Olivier Combastet est le président fondateur de la société de gestion Pergam Finances, gérant environ 800 millions d’euros d’actifs. Il répond à nos questions au sujet des investissements de sa société dans des terres agricoles en Amérique du Sud.
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre stratégie d’investissement dans le domaine agricole et tout particulièrement ce qui vous a incité dans cette démarche ?
Dirigeant une société de gestion de portefeuille, je suis à la recherche pour mes clients d’actifs décotés offrant des perspectives de valorisation à moyen et long terme. L’achat de terres agricoles m’est apparu comme un bon investissement, notamment dans certains pays d’Amérique du Sud, au regard non seulement de leur potentiel de production mais également de leurs prix bien inférieurs à ceux observés dans d’autres régions du globe, comme en France, par exemple. La croissance démographique, le changement des modes alimentaires (notamment en Asie) et la problématique du changement climatique sont autant de facteurs qui devraient pousser à la hausse le prix du foncier agricole dans les années à venir.
Nos acquisitions ont débuté en 2006. La majorité des terres acquises se situe en Uruguay (35 000 hectares dont 40 % sont consacrés à la culture et 60 % à l’élevage) et les autres, en Argentine, soit 10 000 hectares. Ces achats ont été effectués à travers la société Uruguayenne Campos Orientales, détenue à 100% par nos investisseurs. Nous sommes devenus l’un des plus gros propriétaires terriens et exploitant agricole du pays, employant une centaine de salariés pour acheter et restructurer les exploitations agricoles que nous revalorisons.
N’est-il pas difficile de valoriser des actifs agricoles ? Quelle est la fréquence de leur valorisation au sein de votre société ?
Comme toute société de capitaux, nous sommes soumis aux normes comptables IFRS. Par conséquent, nos actifs font l’objet d’une valorisation annuelle effectuée par des experts indépendants afin de garantir une totale transparence comptable de nos états financiers pour les investisseurs.
Quel est votre horizon d’investissement ? Comment s’effectuent vos acquisitions ?
Nos investissements s’effectuent dans la durée. Par conséquent, notre logique s’inscrit dans le long terme. Du temps et du travail sont nécessaires pour valoriser pleinement nos actifs agricoles. Ne perdez pas de vue que nous avons commencé depuis peu : nos premières acquisitions étant intervenues en 2006. A ce sujet, je tiens à préciser que ces achats ont été effectué exclusivement en « cash », notre société n’ayant que marginalement recours à l’endettement, ce qui nous fut très utile pendant la crise.
Quelle est la performance de vos investissements agricoles ? Quel a été l’impact de la crise financière ?
Pour nos investisseurs de la première heure, la plus value latente est supérieure à 40 %. En termes de performance, nous avons été peu impactés par la crise financière. Par contre, nous en avons subi les conséquences pour notre deuxième levée de fonds intervenue en 2008. Les investisseurs sont, en effet, devenus beaucoup plus frileux dans leur décision d’investissement. Mais, nos performances parlent d’elle-même. De plus, ce type d’actif conserve beaucoup d’intérêt car le marché y est fondamentalement sain et la demande des investisseurs très présente.
Observez-vous une inflation des prix des surfaces agricoles à la suite de l’achat massif de terres par des fonds souverains venus d’Asie ou du Moyen-Orient ? Quelles sont les régions privilégiées : L’Amérique du sud, l’Europe de l’Est, l’Afrique ?
Il faut savoir que les fonds souverains sont relativement peu présents en Amérique du Sud, à l’exception du Brésil où l’on commence à les voir apparaitre. C’est plutôt vers le continent Africain que leur regard se porte en général.
L’inflation des prix pour les surfaces agricoles n’est pas forcement une réalité, contrairement à ce que l’on peut entendre ici ou là. D’ailleurs, si vous prenez un pays comme l’Argentine, le prix des terres agricoles est resté relativement stable ces dernières années, notamment en raison de l’instabilité politique qui prévaut dans le pays.
Quelle est la productivité des terres d’Amérique du Sud par rapport aux terres d’Europe de l’Est et notamment celles d’Ukraine ?
Les terres agricoles, notamment celles de la Pampa en Argentine font parties des terres les plus productives du monde, à même titre que les terres noires d’Ukraine ou celles de la Beauce et de la Brie en France. Les différences de rendement à l’hectare s’expliquent surtout par les modes de production utilisés et notamment les taux d’utilisation des « intrants », c’est-à-dire les différents produits apportés aux terres et aux cultures, comme les engrais ou les amendements (ndlr : éléments améliorants les propriétés physiques et chimiques du sol, tels que le sable, la tourbe, la chaux...). Concernant l’Ukraine, il est important de préciser qu’il est impossible pour un opérateur étranger d’y devenir propriétaire foncier. Un « business model » comme le nôtre basé sur la valorisation des actifs, est peu intéressé par ce type d’opérations.
Les principaux risques de ce type d’investissement ne sont-ils pas d’ordre politique et social ? Que pensez-vous à ce sujet du conflit qui a opposé le coréen Daewoo à Madagascar ?
Bien évidemment, il existe des risques comme pour tout type d’investissement. Il peut, par exemple, s’agir d’un risque lié au cadre juridique et fiscal du pays dans lequel vous souhaitez investir. C’est la raison pour laquelle nous apportons le plus grand soin à ce choix. De plus, pour limiter au maximum ce risque, nous avons décidé de mettre en place à la fois une diversification géographique de nos actifs mais également une diversification en termes de produits. Nous sommes présents dans l’élevage, mais également dans la production de lait, de riz, de blé et de bien d’autres céréales, chacun de ces produits représentant au moins 10% de nos revenus.
Pour revenir à Madagascar, il est important de préciser qu’il s’agit d’un Etat ayant décidé de louer des terres. A ce titre, la location d’un million trois cent mille hectares de terres (soit la moitié de l’espace agricole disponible) par le groupe coréen Daewoo pour une durée de 99 ans, a provoqué une véritable révolte de la population, conduisant à l’annulation de la vente et la destitution du président. Il est étonnant que les Malgaches aient besoin des Coréens pour valoriser leurs terres alors que Madagascar bénéficie d’aides de la part de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture !
Croyez-vous à l’avenir des biocarburants comme alternative au pétrole ? Est-il pertinent de produire des biocarburants à partir d’aliments ?
A mon sens, les produits agricoles doivent avant tout servir à nourrir les hommes. C’est la fonction première de l’agriculture. Ensuite et seulement ensuite, l’éventuel surplus agricole peut servir à la production de biocarburants comme substitut à l’énergie fossile dont les ressources s’épuisent. La question est de savoir est si l’on décide de prélever ce nouveau besoin sur les surfaces existantes ou si l’on décide d’y consacrer de nouvelles surfaces agricoles !