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Père Seamus Finn : « Aucune entreprise n’est parfaite »

Père Seamus Finn, responsable du fonds OIP de la congrégation des Missionnaires oblats (Etats-Unis) croit au changement, mais il constate parfois qu’il est impossible de changer l’orientation d’une entreprise. Il ne s’engage que s’il pense qu’il peut les aider à changer leur modèle économique...

L’intervention du religieux dans les affaires économiques et financières est rare, ou méconnue. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre activité ?

Père Seamus Finn : Je suis responsable du fonds OIP de la congrégation des Missionnaires oblats de Marie-Immaculée. Je siège à ce titre dans les comités d’investissements de notre congrégation catholique. Nous formons le centre interreligieux sur la responsabilité entrepreneuriale (The Interfaith Center on Corporate Responsibility), qui est une coalition rassemblant notamment des sociétés de gestion d’actifs ou des fonds de pensions épousant nos convictions. Ces entreprises sont au nombre de 300 et représentent 100 milliards de dollars de capital.

Quel est votre objectif ?

Définir ce qui est un investissement responsable dans les affaires financières, déterminer s’il est consistant avec les valeurs de foi qui sont les nôtres, et développer les conditions pour favoriser cet investissement. En tant que membre d’une grande congrégation catholique, nous avons développé depuis près de trente ans des principes qui doivent coller à nos investissements et nos missions dans la vie. Cela va de la protection de la forêt amazonienne à celle des éléphants, et à tout ce que nous considérons comme les vraies richesses de la vie. Nous souhaitons élargir la façon dont nous faisons vivre nos missions, de façon harmonieuse avec nos identités.

En tant que membre d’une grande congrégation catholique, nous avons développé depuis près de trente ans des principes qui doivent coller à nos investissements et nos missions dans la vie.
Père Seamus Finn, responsable du fonds OIP de la congrégation des Missionnaires oblats

La liste de valeurs en accord avec votre foi semble aussi large que celle des valeurs qui ne le sont pas… Quels sont les investissements que vous refusez d’accompagner.

Nous avons une longue liste de principes. Par rapport à nos engagements sur l’avortement, nous n’allons pas investir sur un centre d’avortement, ou un hôpital qui pratique ce type d’opération. Nous n’investissons pas non plus dans des sociétés qui produisent des divertissements culturels que nous allons qualifier de non éthique. De même pour l’industrie du tabac, ou les fabricants d’armes nucléaires. La liste est longue.

Conseiller ou investir dans ces sociétés, à la condition qu’elles modifient leurs pratiques, ou simplement pour les faire évoluer, ne serait-il pas plus judicieux ?

Nous sommes ouverts à cela. Nous croyons en la conversion, nous croyons au changement, mais nous constatons parfois qu’il est impossible de changer l’orientation d’une entreprise. Nous ne nous engageons que si nous pensons que nous pouvons les aider à changer leur modèle économique ou leurs produits. Nous savons que personne n’est parfait, et que donc aucune entreprise n’est parfaite.

Ces dernières années, des sociétés comme Wal-Mart, Nike ou McDonald’s, et plus récemment quelques banques, ont initié des choses, en matière de gestion du risque ou sur des questions éthiques.

Et les consommateurs sont de plus en plus vigilants, ils demandent plus d’informations sur les produits, leur origine, leurs matériaux, la façon dont ils ont été fabriqués, si des enfants ont été employés, etc…

Nous constatons d’ailleurs que les actionnaires sont eux aussi de plus en plus demandant, de même, et c’est une nouveauté, que les employés, qui ne veulent plus travailler dans n’importe quelles conditions.

Mais il y a encore un long chemin. Je suis actuellement en Afrique du Sud, où j’ai eu une discussion sur les poules élevées en cage. Après tout ce que j’ai pu apprendre sur les conditions précises de cet élevage, je peux vous dire que je ne voulais plus manger d’œuf !

De nombreux événements internationaux sont organisés, parmi lesquels la COP21 ces jours ci. N’avez-vous pas le sentiment que ces attentes politiques déresponsabilisent les citoyens, qui attendent tout d’une autorité supérieure alors que la solution vient de chacun de leurs actes ?

L’Humanité s’interroge plus que jamais, au plus profond de son âme. Les écrivains, réalisateurs, photographes capturent cette réalité aux quatre coins du monde. Ils amènent les enfants à s’interroger sur des situations auxquelles les parents eux-mêmes ne sont pas préparés à répondre car ils n’ont eux-mêmes pas eu à poser ces questions à leurs parents. Ils doivent donc trouver des réponses à des problèmes qui étaient beaucoup moins visibles il y a trente ans, avec pour la première fois cette idée qu’ils sont, en tant qu’individus, à la fois victimes et responsables de cette situation. Ils s’interrogent à chaque instant, par exemple en achetant tel ou tel produit, ou en conduisant cette voiture, ou en construisant tel type de maison.

Le monde de la finance du XXIe siècle est-il compatible avec la foi ?

Il l’est dès lors qu’un financier cherche un retour sur investissement raisonnables ? Cette question du rapport de la finance à la foi, j’en ai beaucoup discuté, et c’est pour moi compatible, dès lors que l’environnement humain et naturel n’est pas impacté négativement. L’investissement a-t-il aidé des gens, a-t-il apporté du travail, eu des effets positifs sur l’environnement : c’est la question que tout financier doit régulièrement se poser.

JH Décembre 2015

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