Depuis le début du mois, l’aversion au risque a significativement progressé sur l’ensemble des segments de marché, comme l’illustre la récente hausse des volatilités actions et l’écartement des spreads de crédit, aux Etats-Unis comme en Europe (graphiques 1 et 2).
Si ces niveaux de risque restent, pour l’heure, nettement inférieurs à ceux constatés durant l’été 2013 ou durant la crise de 2011, la réaction des marchés à ce nouvel environnement a été vive : - 9% pour l’Euro Stoxx 50, -7% pour le S&P500 (graphique 3).
En quoi la situation actuelle est-elle différente des corrections que nous avons connues ces deux dernières années ?
Les derniers épisodes de hausse de l’aversion au
risque sont restés cantonnés à certains segments
de marché (actions et crédit en 2012, actions et
devises en 2013). Or depuis le début du mois, nous
observons des tensions significatives sur
l’ensemble des segments de marché (actions, high
yield, devises...). C’est cette évolution conjointe et
significative des risques qu’illustre la récente
hausse de notre indicateur de risque de marché
(graphique 4).
Entre 2012 et le premier semestre 2014, les
anticipations des investisseurs évoluaient autour
d’un consensus macroéconomique intégrant dans
les grandes lignes : un environnement de
croissance durablement faible en Zone Euro,
l’impulsion positive générée par la politique de la
BOJ (Abenomics) l’amélioration, la bonne tenue du
cycle US et le recul du potentiel de croissance dans
les grands pays émergents (graphique 5). Le seul
facteur d’incertitude était le timing du tapering, i.e.
du ralentissement du programme de rachat de la
FED, facteur déclencheur de l’aversion au risque
durant l’été 2013.
Ce qui a changé depuis
La récente progression des niveaux de risque sur les différents segments de marché traduit un changement dans les anticipations des investisseurs, provenant conjointement :
- de la compression continue des primes de risque sur les marchés du crédit et de la forte progression des marchés actions depuis deux ans, dans un environnement macroéconomique dégradé (hors USA, graphique 6) ;
- de l’effet conjoncturel et non structurel des Abenomics, se traduisant par une nouvelle dégradation de l’environnement macroéconomique Japonais (graphique 7) ;
- par l’accélération de la dégradation de la
situation macroéconomique en Zone Euro,
particulièrement en France et en Allemagne,
comme l’illustrent nos indicateurs de cycle
macroéconomique sur le graphique 8.
En d’autres termes, il nous semble que la récente hausse des risques est imputable à l’intégration de potentiels nouveaux scénarios macroéconomiques, notamment pour l’Europe, dans les anticipations des investisseurs qui, combiné à l’arrêt du robinet de liquidités en provenance de la FED pénaliserait lourdement l’ensemble des classes d’actifs risquées (actions des développés et crédit en premier lieu).
La fin de l’histoire ?
La situation actuelle montre le rééquilibrage des deux piliers du puzzle de la formation des prix des actifs. Le premier – le pilier fondamental – a été largement occulté depuis 2011 (tout au moins en Europe), les anticipations des investisseurs s’étant essentiellement articulées autour du pilier comportemental, alimenté par un afflux sans précédent de liquidités sur l’ensemble des marchés.
D’un point de vue théorique, nous serions actuellement confrontés à une force de rappel fondamentale (de par la dégradation de l’environnement en Zone Euro), à l’origine des récentes corrections (actions, high yield).
Le risque est alors que les anticipations des investisseurs se focalisent massivement sur le pilier fondamental, ce qui pourrait engendrer une sur-réaction des marchés et transformer la correction actuelle en crise.