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Quête de rendement : où se trouvent les spreads ?

Les rendements sont proches de leurs plus bas historiques dans le monde entier ou presque, mais dans quelle mesure le rendement restant est-il concentré ? Et dans quels secteurs ?

Au cours des dernières années, le rendement n’a cessé de se raréfier car les politiques monétaires mondiales et les tendances macroéconomiques ont alimenté la demande en instruments de taux. On utilise souvent les expressions « quête de rendement » ou « chasse au rendement » pour décrire une augmentation de la demande structurelle en obligations et notamment en produits de spread, dans un contexte d’afflux de liquidités.
Les rendements sont proches de leurs plus bas historiques dans le monde entier ou presque, mais dans quelle mesure le rendement restant est-il concentré ? Et dans quels secteurs ?
Dans cette note, nous allons avancer quelques chiffres qui nous permettront de répondre à ces questions et de mieux appréhender la véritable dimension de ce marché. Nous avons déjà abordé ce sujet dans deux de nos publications, mais à chaque fois l’étude ciblait une zone géographique spécifique : le marché obligataire en $ et le marché obligataire en € il y a quelques mois. Dans ces deux régions, les politiques monétaires ont joué et continuent à jouer un rôle important dans la baisse des rendements, car les investisseurs sont contraints de gérer les liquidités excédentaires en les plaçant sur les marchés obligataires. Avec ce troisième article, nous élargissons notre étude au marché mondial des instruments de taux.

L’univers d’investissement, les chiffres et les principales conclusions

Selon les indices obligataires de BoA ML, l’encours des titres sur le marché mondial des obligations IG représente 45 000 Mds $ : ce sont les émetteurs de meilleure qualité qui y sont les plus représentés (notés AAA et AA), avec environ 75 % du total.

Les titres notés A et BBB représentent respectivement, seulement 10 % et 15 % du total. Les obligations souveraines comptent pour 54 % de la dette IG, suivies par les obligations titrisées-collatéralisées (16 %), les titres quasi-souverains (12 %) et la dette d’entreprise (18 %). Si l’on ajoute les obligations HY et la dette émergente (en devise forte uniquement) au gisement mondial des obligations IG, l’encours de titres de l’univers atteint une valeur proche de 49 000 Mds $. Les signatures de bonne qualité restent prépondérantes, même en intégrant les obligations HY et émergentes dans l’univers.

En fait, les émissions AAA et AA représentent 69 % du marché et offrent un rendement à l’échéance moyen de 1,25 %. En se focalisant sur les obligations souveraines, on constaterait que le rendement à l’échéance est en deçà de 1 % pour tous les segments de maturité entre 1 et 5 ans. S’agissant des titres de moindre qualité, les obligations notées BBB offrent un rendement moyen proche de 3 % à l’échéance, les obligations émergentes de 4 % et les obligations HY de 5,5 %. L’unité de rendement par année de duration est plus favorable au segment HY, avec 140 pb, contre 74 pb offerts par les obligations émergentes, et bien moins par les autres segments.

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Concentration du rendement vs volume de dette

Avec les deux graphiques précédemment cités, on constate une concentration du rendement dans les segments que nous considérons comme les derniers « high yielders », à savoir les emprunts d’État en € des pays de la périphérie, les obligations d’entreprise mondiales notées BBB, les obligations HY mondiales et, enfin, les obligations émergentes.

En résumé, ces quatre segments représentent actuellement seulement 18 % de la dette mondiale mais concentrent quasiment 40 % du rendement disponible. Si l’on exclut de l’univers les obligations détenues par les banques centrales des grands pays développés, la concentration du rendement à l’échéance dans les quatre segments cités monte à 43 %. Il y a eu une corrélation négative entre le rendement global et la concentration du rendement sur les cinq dernières années. Plus le rendement à maturité a diminué, plus la concentration s’est accrue, en particulier depuis 2010 : il y a un an, ces quatre segments représentaient 35 % du rendement global, et seulement 25 % il y a deux ans. En outre, ces chiffres ne tiennent pas compte des prochains achats d’obligations annoncés par la BoJ et la Fed et leur impact sur la concentration du rendement. La « chasse au spread » prend de plus en plus le dessus sur la « chasse au rendement ».

> Qu’en est-il des obligations italiennes et espagnoles ?

Comme nous l’expliquons ci-dessus, les emprunts d’État espagnols et italiens représentent une part importante du rendement disponible sur les marchés obligataires européens. Nous proposons ici une mise à jour sur ces deux marchés.

Depuis le début de l’année, les obligations périphériques se sont inscrites en forte hausse. En particulier, les obligations espagnoles ont surperformé les BTP (+12 % vs + 6 % sur les 10 ans), en partie en raison des élections parlementaires italiennes n’ayant pas abouti à un résultat clair en février. Cette tendance ne peut être imputable à une amélioration des fondamentaux de ces pays. En effet, nous prévoyons respectivement une contraction de l’activité économique de 1,5 % et de 2 % en 2013 en Italie et en Espagne (prévisions de croissance du PIB pour 2014 : +0,5 % et -0,2 %). De plus, les perspectives de croissance de ces pays ont été dégradées à plusieurs reprises au cours des derniers trimestres. En fait, les marchés souverains de la zone euro sont toujours sous l’influence de l’annonce de l’OMT à l’été 2012 : avec ce programme, la BCE a atténué le risque systémique et réduit la probabilité d’un éclatement de la zone euro. Les annonces de la BoJ n’ont probablement eu qu’un impact limité sur les taux des titres souverains espagnols et italiens car les flux d’investissement en provenance du Japon dans ces actifs ont été très limités au cours des derniers trimestres.

Depuis l’été 2012, les rendements obligataires ont davantage baissé pour l’Espagne que pour l’Italie et les courbes des taux des deux pays sont très proches. Les taux courts ont davantage baissé que les taux longs et les courbes des taux affichent une pentification plus marquée sur le segment 2-5 ans que dans les pays core de la zone euro. Les Trésors espagnol et italien ont profité de la baisse des taux pour accélérer leur programme d’émission.

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Comment expliquer la surperformance des obligations espagnoles ?

Voici une première raison. Avant l’annonce de l’OMT, les non-résidents se sont délestés beaucoup plus massivement des obligations espagnoles qu’italiennes : les montants d’emprunts d’État espagnols détenus par des non-résidents ont chuté de 24 %, passant de 244 Mds € à fin décembre 2010 à 184 Mds € fi n août 2012 (la part des obligations espagnoles détenues par des non-résidents passant de 44 % à 30 %), alors qu’en Italie cette proportion n’a baissé que de 14 % sur la même période (de 802 Mds € à 690 Mds €). En d’autres termes, avant l’été 2012, les portefeuilles des investisseurs ont sous-pondéré beaucoup plus franchement les obligations espagnoles que les obligations transalpines. Après l’annonce de l’OMT, la diminution de la forte sous-pondération des obligations espagnoles s’est révélée très favorable pour ces titres. Pour preuve, entre août 2012 et février 2013, le montant des obligations espagnoles détenues par des résidents n’a progressé que de 13 Mds €, alors que le montant détenu par des non-résidents a progressé de 51 Mds € (à 235 Mds €). Sur la même période, le montant des obligations italiennes détenues par des résidents a augmenté de 23 Mds € et celui des non-résidents de seulement 19 Mds €. À noter la demande vigoureuse des ménages italiens : en avril 2013, le Trésor italien a vendu 17 Mds € d’obligations indexées sur l’inflation à 4 ans (les fameux BTP Italia), à des résidents, avec une très large participation des particuliers. En revanche, la baisse du taux d’épargne en Espagne est moins favorable.

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En outre, en raison de la quête actuelle de rendement, les investisseurs donnent probablement moins d’importance aux fondamentaux. Par exemple, fin février, l’impasse politique liée aux élections législatives en Italie n’a eu aucune incidence sur les obligations espagnoles et qu’un impact temporaire sur les titres italiens.

Existe-t-il encore des opportunités ? Après le rebond très marqué des titres à 2 ans, le potentiel de resserrement des spreads des obligations espagnoles et italiennes sur cette maturité semble limité. Cependant, les écarts de taux de ces pays avec l’Allemagne sur les maturités égales ou supérieures à 3 ans sont encore élevés et ces obligations offrent un portage intéressant par rapport à celles des pays core (pour rappel, le rendement des obligations allemandes à 5 ans est proche de celui des emprunts d’État japonais). Des arbitrages avec le marché des CDS semblent possibles car la prime du CDS espagnol est inférieure à celle du CDS italien, alors que les spreads des obligations italiennes sont plus élevés que les spreads espagnols.

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Nous préférons toujours les BTP aux Bonos pour au moins deux raisons : 1) nos calculs nous indiquent que la valeur d’équilibre du taux 10 ans espagnol est supérieur de 100 pb à celle de son équivalent italien (le ratio dette/PIB augmentera bien plus en Espagne au cours des prochaines années) et 2) la menace d’une dégradation de l’Espagne dans la catégorie spéculative (actuellement notée BBB- par S&P, Baa3 par Moody’s et BBB par Fitch), tandis que l’Italie est toujours notée BBB+ par S&P, Baa2 par Moody’s et BBB+ par Fitch. Et malgré l’OMT, les conséquences d’une rétrogradation dans la catégorie spéculative sont difficilement prévisibles en termes de prix et de liquidité.

Bastien Drut , Sergio Bertoncini Juin 2013

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