Le contexte économique à l’arrivée de Donald Trump en quelques points
L’économie américaine a très bien résisté au cycle brutal de resserrement monétaire de la Fed, déjouant les prévisions de récession quasi-unanimes chez les économistes en 2022 et 2023. Le panorama économique peut se résumer en quelques points :
- Les Etats-Unis sont le pays développé qui a connu la croissance économique la plus forte depuis la période pré-covid. Le pays a également fait mieux sur la période que des pays émergents comme le Brésil ou le Mexique.
- Après deux années de hausse significative des marchés financiers, le patrimoine des ménages s’est fortement amélioré. Cela occasionne de puissants effets « richesse ».
- Les taux d’intérêt restent élevés. Au début du 2ème mandat de Trump, les taux directeurs de la Fed sont encore à 4,25/4,50%, ce qui veut dire que la Fed n’a défait que 20% de son resserrement monétaire de 2022/2023.
- Les conditions sur le marché du travail sont bonnes, même si elles se dégradent lentement mais sûrement.
- Le dollar, pris en termes réels, est à son plus haut depuis 1986. C’est évidemment l’une des causes des déficits commerciaux significatifs des Etats-Unis.
Incertitude sur la politique commerciale
Sur ce sujet de la politique commercial, Donald Trump jouit de marges de manœuvre importantes puisqu’il a la légitimité pour relever les droits de douane à l’encontre de pays en particulier pour des motifs de « sécurité nationale » ou « d’anti-dumping ». Cela dit, les projets de Trump ont changé plusieurs fois.
Durant sa campagne électorale, Trump avait évoqué une hausse des droits de douane de 60 points sur les produits chinois et de 10 points sur ceux des autres pays. Après sa victoire, à la fin novembre, il avait déjà révisé ses plans puisqu’il parlait d’une hausse de 25 points sur le Canada et le Mexique et 10 points sur la Chine « on day one ». D’autres hypothèses ont circulé dans la presse dans les semaines qui ont précédé son investiture et « on day one », Trump n’a finalement pas pris de décision sur les droits de douane, même s’il a déclaré « qu’il pensait que les droits de douane remonteraient de 25 points le 1er février pour le Canada et pour le Mexique ». Pour lui, c’est un moyen de pression sur ses voisins pour remédier au sujet migratoire autant que pour renégocier l’accord de libre-échange nord-américain USCMA (ex-NAFTA).
Plusieurs éléments laissent penser que la négociation sera privilégiée avec la Chine : d’un projet initial de hausse de 60 points sur les importations de produits chinois, Trump est passé à une hausse de 10 points (déclarations de fin novembre). On pourra souligner la présence du vice-président chinois le jour de son investiture alors que de nombreux autres chefs d’Etat n’étaient pas invités. Des articles de presse ont mentionné le « Phase One deal » que Trump avait négocié avec la Chine en 2019/2020 et qui prévoyait que la Chine importe bien plus de produits agricoles et de gaz américains. Ces axes pourraient de nouveau être privilégiés lors de nouvelles négociations.
Les (difficiles) baisses d’imposition
En disposant d’une majorité à la fois au Sénat et à la Chambre des représentants, Donald Trump peut en théorie faire passer le programme de baisses d’impôts, c’est-à-dire le passage du taux de l’impôt sur les sociétés de 21% à 15% pour les entreprises « qui produisent aux Etats-Unis », la pérennisation des baisses d’impôts temporaires qui avait été adoptées pendant la première administration Trump (elles arrivent à échéance en fin d’année) et la suppression de l’imposition sur les pourboires. La procédure de « réconciliation budgétaire » permet de d’adopter des mesures portant sur les recettes fiscales et les dépenses en évitant le « filibuster » (une disposition qui permet un blocage au Sénat si la majorité a moins de 60 sénateurs).
En pratique, cela se très compliqué pour deux raisons :
- La majorité républicaine à la Chambre des représentants est très faible (220-215) et parvenir à mettre tous les députés républicains sur la même ligne sur toutes les dispositions budgétaires est très difficile (cf le coup de rabot à l’Inflation Reduction Act que Joe Biden avait dû consentir lors du passage de l’Inflation Reduction Act par réconciliation budgétaire car sa majorité au Sénat était très faible).
- Le sujet de l’imposition se télescope avec celui du relèvement du plafond de la dette, qui est de nouveau rentré en application le 2 janvier, et plus généralement de la trajectoire de dette publique. Un groupe de députés républicains très conservateurs a déjà fait savoir qu’ils ne consentiraient en un relèvement du plafond de la dette et une baisse des impôts qu’en cas de baisses massives des dépenses (qui seraient difficiles à accepter, elles, par les députés républicains les plus centristes).
Bref, il faut s’attendre à des difficultés en ce qui concerne les baisses d’impôts.
La tech, nouvelle alliée de Trump
Le secteur technologique revêt une importance considérable pour l’économie américaine pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la tech est cruciale pour des raisons de souveraineté (cf le dossier TikTok) puisque la suprématie mondiale passe désormais par le fait de disposer de groupes technologiques puissants. Ensuite, la tech est cruciale également pour des raisons économiques et financières. En effet, les sociétés technologiques représentent plus du tiers de la la cote boursière américaine (et plus du quart des profits). Prendre des mesures qui nuiraient aux géants de la tech américaine aurait des répercussions macroéconomiques lourdes, en occasionnant des effets « richesse » négatifs (sur les derniers trimestres, c’est exactement l’inverse qui s’est produit : les effets « richesse » positifs ont soutenu la consommation et par ricochet la croissance). Trump le sait et voudra éviter cela. D’ailleurs, les dirigeants des géants de la tech se sont rapprochés de lui sur les derniers mois et ils étaient nombreux à être très bien placés lors de sa cérémonie d’investiture. Globalement, remédier aux caractéristiques oligopolistiques n’apparaît du tout comme une priorité de la nouvelle administration Trump.
Par ailleurs, le thème de l’Intelligence Artificielle devrait bénéficier du soutien de la nouvelle administration Trump. Donald Trump a dérégulé d’emblée le secteur en annulant un executive order de Joe Biden sur le sujet. Par ailleurs, il a organisé dans le Bureau ovale dès son 2ème jour de mandat l’annonce de la création d’une joint-venture de plusieurs sociétés (OpenAI, Softbank, Oracle). 100 Mds $ seront injectés dans cette société, baptisée Stargate, qui sera spécialisée dans les infrastructures de l’IA et construira des dizaines de datacenters. Un investissement total de 500 Mds $ sur 4 ans est mentionnée.
Les autres gagnants de la nouvelle administration Trump
Les autres gagnants de la nouvelle administration Trump sont nombreux et variés, qui devrait au passage favoriser un mouvement de déconcentration de marché. On pourra citer pêle-mêle :
- Les industries pétrolières et gazières sont parmi les grandes gagnantes de ce nouveau mandat de Trump car celui-ci a passé dès le Day One des executive orders pour supprimer des règlementations environnementales et autoriser l’exploration et l’extraction de produits fossiles dans des zones protégées jusque-là. La production de pétrole aux Etats-Unis, déjà à un niveau record (13,6 millions de barils/jour) devrait encore progresser sensiblement. Toutefois, l’augmentation des volumes pourrait se faire au détriment des prix.
- Le secteur financier devrait bénéficier également de politique de dérégulation. Un projet de refonte des autorités de régulation a notamment été évoqué, ainsi qu’un possible assouplissement des règles de Bâle.
- Les activités dans lesquelles Elon Musk intervient. Le milliardaire, omniprésent dans la campagne de Donald Trump et qui jouera un rôle important dans son administration, devrait peser sur les choix de dérégulation de plusieurs secteurs : véhicules électriques, véhicules autonomes, satellites, neurotechnologies, etc.
- L’écosystème crypto. Sous son nouveau leadership, la SEC va créer une taskforce pour développer un cadre réglementaire adapté aux crypto-actifs. Le président de la SEC sortant, Gary Gensler, était globalement peu favorable au « far west » des actifs numériques. Son remplaçant, Paul Atkins, devrait confirmer une certaine forme d’institutionnalisation de ces actifs.
- Les activités liées au spatial. Lors de son discours d’investiture, Trump a évoqué l’ambition d’avoir un drapeau américain planté sur Mars. Ce projet, souvent évoqué par Elon Musk, participe à un changement de cap plus global et à de plus grandes ambitions sur le spatial. Lors de son premier mandat, le budget de la NASA avait déjà accéléré et différentes initiatives avaient déjà été lancées (National Space Council, US Space Force, etc).