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Nicolas Gomart : « Il est inexact de dire que la gestion alternative dans son ensemble n’a pas su apporter la non-corrélation attendue »

Nicolas Gomart, DGA de OFI-AM, en charge de la gestion alternative, répond à nos questions au sujet de l’industrie des hedge funds...

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Détenu par la Macif et la Matmut, OFI Asset Management s’est spécialisé depuis près de 40 ans dans la gestion d’actifs pour compte de tiers avec 20 milliards d’euros d’actifs sous gestion fin 2009.

Nicolas Gomart, Directeur général adjoint du groupe, en charge des activités de gestion alternative et de multigestion alternative répond à nos questions au sujet de l’industrie des hedge funds.

Quelle est la part consacrée à la gestion alternative au sein du groupe OFI AM ?

Le montant de nos encours sous gestion investi sur notre gamme de gestion alternative s’élève environ à 1.7 milliards d’euros. Ce montant est réparti au sein de trois activités :
- la gestion alternative en direct (400 millions d’euros) avec une solide expertise notamment dans les domaines d’arbitrage crédit, volatilité, corrélations, fusions et acquisitions, long/short.
- la multigestion alternative (1 milliard d’euros) déclinée sous forme de fonds de fonds ouverts ou dédiés.
- l’activité d’incubation (200 millions d’euros) regroupée au sein de New Alpha une structure, créé en 2003 qui s’est imposée, en France, comme une référence dans le domaine de l’incubation de hedge funds.

Pouvez-vous nous parler plus en détails de l’activité de New Alpha ?

L’activité de New Alpha permet aux investisseurs institutionnels qualifiés d’investir via un fonds de fonds dans des fonds incubés qui seraient difficiles d’accès sans un processus couteux de « due diligence », de profiter du rendement des fonds incubés pendant la durée du placement (2 ou 3 ans) et de participer au succès des sociétés de gestion incubées (prise de participation capitalistique ou partage des revenus) pendant 6 à 8 ans.

Que donnerait, en termes de performance, votre expertise dans le domaine de la multigestion alternative appliquée à des fonds investis sur des classes d’actifs traditionnels ?

Tout t’abord je tiens à préciser un point important à ce sujet. Au sein d’OFI Asset Management, il existe une activité de multigestion traditionnelle investissant sur des fonds classiques. Environ 2 milliards d’euros sont gérés sous cette forme.

Mais, pour revenir à votre question, je dirais qu’en matière de multigestion, la valeur ajoutée s’effectue au niveau d’une part de l’allocation tactique du portefeuille et d’autre part de la sélection des gérants. Dans le cas d’une multigestion traditionnelle, cette valeur ajoutée se reflétera probablement davantage au niveau du processus d’allocation, toutefois dans une moindre mesure que dans les gestions diversifiées investies en lignes directes car les fonds sélectionnés peuvent être peu benchmarkés. En revanche, s’agissant de la multigestion alternative, cette valeur ajoutée se portera davantage dans la sélection des gérants. C’est la raison pour laquelle, chez OFI MGA, notre filiale dédiée à la multigestion alternative, nous attachons une grande importance à ce processus de sélection. Pour cette activité, notre équipe de gestion réalise des analyses quantitatives et qualitatives en attachant une grande importance à la qualité des « due diligence » et à la connaissance des gérants sélectionnés (plus de 300 visites par an) pour offrir un accès aux meilleurs gérants de hedge funds à travers le monde. Le « risk management » est associé à chaque étape du processus de sélection.

Pendant la crise financière, la plupart des indices de la gestion alternative ont fait preuve d’une forte corrélation avec l’évolution des marchés actions ou bien encore de l’écartement des spreads de crédit. Peut-on encore parler de « performance absolue » pour les stratégies alternatives avec des performances si décevantes ?

En 2008, l’assèchement soudain de la liquidité de certains marchés face aux ventes d’acteurs bancaires, conjugué à l’existence de niveaux de leviers élevés dans les portefeuilles, a provoqué la dégradation de la performance de certaines stratégies de gestion alternative, en particulier de bon nombre de stratégies d’arbitrage nécessitant du levier.

Il est cependant inexact de dire que, dans son ensemble, la gestion alternative n’a pas su apporter la « non-corrélation » attendue. Certaines stratégies ont su en effet, parfois remarquablement, tirer leur épingle du jeu comme les gérants CTA (ndlr : « commodity trading advisors »), macro, equity market neutral ou d’arbitrage de fusions-acquisitions. Les indices globaux ont eux fait sensiblement mieux que les marchés d’actions.

Pour autant, on veillera à l’avenir à ne pas investir en gestion alternative « en soi » mais en accompagnement ou substitution d’investissements en actifs traditionnels. Ainsi, schématiquement,

- certaines stratégies ont un profil "vendeur de put" ou "portage" : ce sont les stratégies d’arbitrage. Elles ont du sens pour dynamiser un portefeuille investi en actifs peu risqués ;
- d’autres sont plus « acheteuses d‘options » : ce sont les stratégies de trading (CTA, macro par exemple). Elles contribuent à réduire le risque d’un portefeuille investi en actifs risqués et peuvent alors être utilisées en complément d’un portefeuille actions ;
- d’autres ont un profil plus symétrique : ce sont les stratégies long/short. Elles peuvent être utilisées en substitution de portefeuilles investis en actions.

Quel type de stratégies privilégiez-vous en 2010 ?

En 2010, nous avons tendance à privilégier les hedge funds dont les performances ont souffert pendant la crise financière au détriment de celles qui, à contrario, avaient su tirer leur épingle du jeu. En conséquence, pour l’année 2010, nos choix se portent davantage sur des stratégies de type « distressed » (ndlr : actifs décotés) ou d’arbitrages de fusions-acquisitions et d’obligations convertibles.

La France, malgré l’excellente formation et le très bon bagage scientifique de ses financiers semble encore à la traîne en matière de gestion alternative. Les hedge fund Français sont peu visibles et largement devancés en termes de notoriété par les fonds alternatifs anglo-saxons, comment l’expliquez-vous ?

Ce constant est difficilement contestable, il est toutefois difficile de répondre de manière catégorique à cette question. Nous pouvons néanmoins tenter quelques explications :
- Pendant longtemps un environnement fiscal et réglementaire favorable à favorisé en Europe le développement de la place de Londres, qui bénéficiait en outre d’une avance historique sur les activités financières. Londres est ainsi devenu le carrefour de l’ensemble des intervenants de l’industrie de la gestion alternative. Les gérants trouvent ainsi sur place l’ensemble des prestataires dont ils ont besoin (prime brokers, avocats, administrateurs de fonds, ...), une culture de fonctionnement anglo-saxonne qui est précisément celle de l’industrie des hedge funds et une opinion ou des media sans préjugés forcément défavorables. Un certain nombre de hedge funds de grande renommée ont d’ailleurs été fondés, à Londres, par des Français.
- Même si l’AMF a déployé des efforts louables au milieu des années 2000 pour adapter la réglementation française des OPCVM dans un sens favorable à la gestion alternative, les réglementations auxquelles sont soumises les investisseurs institutionnels français n’ont elles qu’insuffisamment évolué, ne permettant pas pas à ces investisseurs d’investir autant qu’ils auraient pu le souhaiter dans ce type de gestion et donc aux gérants français de s’appuyer sur un marché domestique suffisamment large pour se développer.

Que pensez-vous des récents développements Européens en matière de réglementation ?

Bruxelles a récemment proposé une nouvelle directive pour réguler les fonds alternatifs et les fonds de capital-investissement, dans le but de doter l’UE d’une nouvelle architecture en matière de supervision financière. Il s’agit de la directive AIFM (“Alternative Investment Fund Manager”) qui pourrait être adoptée durant l’été 2010. Ces nouveaux développements sont préoccupants dans la mesure où l’on se dirige vers une évolution qui devrait « brider » la gestion alternative alors que cette dernière a plutôt été victime des excès de la finance. Même si les effets de son application sont encore difficiles à appréhender avant sa version définitive, le paysage de l’industrie de la gestion alternative devrait être profondément modifié principalement sur deux aspects :
- d’un point de vue commercial tout d’abord, à travers une limitation des investissements par les investisseurs basés en Europe sur les fonds domiciliés en dehors de l’UE et notamment les fonds offshore,
- d’un point de vue financier ensuite, à travers une limitation de l’effet de levier ou bien encore l’obligation de la déclaration de positions vendeuses à découvert sur le marché des actions par exemple, ce qui peut s’avérer problématique dans certains cas.

Next Finance Avril 2010

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