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Le lien entre les spreads de crédit et les rendements obligataires : est-ce différent cette fois-ci ?

Une corrélation inhabituellement positive entre la hausse des rendements obligataires et l’écartement des spreads de crédit est apparue durant la baisse massive des marchés en juin, jetant ainsi le doute sur le lien historique entre ces deux variables...

Une corrélation inhabituellement positive entre la hausse des rendements obligataires et l’écartement des spreads de crédit est apparue durant la baisse massive des marchés en juin, jetant ainsi le doute sur le lien historique entre ces deux variables. Diverses déclarations de la Fed et d’autres banquiers centraux ont entraîné un rebond marqué des obligations spéculatives américaines et européennes en juillet et en août.

Dans la mesure où les phases les plus positives du cycle de crédit sont derrière nous (en termes de resserrement des spreads et de surcroît de rendement par rapport aux emprunts d’État), le scénario le plus probable au cours des prochains mois est une normalisation de la prime de risque de crédit, en particulier par rapport aux rendements obligataires. Si l’on se fie à cette relation, un environnement marqué par une hausse des rendements obligataires peut contribuer à un resserrement des spreads de crédit, mais dans une bien moindre mesure que l’année dernière.

Nous vivons une époque intéressante : les banques centrales ayant été contraintes de revoir de fond en comble leurs outils conventionnels et non-conventionnels, les politiques monétaires des pays développés n’ont jamais été aussi accommodantes. La Banque d’Angleterre (BoE) a rejoint le camp des « indications prospectives » (guidance) pour piloter les taux d’intérêt, en fonction d’un objectif de taux de chômage ; la Banque centrale européenne (BCE) s’est engagée à maintenir très longtemps ses taux à des niveaux très faibles, alors que la Banque du Japon (BoJ) et la Fed continuent sur la voie des injections de liquidités. Néanmoins, les annonces de la Fed en mai et en juin avaient rapidement mis à mal le scénario de statu quo qui prévalait à l’échelle mondiale, à savoir un environnement de taux bas sur les marchés obligataires. L’évolution importante et rapide des anticipations de politique monétaire déclenchée par l’annonce d’un ralentissement progressif du programme d’assouplissement quantitatif (QE) de la Fed a été le principal catalyseur de la correction généralisée des actifs risqués au mois de juin, y compris des principaux produits de spread. Durant la baisse massive des marchés en juin est apparue une corrélation inhabituellement positive entre la hausse des rendements obligataires et l’écartement des spreads de crédit, un cocktail néfaste pour les produits de spread qui ont enregistré des performances fortement négatives (en rendement total). Durant les semaines qui ont suivi, diverses déclarations de la Fed et d’autres banquiers centraux ont entraîné un rebond marqué des obligations spéculatives américaines et européennes. Nous l’avons dit, il est inhabituel d’observer un élargissement des spreads lorsque les rendements obligataires remontent après des plus bas cycliques : une tendance haussière des rendements s’accompagne généralement d’un resserrement (baisse) de la prime de risque de crédit. Dans cet article, nous allons dans un premier temps analyser le lien existant entre les spreads de crédit et les rendements obligataires et, dans un second temps, présenter nos prévisions concernant l’évolution probable du lien entre les spreads et les rendements obligataires au cours des mois et trimestres à venir.

Spreads de crédit et rendements obligataires : une corrélation historique

Nous avons déjà abordé le lien entre les spreads et les rendements obligataires dans une précédente publication. Les données rétrospectives montrent que les spreads tendent à atteindre un pic à la fin des périodes de récession. Puis on assiste à un redressement du marché du crédit, parallèlement à une augmentation des rendements des titres d’emprunt d’État, les marchés obligataires commençant à anticiper une modification de l’orientation de la politique monétaire, une hausse des taux de croissance et une accentuation du risque d’inflation. Le tableau ci-dessous, qui couvre les 40 dernières années de l’histoire américaine, confirme qu’un rebond du crédit à la suite de phases récessionnistes s’est toujours accompagné d’une hausse assez marquée des rendements obligataires.

Il est logique d’observer une corrélation négative entre les spreads de crédit et les rendements obligataires lors de phases post-récession : en effet, une phase de rebond économique implique une amélioration des indicateurs de crédit via une accélération des flux de trésorerie, même si la réduction de l’endettement est pour l’essentiel déjà passée à ce moment-là du cycle. L’augmentation des prévisions d’inflation, qui tire les rendements à la hausse, est également synonyme d’amélioration du pouvoir de fixation des prix des entreprises, et les premières hausses de taux des banques centrales ne pénalisent généralement ni les actions ni les obligations d’entreprise. En outre, les spreads protègent des effets néfastes en termes de duration exercés par la hausse des rendements obligataires : ainsi, lors de ces phases, les investisseurs jugent toujours attractive la dette d’entreprise par rapport aux emprunts d’État.

« Il est logique d’observer une corrélation négative entre les spreads et les rendements lors de phases post-récession »

Le lien historique va-t-il persister ou la situation est-elle, cette fois-ci, vraiment différente ?

Les annonces de la Fed concernant un ralentissement probable du QE fin 2013 ont entraîné une réaction soudaine sur les marchés financiers : les craintes d’une disparition rapide de l’environnement de taux bas se sont traduites par l’apparition d’une corrélation positive inhabituelle entre les rendements obligataires et les spreads. En revanche, en juillet et en août, l’évolution des marchés du crédit s’est « normalisée ».

Intéressons-nous au 1er graphique, qui décrit le lien entre les spreads des CDS des titres IG européens et les bons du Trésor à 10 ans depuis le début de l’année : après la première hausse qui a correspondu à la remontée des rendements obligataires, les spreads ont fini par se resserrer et ont opéré un découplage très net par rapport à l’évolution ultérieure des bons du Trésor.

Le deuxième graphique montre que le rebond du crédit s’est accompagné d’une baisse simultanée de la volatilité implicite des obligations et de révisions baissières des anticipations de hausse des taux. Autrement dit, ce n’est pas la hausse de la prime à terme des emprunts d’État qui a le plus pénalisé le crédit, mais une sur-réaction soudaine et inattendue des anticipations de politique monétaire. Lors des dernières réunions du FOMC et à l’occasion du discours de Ben Bernanke devant le Sénat à la mi-juillet, la Fed a clairement déclaré que la politique de taux zéro serait maintenue pendant une très longue période, quel que soit le moment auquel les achats de titres (QE) seraient réduits : la BCE et la BoE ont également envoyé des signaux accommodants et ont ainsi contribué au découplage qui a suivi. Par conséquent, nous pensons que le lien traditionnel entre la prime de risque de crédit et les rendements obligataires restera d’actualité pendant les prochains mois. Ce scénario est confirmé par un retour à des collectes positives des fonds spécialisés dans le HY, la quête de rendement n’étant pas terminée dans le contexte actuel. Cette tendance revêt une certaine importance car elle dissipe les craintes d’une rotation désordonnée des actifs (en faveur des actions et au détriment des obligations d’entreprise). De fait, après des niveaux très élevés, la volatilité des obligations a diminué et les banques centrales ont réussi à éviter des mouvements « excessifs et rapides » sur les marchés obligataires. En outre, les dernières données macroéconomiques ont surpris à la hausse au Japon, aux États-Unis mais aussi en Europe, alors que l’inflation reste modérée. Rien de tout cela ne nous semble pas défavorable aux obligations d’entreprise.

« Le portage reste la principale source de surperformance que peuvent offrir les obligations spéculatives par rapport aux emprunts d’État »

Quelles sont les perspectives d’évolution de la prime de risque de crédit (absolue et relative) pour les prochains mois ?

Dans la mesure où les phases les plus positives du cycle de crédit sont derrière nous (en termes de resserrement des spreads et de surcroît de rendement par rapport aux emprunts d’État), le scénario le plus probable au cours des prochains mois est une normalisation de la prime de risque de crédit, en particulier par rapport aux rendements obligataires. Revenons maintenant au lien entre les ratios de rendement et les rendements obligataires. Ce lien à long terme est présenté dans le graphique suivant, qui débute en 1985 et exclut certaines données extrêmes observées durant la crise de Lehman. On constate que le ratio de rendement des titres HY américains par rapport aux bons du Trésor a baissé, passant de 5,5 en juillet 2012 à 4,5 en décembre, avant de retomber à 3,3. Cette tendance s’est accompagnée d’une hausse de près de 65 points de base des rendements obligataires, soit une progression d’environ 50 % depuis le point de départ de l’analyse (juillet 2012). Le lien entre les ratios de rendement et les rendements obligataires est assez solide et devrait se traduire par une poursuite de la baisse des ratios de rendement. Si l’on se fie à cette relation, un environnement marqué par une hausse des rendements obligataires peut contribuer à un resserrement des spreads de crédit, mais dans une bien moindre mesure que l’année dernière. Nous pensons donc que le portage reste la principale source de surperformance que peuvent offrir les obligations spéculatives par rapport aux emprunts d’État. Les principaux risques menaçant ce scénario favorable seraient une remontée de la volatilité implicite des obligations et la résurgence d’une sortie rapide de la politique de taux zéro. Toutefois, au vu des dernières décisions monétaires prises, les modes de communication et le comportement des banques centrales devraient maintenir ces risques à des niveaux relativement bas.

Sergio Bertoncini Septembre 2013

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