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Le QE illimité devrait propulser les actions de la zone euro vers de nouveaux sommets

Selon Martin Skanberg Gérant de portefeuilles actions européennes chez Schroders, le plan d’assouplissement quantitatif annoncé par la Banque centrale européenne constitue une étape majeure qui a des conséquences positives pour les actions de la zone euro.

Bien qu’elle soit peut-être tardive, l’entrée de la Banque centrale européenne (BCE) dans le cercle des adeptes de l’assouplissement quantitatif (QE) fait encore sensation. La BCE a donc annoncé qu’elle achèterait 60 milliards d’euros d’actifs par mois à partir de mars 2015 et ce, jusqu’à septembre 2016, contribuant ainsi à une augmentation de son bilan de 1 100 milliards d’euros. Ce plan va même plus loin en ce sens que son terme est conditionné au retour de l’inflation aux alentours de 2 % et n’est donc pas défini dans le temps. Un certain scepticisme est exprimé de part et d’autre quant à l’efficacité probable du QE de la BCE. Selon nous, ce lancement constitue une étape audacieuse et majeure pour l’Europe, notamment au niveau de ses implications sur les prix des actifs.

L’expérience dans les autres régions démontre la puissance du QE

D’autres grandes banques centrales, notamment la Réserve fédérale (Fed), la Banque d’Angleterre et la Banque du Japon, se sont déjà engagées dans la voie de l’assouplissement quantitatif et leur expérience délivre un message fort. Le QE n’a pas toujours réussi à remettre les économies sur les rails, mais, dans tous les cas, ses effets ont été très favorables pour les prix des actifs, en particulier des actions. Le marché d’actions américain a notamment enregistré des performances considérables grâce aux différents plans QE de la Fed, et l’on peut s’attendre à ce que les actions de la zone euro bénéficient d’une impulsion similaire.

Performance de l’indice S&P

Les achats de dette souveraine en zone euro coïncident en effet avec un certain nombre d’autres facteurs qui devraient profiter aux actions. L’euro s’est déjà nettement déprécié face au dollar à l’approche du QE, mais la taille du plan de la BCE devrait accentuer ce mouvement de faiblesse. De plus, le dollar va certainement se raffermir, la Fed préparant le terrain pour le relèvement de ses taux d’intérêt. Le repli brutal des cours pétroliers devrait également avoir des effets positifs sur les actions (autres que celles du secteur énergétique), alors que les rendements obligataires demeurent extrêmement compressés. Ensemble, ces facteurs constituent un environnement robuste pour la zone euro et favorable à la croissance des bénéfices des entreprises.

Gagnants et perdants du QE

L’assouplissement quantitatif risque d’entraîner une réévaluation [1] de l’ensemble des actions de la zone euro, mais certains secteurs seront mieux lotis que d’autres. Aux premières loges, on trouvera les entreprises cycliques [2] les plus exposées à l’économie. Il nous semble qu’actuellement, le secteur de la consommation cyclique présente toujours des valorisations intéressantes, même après ses performances récentes. C’est tout particulièrement le cas des équipementiers automobiles, mieux positionnés que les constructeurs, qui sont toujours exposés à la concurrence des marchés émergents. Le sous-secteur des médias pourrait également bénéficier largement du QE, surtout dans le contexte de baisse des prix du pétrole qui va doper les revenus disponibles des ménages. D’autre part, les secteurs de l’industrie et de la chimie devraient bien se comporter, à la faveur de la baisse de leurs coûts de production. Les entreprises qui réalisent des bénéfices à l’étranger pourraient particulièrement bien performer grâce à l’appréciation du dollar.

Autant d’exemples de sociétés cycliques qui devraient selon nous surperformer. Toutefois, certains secteurs défensifs pourraient aussi avoir leur part du gâteau. C’est le cas notamment du secteur des télécommunications, qui affiche des valorisations globalement faibles et pourrait bénéficier du QE. En effet, les sociétés de ce secteur sont généralement très endettées [3], et seront donc les premières avantagées par la compression des rendements courants, tout en n’étant pas tenues de s’appuyer sur des hypothèses de croissance démesurées. Certaines sociétés du secteur médical pourraient également tirer leur épingle du jeu dans la mesure où le QE offre un soutien aux segments du marché de meilleure qualité et à plus forte croissance.

En revanche le secteur financier bénéficiera probablement du QE seulement de manière contrastée ; par exemple, les assureurs ne sont pas bien positionnés, car leurs capacités à distribuer des dividendes pâtiront de la diminution des taux d’intérêt.

La Grèce présente un risque limité

Autre événement important de ces derniers jours, les élections en Grèce ont été remportées par le parti de gauche radicale Syriza, opposé à l’austérité. Il est important de bien voir qu’anti-austérité ne signifie pas forcément anti-euro. Ni la population grecque ni son gouvernement ne souhaitent sortir de la zone euro, pas plus qu’une sortie de la Grèce n’est dans l’intérêt des autres membres de la zone euro. Toutefois les ministres des Finances de la zone euro semblent vouloir se montrer inflexibles quant à la possibilité d’un quelconque allègement de la dette grecque. Un éventuel compromis consisterait à modifier une partie des conditions du plan de sauvetage actuel.

C’est pourquoi à nos yeux, il est peu probable que la Grèce sorte de la zone euro. Même si c’était finalement le cas, ce serait certainement moins douloureux que si c’était survenu en pleine crise de la dette souveraine il y a trois ans. La majorité de la dette souveraine grecque est aux mains d’agences supranationales, et non de créanciers privés, ce qui limiterait l’impact d’un défaut. De plus le marché d’actions grec n’a pas beaucoup d’exposition directe à celui de l’ensemble de la zone euro. Selon nous, le plan QE de la BCE vide de leur substance les incertitudes quant à la renégociation du sauvetage grec.

"Faire tout ce qu’il faudra"

En lançant son plan QE, la BCE remplit tout simplement la promesse engagée par Mario Draghi à l’été 2012 de "faire tout ce qu’il faudra". Les indicateurs avancés ont déjà rebondi dernièrement, notamment les enquêtes allemandes ZEW et IFO qui témoignent de l’effet positif de la baisse des cours pétroliers et de l’euro. L’impact global du QE vient s’ajouter aux tendances actuelles qui favorisent les actions de la zone euro. Compte tenu des précédents dans les autres régions, le marché local a clairement le potentiel de s’apprécier à la fois en termes absolus et par rapport aux autres classes d’actifs

Martin Skanberg Février 2015

Notes

[1] La réévaluation est le moment où le marché réévalue son opinion vis-à-vis d’un actif, contribuant ainsi à une hausse des cours.

[2] Les valeurs cycliques sont celles qui ont tendance à évoluer dans la même direction que l’économie dans son ensemble.

[3] Une entreprise très endettée affiche une forte dépendance envers l’emprunt.

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