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Les répercussions de l’inflation sont pires qu’il n’y paraît

Les marchés font fausse route s’ils pensent que les taux d’intérêt baisseront avant l’inflation, estime l’investisseur multi-actifs de Robeco, Colin Graham. Selon lui, les banques centrales ne peuvent pas baisser leurs taux tant que la spirale inflationniste n’est pas enrayée...

  • L’augmentation des dépenses publiques entraînera des vents contraires supplémentaires sur le plan macroéconomique
  • Le resserrement de la politique monétaire conduira à une croissance économique nominale beaucoup plus faible

Les banques centrales ont relevé leurs taux à plusieurs reprises l’année passée, depuis que l’invasion de l’Ukraine par la Russie a déclenché une hausse des prix au niveau mondial, principalement dans les secteurs de l’énergie et de l’alimentation. La Réserve fédérale américaine a relevé ses taux directeurs neuf fois depuis mars 2022, un mois après le début de la guerre. Ils s’établissent à présent à 4,75-5,0 %, leur plus haut niveau depuis 2006, et s’éloignent des taux zéro qui ont dominé depuis le début de la crise du Covid-19 en 2020.

La Banque centrale européenne a quant à elle relevé ses taux directeurs six fois de suite, de moins de zéro avant la pandémie à 3,5 %, tandis que la Banque d’Angleterre a relevé ses taux dix fois, de presque zéro à 4,25 % aujourd’hui. Toutes ont agi de la sorte pour juguler une inflation à deux chiffres qui a atteint son plus haut niveau depuis 40 ans.

Selon le consensus de marché, les taux devraient commencer à baisser dans le courant de l’année, notamment pour éviter les récessions qui sont également attendues. Mais ne vous faites pas d’illusions, maintenant que l’inflation est enfin présente plus de dix ans après l’annonce de son arrivée, déclare Colin Graham, responsable des stratégies multi-actifs chez Robeco.

« Après la crise financière mondiale, l’injection sans précédent d’argent et de liquidités dans le système était censée conduire à une poussée inflationniste massive, alors même que nous étions confrontés à une spirale déflationniste », explique Colin Graham dans les perspectives mensuelles d’avril.

L’inflation dans l’économie réelle

« Jusqu’à récemment, cela n’a pas entraîné d’inflation des prix dans l’économie réelle ; en effet, l’inflation des biens et des services n’a pas repris avant que le Covid-19 ne cause des problèmes dans la chaîne d’approvisionnement à partir de 2020. Par conséquent, la politique monétaire pourrait rester accommodante et les bilans des banques centrales pourraient rester gonflés pendant beaucoup plus longtemps.

Les banques centrales ne s’en sont pas inquiétées. Elles ont toujours cru qu’elles disposaient des outils nécessaires pour freiner l’inflation, en augmentant le prix de la monnaie par le biais des taux d’intérêt ou en réduisant la quantité de monnaie par le biais d’un resserrement quantitatif.

Maintenant que l’inflation est présente, les banques centrales relèvent rapidement leurs taux, mais elles sont confrontées à l’obstacle supplémentaire que représentent les dépenses publiques, comme la loi américaine de réduction de l’inflation et les subventions pour le secteur de l’énergie, qui leur ont rendu la tâche bien plus difficile. »

Sommes-nous revenus dans les années 1970 ?

La spirale inflationniste actuelle a montré des parallèles avec les années 1970 et les réductions de capacités de production de l’OPEP en 1973, qui ont provoqué une flambée des prix de l’énergie. Cette situation a finalement conduit à des revendications salariales plus élevées, des grèves, des récessions et des hausses de taux à deux chiffres, alors que les gouvernements ont lutté pour faire baisser les prix jusqu’à la fin de la décennie.

« Les conséquences sont problématiques, car la probabilité que nous combinions une baisse de l’inflation et une hausse du chômage sans atterrissage forcé a considérablement diminué », explique Colin Graham. « Le marché du travail tendu alimente les revendications salariales élevées, ce qui est l’indicateur le plus clair que les consommateurs sont en train d’intégrer les prévisions inflationnistes à la hausse.

À moins d’un durcissement de la politique monétaire, une spirale de hausse des prix conduira à une hausse des salaires, ce qui entraînera une hausse encore plus importante des prix – les manuels des années 1970 montrent à quel point cette spirale peut nuire à la stabilité. Actuellement, la politique monétaire reste souple en raison de la facilité d’accès au crédit et des taux réels négatifs.

Ainsi, même si nous sommes proches du pic des taux, les taux ne baisseront pas de sitôt, à moins d’un accident financier. C’est là que notre point de vue diffère du consensus du marché, qui s’attend à ce que la Fed réduise bientôt ses taux et que la BCE le fasse vers la fin de l’année. »

Le retard est comblé

Selon Colin Graham, l’abandon des mesures de soutien monétaire s’est déroulé sans encombre jusqu’à présent, et on identifie petit à petit les parties du système où l’endettement excessif était courant durant l’ère des taux zéro.

« L’argument selon lequel les banques centrales sont à la traîne a disparu, sauf peut-être au Japon », ajoute-t-il. « Les banques centrales des marchés moins développés qui ont entamé leur cycle de resserrement bien avant la BCE et la Fed disposent d’une marge de manœuvre pour réduire leurs taux, car l’inflation nationale a déjà chuté. »

Mais il pourrait encore se produire un « accident financier » qui établirait un parallèle avec la crise de 2008-2009 plutôt qu’avec celle des années 1970, explique-t-il. L’effondrement de Silicon Valley Bank et le rachat forcé de la banque en difficulté Credit Suisse par UBS montrent que certaines parties du secteur bancaire sont encore dangereusement fragiles.

Le décalage de duration s’avère coûteux

« Aux États-Unis, la réglementation concernant les banques régionales a été assouplie en 2018, ce qui a permis aux petites banques de détenir des obligations à long terme dans leurs bilans en utilisant des dépôts en espèces, créant ainsi un décalage de duration », explique Colin Graham.

« Les bons du Trésor américain sont considérés comme un actif sans risque, et les banques qui achètent des bons du Trésor avec des dépôts en espèces ont donc pu accroître leur rentabilité quand les rendements ont baissé. Avec l’envolée des taux obligataires américains cette année, des pertes sur obligations ont été enregistrées au moment même où la ponction de liquidités par les déposants augmentait, en raison d’un manque de nouveaux capitaux pour les activités de démarrage.

Les clients des banques ont retiré leurs dépôts pour financer leurs activités, ce qui signifie que les banques présentant un décalage de duration ont dû vendre des obligations pour honorer les retraits, cristallisant ainsi les pertes de leur bilan. Cela a créé un cercle vicieux, car d’autres clients ont vu leurs dépôts menacés et ont retiré leurs liquidités, exacerbant le décalage de liquidité de la banque.

Les réseaux sociaux et les services bancaires électroniques ont accéléré cette spirale, le risque de liquidité se transformant en un problème de solvabilité plus global. »

Un nouveau cercle vicieux ?

Sommes-nous donc confrontés à un nouveau cercle vicieux ? Non, mais il ne faut pas s’attendre à des baisses de taux qui, en théorie, atténueraient ce problème particulier, selon Colin Graham.

« La situation actuelle présente des similitudes avec celle de 2008, mais elle n’est pas aussi grave, car une grande partie de l’excédent d’argent a été investie dans des actifs privés, et la qualité des actifs des banques est meilleure en raison de la réglementation mise en place après la crise financière mondiale », explique-t-il.

« Les failles qui apparaissent en raison du durcissement de la politique monétaire font partie d’un processus normal de mise en lumière des parties du système qui ont prospéré dans un monde où le capital ne coûtait rien. La bonne nouvelle, c’est que l’économie réelle reste solide.

Notre principal scénario d’investissement prévoit que le resserrement de la politique monétaire conduira à une croissance économique nominale beaucoup plus faible dans le courant de l’année, même si nous pensons que les banques centrales n’ont pas de marge de manœuvre pour réduire les taux tant que l’inflation n’est pas enrayée ou que la croissance économique ne s’effondre pas de façon vertigineuse. »

Colin Graham Avril 2023

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