Malgré les inquiétudes liées à la récession, qui étaient (principalement) dues aux craintes de guerre commerciale surgies fin 2018, l’indice MSCI World a enregistré une forte performance nette (+74.41%) et a fait plus qu’oublier le quatrième trimestre morose de 2018. Il y a un an, nos prévisions pour 2019 reflétaient clairement notre conviction qu’"il est toujours bon d’investir en actions après une baisse ". Heureusement, le revirement de la Réserve fédérale en janvier dernier a largement fait passer les préoccupations macroéconomiques au second plan. Néanmoins, si les investisseurs en actions souhaitent (sur)performer les marchés, l’année 2019 nous rappelle que les considérations macrogéopolitiques ne sont pas le meilleur argument pour des décisions d’investissement. Depuis 2008, (certains) investisseurs n’ont cessé d’insister excessivement sur les risques macroéconomiques, donnant l’impression de vivre dans la crainte constante d’un nouvel Armageddon. Au lieu de cela, lorsque la courbe de rendement des bons de Trésor américains s’est brièvement inversée cette année et que les craintes de récession ont refait surface, notre directeur des placements a insisté fin août (lien du blog)sur un message de prudence : "Nous préconisons de garder une perspective de long terme et de se concentrer sur les fondamentaux plutôt que sur la peur et l’émotion [...] en utilisant les périodes de volatilité pour renforcer ses positions."
Évidemment, nous n’écartons pas complètement l’environnement macroéconomique dans la gestion de nos portefeuilles d’actions. Nous le prenons en compte pour des raisons tactiques ou chaque fois qu’il correspond avec certaines de nos convictions à long terme. Le thème du vieillissement de la population et le débat sur son financement en sont un bon exemple : d’une part, il nous pousse à privilégier les sociétés ou sous-thèmes focalisés sur des solutions de santé de qualité (comme les soins à domicile ou certaines medtechs). D’autre part, nous n’avons cessé de réduire le poids des biens de consommation dans certains de nos portefeuilles depuis le mois d’août. Nous sommes convaincus que les prévisions de croissance - en raison de la réduction des craintes commerciales, des politiques monétaires favorables et de la probabilité de futures mesures de relance budgétaire - s’amélioreront et, par conséquent, feront repartir les taux à long terme à la hausse. Or, ces taux ont tendance à être corrélés négativement avec les produits de consommation. Après la vente massive d’août, nous avons également ajouté plusieurs sociétés cycliques à nos portefeuilles à des points d’entrée attrayants.
Voici les éléments qui résument selon nous l’année 2019 :
- La surperformance des marchés américains.
- L’excellente performance des titres du secteur des semi-conducteurs, malgré des révisions à la baisse (-10%) des bénéfices.
- La piètre performance du secteur de l’énergie, tenu en otage par des prix du pétrole qui ont peu évolués et des préoccupations ESG persistantes.
La surperformance des indices américains a été la grande tendance des marchés actions au cours de
la dernière décennie. L’année 2019 n’a pas été l’exception à la règle. La composition de l’indice
S&P500 est très différente de celle de l’indice MSCI Europe. Cette différence explique la majeure partie,
sinon la totalité, de l’écart des multiples de valorisation P/E. Un examen plus approfondi des deux
indices révèle que l’impact de la « disruption » - tant négative que positive - est également très
différent. Après un examen approfondi de chaque secteur du GICS1, nous estimons qu’environ 30 %
de l’indice américain a été « disrupté » ou risque de l’être. Dans l’UE, ce chiffre dépasse même les 40
%. Plus important encore, la part des entreprises « disruptives » dans la partie non-disruptée de
l’indice est substantiellement plus élevée aux Etats-Unis qu’en Europe. En comparant ces secteurs nondisruptées ("autres secteurs" dans le graphique ci-dessous), on constate que la valorisation en termes
de P/E est similaire entre les États-Unis et l’Europe.
Naturellement, l’évaluation par le prisme des multiples P/E est loin d’être parfaite. Elle néglige
l’intensité capitalistique d’une entreprise ou d’un secteur, ainsi que sa capacité à générer des flux de
trésorerie disponibles et à les réinvestir dans ses activités. Nous préférons investir à long terme dans
des entreprises à faible intensité de capital (voir le graphique ci-dessous). Là encore, les États-Unis
éclipsent l’Europe : environ 44 % des entreprises américaines sont peu gourmandes en capitaux, alors
qu’en Europe, ce chiffre est plus proche de 33 %.
Cela nous amène-t-il à présumer que la performance américaine sera maintenue en 2020 ? Bien que
nous nous abstenions d’investir à court terme (c’est-à-dire que nous conservons généralement des
positions dans nos fonds pendant 3 à 5 ans), nous prévoyons au contraire que les marchés européens
surpassent le marché américain en 2020. En effet, les premiers sont plus susceptibles de réagir
positivement à une amélioration de la rhétorique commerciale et à la dissipation des craintes de Brexit.
L’Allemagne en particulier profitera de manière disproportionnée de ces deux facteurs. En outre, de
nouveaux vents soufflent au sommet de la CE et de la BCE, ce qui pourrait se traduire par des mesures
budgétaires plus fortes que prévu. En attendant, nous ne prévoyons pas de mesures de relance
budgétaire aux Etats-Unis, en raison des élections imminentes et du processus de destitution en cours.
Contrairement à 2019, les entreprises devront afficher une certaine croissance des bénéfices en
2020, bien que les multiples moyens de P/E restent relativement attrayants. Cependant, l’illustration
ci-dessous indique clairement qu’il ne faut pas nécessairement se baser sur les multiples P/E pour
évaluer la performance future des actions dans un an. Les quadrants supérieur droit et inférieur gauche
ne montrent aucune corrélation entre le multiple P/E (de l’indice S&P500) du début de l’année et sa
performance dans les 12 mois suivants.
Sauf issue catastrophique des discussions commerciales de la " phase 1 " entre les États-Unis et la
Chine, nous prévoyons des performances légèrement positives pour les actions. Par ailleurs, nous
anticipons également une surperformance des marchés européens, aidée par un afflux d’argent frais
pour les actions au cours de l’année 2020, contrairement à 2019. Nous réitérons également notre
message du mois d’août à l’intention des investisseurs à long terme :
"Nous continuons à privilégier les investissements dans des sociétés qualitatives, capables de faire
croître leur chiffre d’affaires tout au long du cycle, avec des avantages concurrentiels, un effet de levier relativement faible, moins sujettes à des forces perturbatrices et idéalement capables de
capitaliser sur les objectifs de développement durable".