Ces derniers mois, les taux d’intérêt nominaux ont augmenté à l’échelle mondiale. Si cette tendance est appelée à se poursuivre, les facteurs à l’origine de ce mouvement devraient toutefois changer, ce qui devrait avoir une incidence sur le positionnement des investisseurs sur les marchés obligataires.
Selon l’équation de Fisher, les taux d’intérêt nominaux peuvent être décomposés entre les taux réels et les anticipations d’inflation. Afin de se protéger face à la hausse des taux réels, les investisseurs devraient envisager des expositions à des taux d’intérêt négatifs, ou de duration courte. Et pour se protéger contre la hausse des anticipations d’inflation, ils pourraient s’orienter vers des obligations indexées sur l’inflation, connues sous le nom de ‘TIPS’ aux Etats-Unis et de ‘Linkers’ en Europe.
Durant la pandémie, les taux réels et les taux d’inflation ont nettement reculé. Aux Etats-Unis, par exemple, les taux réels ont baissé alors que la Fed a réduit son taux directeur de 150 points de base en réponse à la crise de Covid-19. Dans le même temps, les anticipations d’inflation ont chuté, comme mesuré par les swaps d’inflation.
Les gouvernements et les banques centrales ont réagi rapidement afin de limiter les effets de la pandémie sur l’économie. De vastes programmes de relance budgétaire ont ainsi été mis en place et les autorités en charge des politiques monétaires ont augmenté la taille et la portée de leurs programmes d’assouplissement quantitatif (QE).
Ces mesures ont permis aux anticipations d’inflation de se redresser des deux côtés de l’Atlantique, avec par exemple un ’breakeven’ d’inflation aux Etats-Unis qui avoisine désormais ses plus hauts depuis plusieurs décennies.
Selon l’équation de Fisher, cette remontée des anticipations d’inflation a impacté les taux nominaux, et les investisseurs ayant opté pour des obligations indexées sur l’inflation sur cette période auront donc profité de gains en capital sur leur exposition.
A l’avenir, les taux d’intérêt nominaux devraient poursuivre leur hausse. Toutefois, cette tendance devrait être alimentée non plus par la montée des anticipations d’inflation mais par une augmentation des taux réels. L’inflation est appelée à rester volatile alors que l’on assiste à une reprise des chaînes d’approvisionnement qui avaient été largement affectées par la pandémie, et que les mesures de relance budgétaire seront progressivement retirées. L’inflation sous-jacente en Allemagne, par exemple, devrait connaître une forte hausse au milieu de l’été, compte tenu de l’impact lié à la fin du report du paiement de la TVA. En dépit de ce contexte, l’analyse de la Fed selon laquelle les hausses d’inflation seront ‘temporaires’ semble fondée, et les solides forces désinflationnistes, telles que la faiblesse de la démographie, les avancées technologiques et la situation du marché du travail, auront pour effet de limiter les augmentations de prix excessives. Cependant, avec la réouverture des économies, la montée en charge de la campagne de vaccination et l’accélération de la croissance, les investisseurs vont probablement se désengager de leurs expositions à des actifs refuges et à faible rendement comme les bons du Trésor américain et les Bunds allemands, ce qui devrait avoir un impact sur les taux réels et conduire à un rebond des taux nominaux. Dans un tel scénario, les obligations indexées sur l’inflation connaîtraient ainsi des pertes en capital significatives.
En conclusion, la tendance à la hausse des taux d’intérêt nominaux devrait se poursuivre, mais elle sera vraisemblablement tirée par la montée des taux d’intérêt réels plutôt que par les anticipations d’inflation. Les investisseurs souhaitant limiter les effets, voire bénéficier, d’un environnement de taux d’intérêt réels en hausse à moyen terme devraient donc se désintéresser des obligations indexées sur l’inflation, pour privilégier plutôt une exposition à des taux d’intérêt négatifs, ou de court terme.