Quelles sont les dernières nouvelles de l’inflation ?
Le taux d’inflation sur un an de la zone euro s’est affiché à 5.1% en janvier 2022, selon Eurostat, l’office statistique de l’Union européenne. Aux Etats-Unis, l’inflation a atteint 7.5% sur un an en janvier 2022, le chiffre le plus élevé depuis février 1982.
La flambée des prix de l’énergie contribue à un peu plus de la moitié de l’inflation en zone euro. La bonne nouvelle est que le pic de l’inflation devrait être bientôt atteint (pendant le premier trimestre selon nos prévisions) et que la composante des prix énergétiques devrait jouer en faveur d’une modération de l’inflation à partir du deuxième trimestre. La mauvaise nouvelle est que la forte remontée et volatilité [1] des prix des matières premières ces derniers mois augmente le niveau d’incertitude sur les prévisions d’inflation. En dehors de l’énergie, l’accélération passée des prix à la production nourrie par les tensions d’approvisionnement commence à se transmettre aux prix des biens alimentaires et industriels consommés par les ménages, et le marché craint désormais des tensions sur les salaires et donc des effets de second tour plus forts.
La dynamique des salaires reste très faible en zone euro (+1.4% en glissement annuel au troisième trimestre 2021), c’est pourquoi nous prévoyons une accélération des salaires courant 2022 reflétant la baisse du taux de chômage déjà enregistrée. Le dernier sondage téléphonique effectué par la BCE auprès des entreprises suggère également que les salaires devraient augmenter plus rapidement cette année. Toutefois, une progression salariale entre 2.5% et 3% resterait compatible avec l’objectif d’inflation de la BCE, donc une inflation maîtrisée.
Aux Etats-Unis la flambée des prix est généralisée à toutes les composantes. En 2022, le déséquilibre entre offre et demande devrait se modérer et par conséquent l’inflation sur les biens devrait s’estomper. Avec la normalisation progressive de l’économie, la demande des particuliers devrait passer des biens, qui ont déjà largement rebondi après Covid, aux services. L’inflation dans les services est donc la composante fondamentale à surveiller et elle pourrait continuer à augmenter, comme celle du logement.
En prenant en compte tous ces éléments, nous avons révisé nos prévisions d’inflation fortement à la hausse en 2022. Nous pensons que l’inflation moyenne cette année sera supérieure à 4% pour la zone euro et à 5% aux Etats-Unis. Les effets de base sur les matières premières devraient quand même contribuer à la baisse de l’inflation au deuxième semestre 2022. Tout en restant conscients de la forte incertitude qui entoure les prévisions, et des risques à la hausse, nous pensons toujours que l’inflation devrait se normaliser en 2023.
Comment se positionnent les Banques centrales ?
Aux Etats-Unis, sur les 10 derniers mois, l’inflation a dépassé 9 fois les attentes du marché. Les informations de janvier donnent une image extrêmement vigoureuse du marché du travail américain avec un taux de chômage de 4% seulement proche du plein emploi, ce qui renforce les anticipations d’une hausse des taux directeurs de la Réserve fédérale américaine (Fed) dès le mois de mars. Le débat est désormais plutôt sur l’amplitude de la hausse, 50 ou 25 bps.
Jerome Powell, le Président de la Réserve fédérale américaine (Fed), a été très clair lors de la dernière réunion de la Banque centrale du 26 janvier : cette fois-ci, il ne faudra pas s’attendre à une normalisation en douceur de la politique monétaire comme en 2015, les deux objectifs de la Fed (inflation et marché du travail) étant atteints, et les conditions économiques bien différentes.
Combien y aura-t-il de hausses des taux au total ? Le marché anticipe 7 hausses en 2022 [2] (175 pbs au total) aux Etats-Unis, mais le rythme dépendra de l’évolution de l’inflation notamment à partir du deuxième trimestre. La normalisation du bilan de la Fed pourrait avoir lieu à partir de l’été (juin, juillet). Cela veut dire que la Fed ne réinvestira pas tous les titres qui arriveront à échéance, en laissant son bilan se dégonfler. Pour le moment, les ventes de titres ne semblent pas être favorisées.
En zone euro, Christine Lagarde a finalement admis début février que l’inflation pourrait poser plus de problèmes que prévu et que le risque était "à la hausse", terme qui n’avait plus été utilisé depuis 7 ans. Lors de la conférence de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde n’a pas rejeté (comme c’était encore le cas en fin d’année 2021), les anticipations du marché de hausses de taux plus rapprochées, peut-être dès fin 2022. D’après l’orientation de politique monétaire de la BCE, les 3 conditions demandées pour relever les taux sont : que l’inflation atteigne 2% bien avant la fin de son horizon de projection, que l’inflation soit durablement à 2% sur le reste de l’horizon de prévision et qu’il y ait un progrès suffisant de l’inflation sous-jacente, compatible avec une inflation à 2%.
Les analyses de la BCE sur l’inflation et les nouvelles prévisions d’inflation seront donc très importantes. Lors de la réunion de mars prochain, les projections d’inflation de la BCE seront très probablement revues à la hausse pour 2022. Si la BCE relève ses projections sur 2023 et 2024, notamment celles de l’inflation sous-jacente pour 2024 (actuellement attendue à 1.8%), les nouvelles prévisions économiques pourraient être compatibles avec la normalisation des taux directeurs fin 2022. Puisque d’après la séquence indiquée par la BCE, les achats d’actifs doivent se finir avant la première hausse des taux, il est possible que les programmes d’achats soient également arrêtés plus tôt qu’anticipé.
Sur la base de nos prévisions d’inflation, une hausse début 2023 serait préférable pour éviter de relever les taux directeurs trop tôt [3], mais les récentes déclarations de la BCE conduisent à ne pas exclure une première hausse des taux directeurs en fin d’année, qui est d’ailleurs le scenario désormais anticipé par les marchés. Dans ce cas, on peut envisager que la BCE communique aux marchés, dans le courant du deuxième trimestre, l’évolution de ces programmes d’achats pour le reste de l’année.
Quel est l’impact sur les marchés obligataires ?
Le virage de la BCE a entrainé également les taux européens à la hausse. Le taux à 10 ans allemand est repassé en début d’année pour la première fois depuis 2019 en territoire positif. La remontée des taux longs, mais encore plus des taux courts, s’explique par le fait que les marchés anticipent une normalisation de la politique monétaire plus rapide dans le contexte inflationniste actuel. Nous continuons de penser que les taux vont progresser en 2022 dans la perspective d’une normalisation des politiques monétaires.
Les obligations des pays européens périphériques sont les plus pénalisées. Face aux inquiétudes des marchés, Christine Lagarde et d’autres membres de la BCE ont rappelé que la Banque Centrale reste très vigilante au risque de fragmentation en utilisant tous les outils à sa disposition, comme la flexibilité sur les réinvestissements des titres arrivant à échéance. Le plan de relance européen renforce également la solidité de l’euro et devrait limiter la matérialisation d’un risque extrême. Enfin, la baisse des taux de rendement des dernières années a permis aux Etats de diminuer sensiblement leur coût d’endettement moyen (même si le stock de dette a fortement augmenté), ce qui assure de la marge aux pays les plus fragiles avant de toucher des niveaux de taux critiques pour la soutenabilité de leur dette.
Quel est l’impact sur les marchés actions ?
Après une année 2021 exceptionnelle, les actions ont nettement corrigé en ce début d’année. Ce regain d’aversion au risque a été provoqué par la perspective d’un resserrement de la politique monétaire américaine plus rapide que prévu. L’incertitude autour du calendrier et de l’ampleur des hausses des taux à venir a engendré une remontée des taux longs qui a particulièrement affecté les valeurs de croissance et celles du secteur de la technologie.
L’année devrait tout de même être positive pour les actions, qui seront soutenues par la poursuite de l’expansion économique, même s’il convient de se préparer à des performances plus modestes par rapport à 2021 et des facteurs de volatilité [4] qui rendront l’année plus chahutée.