e renforcement de la crise grecque durant les deux premiers mois de l’année a engendré un mouvement de défiance des investisseurs vis-à-vis de la devise européenne, fortement alimenté par la crainte d’une extension de la crise à d’autres pays de la Zone Euro (Portugal, Espagne et Italie). Au-delà de la problématique liée au marché des CDS souverains (que nous n’aborderons pas ici), nous concentrons notre réflexion sur l’évolution des comportements stratégiques des gérants de hedge funds sur le marché des changes durant cette période.
Plus précisément, notre objectif est de déterminer si les gérants ont modifié leur exposition à l’EUR/USD en réaction aux évènements de marché (comportement défensif) ou en prévision d’une éventuelle extension de la crise grecque à la devise européenne (comportement agressif).
L’analyse rendements quotidiens des indices investissables publiés par Hedge Fund Research nous a permis d’identifier deux stratégies significativement exposées à l’EUR/USD : les gérants Global Macro (i.e. discrétionnaires, indice HFRX Macro) et les gérants systématiques (i.e. CTAs/Managed Futures, indice HFRX Systematic Diversified). Nos résultats mettent en avant deux comportements stratégiques distincts.
Pour les gérants systématiques, nous observons une évolution en deux temps. Entre les mois de novembre et janvier, malgré la détérioration du marché de la dette grecque - période durant laquelle les primes des CDS souverains grecs a augmenté de 150pb - et une première chute de la parité EUR/USD (première quinzaine de décembre), leur exposition à la devise européenne est restée stable, le bêta estimé oscillant entre 30% et 40%. Ce n’est que durant la première semaine de janvier que les gérants systématiques ont entamé le renversent leur exposition (bêta estimé inférieur à -10% fin janvier).
Pour les gérants Global Macro, le timing stratégique identifié diverge significativement. Comme nous pouvons le constater sur le graphe ci-dessus, leur exposition à l’EUR/USD est très fortement liée à l’évolution du marché de la dette souveraine grecque depuis le mois de novembre. Nous n’avons pourtant pas identifié d’exposition significative de l’indice HFRX Macro à l’évolution de la prime des CDS souverains de la Grêce. En conséquence, il semble que les gérants Global Macro ont anticipé l’impact de la forte détérioration de la dette grecque sur la devise européenne, en réduisant significativement leur exposition dès le mois de novembre.
Comment interpréter ces résultats ?
D’une part, l’ajustement à contretemps des expositions des gérants systématiques est caractéristique des stratégies de trend following : les gérants exposés à la devise européenne ont attendu la confirmation du retournement de tendance (coïncidant avec le franchissement du seuil de 300pb de la prime des CDS souverains grecs) sur la devise européenne pour couper ou inverser leurs positions. Cette réaction décalée à l’environnement de marché explique notamment les difficultés qu’éprouvent certains gérants de CTAs à générer une performance positive lorsque les changements de tendance sont incertains et/ou trop fréquents.
D’autre part, la réduction ex-ante du niveau moyen d’exposition des gérants discrétionnaires à l’EUR/USD soulève logiquement la question de leur impact sur l’évolution récente du cours de la devise européenne, et plus globalement du rôle qu’ils ont pu jouer dans l’extension de la crise de la dette grecque en crise de l’euro. Si certains gérants comme George Sorros sont aujourd’hui ouvertement suspectés d’avoir adopté un comportement collusif dans le but de déstabiliser l’euro, l’ensemble des gérants Global Macro n’a pas nécessairement agit dans ce sens. Il est en effet important de noter que si le niveau d’exposition moyen à l’EUR/USD des fonds qui composent l’indice HFRX a significativement diminué depuis le mois de novembre, il est resté positif jusqu’à la fin du mois de janvier [1]. Le retournement effectif du niveau d’exposition moyen est survenu après que la prime des CDS souverains de la Grèce a franchi le seuil des 400pb.
Au final, s’il est difficile de déterminer quelle a été la magnitude de l’impact de ces réorientations stratégiques sur l’évolution de l’EUR/USD, il est clair qu’elles ont globalement contribué à alimenter la pression sur l’euro. D’autre part, il n’est pas exclu que certains gérants Global Macro ont pu activement contribuer à la transmission de la crise de la dette grecque à la devise européenne.