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Marc Touati : « Les cadors qui pensent que moins ils seront clairs plus ils paraîtront intelligents, ça suffit ! »

Il fut à 27 ans économiste en chef de Natexis ! Connu pour son franc parler, Marc Touati nous livre sa vision sur l’évolution du métier de stratégiste...

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Next Finance : Vous avez été un des stratégistes les plus reconnus de la place financière parisienne. Quelles sont selon vous les qualités requises pour être un bon stratégiste ?

Marc Touati : Je suis plutôt un économiste qui, devant la langue de bois de nombreux stratégistes, a dû également s’engager sur les marchés financiers et l’allocation d’actifs pour combler un manque. Et ce, soyons francs, parce que cela me plaisait également. Je ne suis pas un donneur de leçon, mais je dirai que la plus grande qualité d’un stratégiste et plus globalement d’un prévisionniste doit être l’humilité, mais sans fausse modestie. Il faut aimer avoir raison mais également savoir reconnaître ses erreurs. C’est pourquoi, chaque début d’année, mon équipe et moi faisions le bilan de nos prévisions que nous publiions évidemment. Et généralement, nous n’avions pas à nous cacher...
De plus, il faut également savoir s’engager. Il n’y a rien de pire que le « ptet ben qu’oui, ptet ben qu’non » ou que la prévision consensuelle. Mais surtout, pour pouvoir s’engager, il faut aussi argumenter. Combien de prévisionnistes établissent depuis des années leurs prévisions en lisant la presse ou en suivant le vent. Ce n’est pas raisonnable.
Enfin, je dirai qu’un bon stratégiste doit également être un bon pédagogue. Les cadors qui pensent que moins ils seront clairs plus ils paraîtront intelligents, ça suffit !

Next Finance : Le Métier semble évoluer aujourd’hui, on en retrouve beaucoup dans les hedges funds, certains deviennent même assistant gérant ou gérant. Est-ce juste un épiphénomène ou plutôt une lame de fonds caractérisant l’évolution des marchés financiers ?

Marc Touati : Je dois avouer que j’ai effectivement été surpris lorsqu’on m’a proposé dernièrement d’entrer dans des hedges funds, parfois même pour en prendre la direction ! J’ai refusé pour des raisons personnelles, mais j’espère que d’autres économistes ou stratégistes accepteront. Au contraire de ce que pensent certains, il n’y a pas la noblesse des économistes et le Tiers Etat. La finance s’est en même temps complexifiée et démocratisée. Les économistes doivent accompagner ce mouvement et également apporter leur vision du monde dans des hedge funds. Histoire peut-être de leur apporter une certaine caution morale. Allons même un peu plus loin : le stratégiste doit devenir la pièce maîtresse des investissements financiers au sens large. Enfin, je dirai même que, dans un monde idéal, chaque gérant, sales ou traders devrait préalablement avoir exercé le métier d’économiste.

Next Finance : Depuis quelques années, les hommes politiques, en France mais aussi en Allemagne ou aux Etats-Unis, demandent une régulation des hedges funds ou des fonds de Private Equity...Peut-on et doit-on réguler ce que certains appellent les symboles du capitalisme sauvage ?

Marc Touati : On oublie trop souvent ou on feint d’ignorer que la spéculation joue un rôle déterminant dans le bon fonctionnement des marchés mais aussi de l’économie. Elle assure la liquidité aux premiers et permet de couvrir certains risques dans la seconde. Il est vrai néanmoins que la spéculation doit rester la partie émergée de l’iceberg formée par les marchés financiers, dont le rôle est bien de financer l’économie. Lorsqu’elle devient l’iceberg tout entier, alors il y a danger. D’où la nécessité d’une certaine réglementation. Mais cette dernière doit rester minimale. Elle pourra ainsi donner bonne conscience aux dirigeants politiques sans priver les marchés d’acteurs déterminants pour leur bon fonctionnement.

Next Finance : On attendait un duo de choc Marc Touati-Patrick Artus à Natixis.Vous avez finalement préféré partir ? Pour quelles raisons ?

Marc Touati : Pour des raisons juridiques, je ne pourrai en dire trop. Je dirai simplement que c’était à la fois pour mon bien mais aussi pour celui de l’entreprise à qui j’ai tout donné pendant douze ans. En effet, je ne conçois de travailler que dans la sérénité et pour le bien de tous au sein d’une équipe et d’une entreprise. Je suis partie en très bon terme avec les dirigeants, et notamment avec le Président Dupont et l’ancien Directeur Général François Ladam. Je n’ai aucune rancœur. Je conserve d’ailleurs dans mon portefeuille des actions Natixis dont j’estime le juste prix entre 25 et 30 euros d’ici deux ans au plus tard.

Next Finance : Quels sont vos projets futurs et comment entrevoyez vous les marchés à moyen terme ?

Marc Touati : La vie est une succession d’opportunités bonnes et moins bonnes. Le plus difficile est de faire les bons choix. J’ai été chef économiste d’une grande banque à 27 ans, alors que j’ai grandi dans les cités d’Orly, il est peut-être temps pour moi de faire autre chose. Evidemment, l’économie et les marchés sont une passion et je vais continuer dans cette voie mais « à mon compte ». J’ai effectivement compris que la liberté est un luxe qui n’a pas de prix.
Aussi, après le succès de l’Association pour la Connaissance et le Dynamisme Economiques, je suis en train de créer le premier cabinet de conseil économique et financier indépendant pour les entreprises, les professionnels indépendants et les particuliers. Il s’appellera ACDE : Aux Commandes De l’Economie. Pour l’instant, seules quelques institutions financières ont leurs économistes et/ou stratégistes, nous allons faire en sorte qu’un maximum d’entités puissent aussi en bénéficier. C’est un vrai chantier, mais les clients et les partenaires commencent à affluer en nombre.
Le contexte des marchés est d’ailleurs porteur et le restera au moins jusqu’à la fin 2008. Certes, la volatilité demeurera forte mais le Cac 40 pourra atteindre les 7000 points d’ici dix-huit mois, tout en sachant qu’à partir des 6500, nous serons en bulle.

F.Y Juin 2007

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