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Le grand débat sur la reflation

GAM Investments organisait un événement intitulé « Le grand débat sur la reflation - bruits du marché ou changement structurel ? » Deux spécialistes en investissement chez GAM, Adrian Owens et Michael Biggs, ont partagé leurs analyses sur l’inflation et l’impact potentiel sur les économies des marchés développés et émergents.

Les chiffres officiels de l’inflation sous-jacente ne reflètent pas encore une inflation significative, mais nous anticipons une accélération au cours des 12 prochains mois. Dans une perspective à plus long terme, sur un horizon de deux à trois ans, nous estimons que les éléments déterminants en termes d’inflation sont déjà largement présents. En premier lieu, la pandémie de Covid-19 a entraîné des mesures de relance sans précédent. Cependant, la situation est différente cette fois-ci, notamment en ce qui concerne l’ampleur et la variété des outils déployés par les banques centrales, et le fait que de nombreux pays agissent de concert. Au niveau mondial, le montant des mesures de relance quantitative engagé depuis le début de la pandémie de Covid-19 est égal au montant total observé au cours de la dernière décennie.

Une récession atypique

En second lieu, il ne s’agit pas d’une récession typique. Après un bref fléchissement en mars 2020, le revenu total a nettement dépassé les niveaux enregistrés avant la crise du Covid-19, ce qui reflète l’ampleur des transferts fiscaux. Une divergence d’une telle magnitude entre le revenu et la production est véritablement sans précédent dans le cadre d’une récession. Par ailleurs, on a observé une accumulation massive d’excédents d’épargne, de 500 milliards d’euros dans la zone euro et de 1,5 billion de dollars aux États-Unis ; il s’agit d’une caractéristique commune à la plupart des pays développés. En termes de pertes d’emplois, les chiffres du chômage enregistrés depuis le début de l’année sont concentrés dans les secteurs vulnérables au Covid-19, et nous anticipons donc un rebond rapide de l’activité du marché du travail avec la réouverture des économies. Aux États-Unis, le taux de chômage a rapidement baissé au cours des 11 derniers mois, de 14,8 % en avril 2020 à seulement 6 % à début avril 2021.

Rupture des chaînes logistiques mondiales

En ce qui concerne le commerce, plusieurs problèmes se posent du côté de l’offre. Depuis 1983, le volume des échanges mondiaux a augmenté d’environ 5,5 % par an, soit approximativement le double du taux de croissance de l’économie mondiale. La crise du Covid-19 a brisé cette tendance de manière décisive. Le volume du commerce mondial s’est effondré d’environ 15 % au plus fort de la crise, avec la désagrégation des chaînes logistiques mondiales, notamment lorsque les pays ont donné la priorité à leurs besoins domestiques au détriment de l’international. Ces dernières années, les barrières commerciales mondiales ont eu tendance à s’élever et la crise du Covid-19 a donné un nouvel élan vers la localisation ; à l’avenir, il semble peu probable que la globalisation demeure une force désinflationniste aussi puissante. Il est même possible que la tendance s’inverse. Il convient également de noter les pressions sur les coûts, par exemple les hausses des impôts sur les sociétés et les pressions croissantes pour taxer plus efficacement le secteur technologique. Aux États-Unis, l’administration Biden a pour objectif de doubler le salaire minimum. Les politiques environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) risquent également d’être coûteuses pour de nombreux secteurs. Par exemple, la Cour suprême du Canada a récemment confirmé une taxe nationale sur le carbone.

Finalement, les fonctions des banques centrales nous semblent plutôt lentes et complaisantes. La Réserve fédérale (Fed) a explicitement fait part de son intention de laisser l’inflation dépasser l’objectif fixé, et de ne pas entreprendre de resserrement lorsqu’elle sera supérieure à 2 %.

En effet, bien que de nombreux prévisionnistes s’attendent à ce que les écarts de production se referment au cours des 12 prochains mois, la Fed ne prévoit pas de première hausse de taux d’intérêt avant 2023. Son président M. Powell a déclaré que s’il est facile de réduire l’inflation, cela est plus problématique lorsqu’elle est trop faible. Cela a pu être le cas dans un passé récent, mais je doute que Paul Volcker aurait été du même avis dans les années 1970.

Les facteurs déflationnistes des deux dernières décennies ne disparaîtront peut-être pas, comme Powell le déclare volontiers, mais ils se réduisent et sont centrés sur la démographie, en particulier si l’on considère l’inflation sur une période de cinq à dix ans. Au cours des dernières décennies, la population en âge de travailler a explosé, de 700 millions en 1980 à plus de deux milliards en 2010. Cette tendance est en train de s’inverser. Lorsque les baby-boomers commenceront à quitter le marché du travail, il y aura moins de travailleurs productifs et plus de retraités non productifs, ce qui entraînera probablement une hausse des taux d’intérêt d’équilibre pour un niveau d’inflation donné.

Déficits et dette

Les déficits et les profils d’endettement des pays apparaissent problématiques ; cela a été le cas dans un passé récent et la tendance devrait persister au cours des prochaines années. Cette situation est due en grande partie à des raisons démographiques. Compte tenu du montant de la dette auquel les pays sont confrontés et du fait que de nombreuses forces désinflationnistes cèdent du terrain, comment les pays peuvent-ils résoudre le problème de la dette ? À notre avis, il n’y a que trois possibilités : 1) le défaut de paiement, une solution évidemment peu idéale ; 2) la croissance, un phénomène de plus en plus difficile dans un contexte de contraction de l’offre de main-d’œuvre ; 3) la taxation et/ou l’inflation - ces deux possibilités sont équivalentes dans les faits, sauf que la première est visible et la seconde invisible, et nous pensons que les décideurs politiques seront davantage attirés par la seconde.

En conclusion, nous considérons que l’inflation jouera un rôle important au cours des prochaines années. Évidemment, de nombreuses forces désinflationnistes sont encore à l’œuvre, mais à notre avis les grandes directions ne sauraient être plus claires.

A notre avis, il faut considérer les perspectives d’inflation en trois phases. Dans la première, qui se déroulera probablement au cours des prochains mois, l’inflation devrait augmenter fortement en raison de la hausse des prix des matières premières, d’effets de base défavorables et de hausses de prix particulières sur les services les plus sérieusement affectés par la pandémie. Si cette opinion fait largement consensus, elle pourrait néanmoins surprendre le marché - les prix mondiaux du pétrole et des denrées alimentaires ont augmenté de plus de 25 % depuis le début de l’année.

Toutefois, la hausse de l’inflation ne devrait pas se maintenir. La deuxième phase devrait commencer au troisième trimestre, lorsque ces perturbations auront affecté le système en profondeur. Au cours de cette seconde phase, l’inflation dépendra du niveau des capacités disponibles dans l’économie mondiale. Selon nous, les taux de chômage élevés, les faibles taux d’utilisation des capacités de production et les niveaux de dépenses encore bien inférieurs à ceux de la fin de 2019 suggèrent qu’il existe encore une importante marge résiduelle. Si l’avenir nous donne raison, le rebond de la demande stimulera la croissance mais n’aura qu’un impact minime sur les prix, et l’inflation se stabilisera au second semestre 2021 et au début 2022 autour des niveaux cibles.

Nous atteindrons la troisième phase lorsque le rebond de la demande aura épuisé les capacités inutilisées restantes et que l’économie mondiale aura retrouvé son niveau maximal de fonctionnement. L’évolution de l’inflation dépendra alors essentiellement des décisions politiques. Ceux qui craignent une hausse durable de l’inflation semblent prédire que les décideurs politiques choisiront de laisser l’inflation dépasser largement les niveaux cibles actuels, mais on ne voit pas clairement pourquoi il devrait en être ainsi. Comme l’ont montré les années 1970, une inflation plus élevée n’aide pas les pays à réduire leur niveau d’endettement. Les avantages d’une croissance accrue du PIB nominal sur le ratio dette/PIB sont rapidement érodés par l’impact de la hausse des taux d’intérêt. Et lorsque les décideurs politiques sont finalement contraints de lutter contre l’inflation en augmentant les taux d’intérêt, la croissance du PIB chute et les ratios d’endettement augmentent.

Comme les années 1970 l’ont aussi montré, une inflation plus élevée a des effets négatifs sur presque toutes les catégories d’actifs, y compris les actions. Lorsque l’inflation augmente, la prime de terme des obligations s’accroît, les taux d’intérêt réels augmentent et la valorisation des actions se détériore. Le rendement total réel de l’indice S&P 500 a été en moyenne de 0,6 % par an au cours de la dernière décennie. On ne voit pas précisément pourquoi les décideurs politiques voudraient nous ramener à un tel environnement.

Mai 2021

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