Le trading algorithmique progresse rapidement sur les marchés américains et européens, où il a dépassé les traders traditionnels.
C’est une évolution inéluctable, qui a pris son essor au tournant de la bulle technologique de la fin des années 2000, et qui ne semble pas prêt de prendre fin si l’on en croit les statistiques. Ces trois dernières années, la part du trading automatisé dans l’ensemble des volumes échangés a ainsi progressé d’un tiers sur le London Stock Exchange, et se situe aujourd’hui autour de 65%, pas loin de ceux du New York Stock Exchange. Aux Etats-Unis, le trading automatisé ne représentait qu’un tiers du marché en 2005. Sa part a donc doublé en quatre ans. Il est encore délicat de définir à partir de quand une décision est basée exclusivement sur l’informatique, ou bien sur un trader qui s’appuie pour une bonne part sur des analyses automatiques.
Selon John Bates, le directeur de Progress Apama, concepteur de modèles informatiques d’analyse financière créé en 1993, « l’algo trading est depuis plusieurs années un outil inestimable pour les services financiers. Il est maintenant quasiment impossible pour les traders de hedge funds, de fonds de pension, de fonds de placement ou d’autres acteurs institutionnels de faire leur travail efficacement sans ce moyen. Les traders font de plus en plus confiance aux modèles algorithmiques pour avoir un meilleur champ de vision des différents pools de liquidités, aggrégés les uns aux autres. »
Sur certains marchés, la part des modèles algorithmiques décideurs atteint 80%, et ceux qui s’y prêtent le moins adhèrent malgré tout : le marché des changes, qui se situait à 25% en 2006, rattrape son retard ; les marchés de futures s’y mettent également, avec une prévision de 20% de leur volume automatiquement géré par ordinateur en 2010 ; les obligations vont aussi suivre le mouvement.
Les avantages sont liés à la rapidité de la prise de décision - plus immédiate encore que l'immédiateté d'un trader humain - et bien entendu, de façon plus générale, à la réduction des coûts permettant de séduire davantage de clients.
Une des catégories de trading algorithmique est le « news trading » qui consiste à prendre automatiquement et en temps réel des décisions d’achat ou de vente, selon une analyse fine des dépêches liées aux résultats et aux champs d’activité d’une entreprise ou d’un titre. Le spectre des informations analysées dans la seconde où elles tombent est donc large, avec une complexité et une finesse d’analyse allant grandissant.
Les mots et phrases apparaissant dans les dépêches sont traités de façon à indiquer le « sentiment général » de l’information, plutôt positive, plutôt négative, avec une conséquence plus ou moins importante sur la prise de décision, chaque type d’informations ayant évidemment un barème préétabli. Il s’agit ainsi de donner au traitement informatique des news un maximum de sensibilité... humaine, tout en rationalisant autant que possible ledit traitement, avec une masse d’informations de plus en plus volumineuse et néanmoins pertinente. Les informations traitées vont des profits ou pertes des sociétés, aux événements climatiques ou politiques dans telle ou telle zone géographique, en passant par les changements de direction, rumeurs de fusion, statistiques conjoncturelles, etc...
De plus en plus de firmes exigent que les dépêches non purement financières soient intégrées aux algorithmes, c’est d’ailleurs ce qui a amené l’agence d’information financière Thomson Reuters à créer un nouveau fil de dépêches pouvant être intégré directement aux algorithmes ou modèles informatiques, afin d’anticiper la volatilité et permettre une meilleure prise de décision ou mieux opérer la gestion du risque.
Thomson Reuters a également lancé une série d’indices mis à jour en temps réel pour indiquer un volume anormalement important de news dans tel ou tel secteur, et ainsi mettre en alerte les systèmes de « news trading ».
Les modèles algorithmiques sont appelés à se complexifier encore et encore, à la fois parce que les informations dispatchées sont toujours plus nombreuses, et parce que la concurrence amène les firmes à mettre en place des systèmes d’analyse de plus en plus performants. De leur capacité à concevoir des modèles très haut de gamme dépendent leurs profits et avantages compétitifs.
Le « news trading » présente toutefois des limites. Selon Sang Lee, associé du consultant Aite Group, « on constate, au vu de l’ensemble du trading algorithmique, que la plupart des acteurs veulent traiter de plus en plus de données. Mais cela revient à ne pas tenir compte du fait que les données utilisées par les algorithmes sont bien souvent redondantes ou relativement datées. »
Voire antidatées... En septembre 2008, le site d’informations culturelles américain southflorida.com a ainsi malencontreusement publié une dépêche vieille de six ans sur la faillite d’United Airlines, reprise ensuite sur le site de Bloomberg. Les logiciels de « news trading » ont fait leur oeuvre plus vite que le son, menant en quelques minutes le cours de l’action à 3 $ contre 12,5 $ lors de l’ouverture !
Les modèles algorithmiques resteront probablement longtemps encore à la recherche d’une totale infaillibilité.