Depuis près d’un an les banques centrales relèvent les taux d’intérêt directeurs afin de ralentir l’activité économique, casser la hausse des prix et retrouver une inflation sous-jacente de 2%. Si la plupart des composantes liées au fret et à l’énergie enregistre une tendance baissière depuis l’été, les derniers chiffres parus semblent confirmer une activité encore robuste, un marché de l’emploi vigoureux et une inflation qui se raffermit. Même les anticipations d’inflation européennes se redressent depuis peu et viennent de franchir leur plus haut niveau depuis un an.
Devant de tels résultats, la FED comme la BCE se trouvent démunies. Le seul outil dont elles disposent semble inefficace. Pour sauvegarder leur réputation, elles pourraient accentuer la pression ou la prolonger trop longtemps, au risque de favoriser un ralentissement très marqué dont il sera difficile de tempérer les effets.
Dans leur impatience, les marchés – et d’une certaine façon Madame Lagarde comme Monsieur Powell qui n’ont pas osé le leur rappeler – ont oublié le temps requis pour qu’une hausse des taux directeurs entraîne un ralentissement de l’économie et de l’inflation. Le délai moyen observé oscille entre 12 et 18 mois. Il est normal que les effets modérateurs ne se soient pas encore manifestés. Ils n’en demeurent pas moins à l’œuvre et l’ampleur des hausses cumulées devrait – le moment venu – déclencher un coup de frein significatif de l’activité. En effet, la hausse a été très conséquente, en France par exemple les taux à 10 ans sont passés de 0% le 15 décembre 2021 à 3,22% aujourd’hui !
Il est à craindre que les entreprises, qui ont fortement bénéficié de l’inflation en 2022 en pratiquant des hausses de tarifs répétées alors même que leurs charges ne subissaient pas encore les vrais pincements de l’inflation, ne pourront pas maintenir leurs marges en 2023. L’année qui débute devrait
subir la hausse effective des charges et des salaires alors même que de nouvelles hausses de tarifs deviendront très difficiles à faire admettre.
Cet aspect peu encourageant pourrait s’accompagner d’un ralentissement du pouvoir d’achat des consommateurs qui affectera les chiffres d’affaires. En effet les Etats vont finir par réduire les multiples aides, plus ou moins ciblées, pratiquées avec largesse depuis des mois, tandis que les économies
accumulées par les consommateurs en période de Covid et juste après, vont finir par s’épuiser.
La dégradation pourrait s’avérer plus subite que prévue du fait d’une superposition soudaine d’éléments négatifs qui auraient dû se dissiper progressivement dans la durée.
Cette vision qui semblait invraisemblable il y a encore quelques semaines ne l’est plus, même si elle n’est pas la plus probable au stade actuel.
En effet, l’économie chinoise retrouve une indéniable vigueur susceptible d’aider une Europe en manque de relais. Cependant, l’inflation chinoise est demeurée sous contrôle et l’énergie russe, en mal de débouchés et à cours modérés, devrait permettre aux chinois de contenir la hausse des prix. Cette situation va contribuer à freiner l’inflation en occident mais pourrait également mettre en évidence la perte de compétitivité des produits européens sur un an.
Pour l’instant et malgré des annonces préalables répétées, les banques centrales n’ont pas encore commencé à réduire leur bilan. Cette prudence peut surprendre quand on la rapproche du dynamisme économique actuel qui, aux Etats-Unis du moins, paraît presque invulnérable. LA FED craindrait-elle les effets d’une contraction de la liquidité qui affecterait Wall Street … Ces précautions des banques centrales qui mettent tout en œuvre pour ne pas froisser les marchés financiers peuvent sembler parfois excessives.
Nous allons surveiller de près l’éventuel essoufflement des chiffres d’affaires – notamment en volume - et la possible détérioration des marges des entreprises afin de prendre la mesure d’un ralentissement s’il venait à se produire.
Un tel retournement déclencherait sans doute un mouvement de baisse des taux d’intérêt qui offrirait un soutien majeur aux valeurs de croissance.