La viabilité de la dette
Le consensus quasi-universel sur le déficit budgétaire au cours de la pandémie est en train de s’effondrer. Certains pays tel que l’Allemagne, sous l’instruction de sa Cour Constitutionnelle, réinstaurent une rigueur budgétaire tandis que de nombreux autres, tels que les Etats-Unis, qui renforce son soutien à l’industrie, semblent enclins à poursuivre leur soutien budgétaire.
Si la réduction de l’inflation et le déclin des taux d’intérêt ont été source d’un certain soulagement au cours des dernières semaines, l’annonce du contrôle de la courbe des taux par la Banque du Japon la semaine passée, ainsi que les données des salaires élevés aux Etats-Unis, ont montré la rapidité avec laquelle le sentiment de marché peut changer.
Cela signifie que les inquiétudes relatives à l’impact des mesures budgétaires sur la politique monétaire restent de mise.
Depuis la hausse des taux de la Fed de 1,8% en 2019 à leurs niveaux actuels de 5,5%, le déficit budgétaire des Etats-Unis s’est creusé, passant de 4,7% du PIB à 6,1%. La zone euro et les Etats-Unis ont tout deux accru leurs déficits budgétaires de 3 points de base depuis le début de la hausse des taux. Ces dépenses pourraient entraver le retour de l’inflation à son niveau cible, voire la pousser de nouveau à la hausse, ce qui constituerait un défi substantiel en 2024.
A long terme, la viabilité de la dette devrait constituer une inquiétude d’autant plus importante.
Les Etats-Unis : un niveau de dette qui inquiète
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Les Etats-Unis sont une source d’inquiétudes sur le front de la dette. Depuis la crise financière mondiale, sa dette non financière a augmenté de 190% de son PIB à 250%. Au cours de cette période, la majeure partie de cet endettement s’est déplacée des entreprises au gouvernement américain, qui a désormais une dette de plus de 100% du PIB.
Les chercheurs qui étudient le Penn Wharton Budget Model (PWBM) […] estiment que la dette des Etats-Unis pourrait devenir insoutenable, et faire défaut de façon implicite ou explicite, quelque part entre 175% et 200% du PIB.
Les dernières projections du Congressional Budget Office (CBO) estime que la dette américaine devrait atteindre 170% de son PIB en 2050. Toutefois, ces hypothèses sont d’ores et déjà optimistes : les taux d’intérêt réels qui devraient, selon ses anticipations, graduellement atteindre les 1,53% au cours des dix prochaines années, sont déjà aux alentours de 2% […].
En octobre, les chercheurs du PWBM […] ont dépeint une thèse bien plus alarmiste. Leur scénario de base table sur des taux réels qui devraient progressivement atteindre les 2,3% en 10 ans, ce qui ferait augmenter la dette américaine à 188% de son PIB en 2050. Si les taux d’intérêt étaient amenés à croître de 250 points de base au-dessus de leur niveau de référence, la dette dépasserait 200% du PIB d’ici 2040 et plus de 300% à horizon 2050.
De surcroît, si le marché obligataire venait à réagir aujourd’hui à ces projections de long terme, les taux d’intérêt pourraient augmenter beaucoup plus vite et accélérer cette crise de la dette.