actuelle se compare aux années 1990, dans le domaine des suites logicielles

La pratique : toujours les mêmes préoccupations terre à terre

Beaucoup de paramètres viennent « polluer » le calcul simple de payback précédent :

  • Les coûts annexes d’installation, paramétrage, formation, d’archivage. C’est typiquement le rôle d’une SSII, dont le chiffre d’affaires total peut représenter jusqu’à quatre fois le montant de la licence initiale, ou deux fois le montant de la souscription. Déjà à ce stade le calcul de la période de payback se complique soudainement !
  • Les augmentations de prix annuelles, les changements de formules de facturation, les investissements dans des fermes de serveurs pour les vendeurs de capacité et le cas échéant pour les SSII.
  • La gestion des versions, dont le renouvellement sert de prétexte au fournisseur pour augmenter les prix ; le rythme de ces renouvellements peut vite devenir intempestif et ingérable pour le client.
  • Le degré de personnalisation. Il va de soi qu’une application de gestion des notes de frais migrera plus facilement vers le cloud qu’un système de conduite d’une centrale électrique en temps réel.

Ainsi l’argument de la simplicité est vrai pour une petite entreprise ou une start-up qui créent leur système d’information. Pour un grand compte doté d’un système d’information existant, migrer une partie de ses applications dans le cloud ajoute en fait de la complexité (le fameux plat de spaghetti).

La frénésie d’acquisitions de SAP et d’Oracle depuis 2011 impose un parallèle historique. Une phase de transition technologique est d’abord promue par des nouveaux entrants qui attirent les clients par leur force d’innovation, ce que ne supportent pas les acteurs en place qui finissent par les acheter, avant d’augmenter les prix dans une phase de maturité où le client est captif, dépendant et très en colère – nous parlons de transitions technologiques, pas de ruptures comme l’ont été Google, Amazon ou facebook. Cela revient à débattre si les suites logicielles intégrées finissent toujours par gagner, comme le pense SAP. Sous l’angle historique, il est frappant de constater que salesforce, pionnier de la gestion clients dans le cloud, affiche encore des pertes significatives après quinze ans d’existence ; de même que d’autres acteurs spécialisés dans le cloud. Alors que dans les années 1990, Siebel et Peoplesoft au même âge étaient profitables, avant d’être achetées par Oracle. (Voir graphique). Deux constats en découlent. Premièrement, les coûts d’acquisition des clients, c’est-à-dire les frais commerciaux et R&D, ont structurellement augmenté depuis les années 1990. Il est donc d’autant plus important pour rentabiliser ces frais commerciaux et R&D de fidéliser le client à long terme. C’est bien ce que tente salesforce au travers d’une plateforme de développement appelée salesforce1 destinée à créer un écosystème propriétaire, moyennant quelques concesssions sur une offre davantage spécialisée par industrie. Deuxièmement, les investisseurs acceptent une stratégie de gains de parts de marché à tout prix ; en témoigne par exemple le cours de bourse d’Amazon, qui pourtant est tout juste profitable, peu transparent, et casse les prix sur ses infrastructures de serveurs pour mieux les utiliser.

En conclusion, la thématique du cloud met en jeu des utilisateurs qui veulent plus de flexibilité ; des fournisseurs qui prétendent la leur apporter mais qui souhaitent le contraire ; et des investisseurs qui favorisent aujourd’hui les cycles d’innovation sans sourciller sur les marges.

Van Vu Ngoc Mars 2014

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