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Bill Gross, le roi des obligations

A soixante-sept ans, le fondateur de Pimco est l’un des financiers les plus écoutés. Son secret se situe quelque part entre le Vietnam, le blackjack et le yoga...

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Une simple anecdote peut illustrer à merveille la personnalité d’un homme. Dans le cas de l’Américain Bill Gross, elle se trouve dans sa passion pour la philatélie. Plus exactement, dans la façon dont il est devenu un collectionneur majeur, à la quarantaine passée. Pour financer ses études à la Duke University (Caroline du Nord), sa mère avait investi dans des timbres. Cette pratique était courante dans le monde anglo-saxon au début des années 70, et devait permettre à Bill Gross de mieux s’installer dans sa vie professionnelle. Cette bulle spéculative assez spéciale avait finalement éclaté. Vingt ans plus tard, Gross démarra une collection qui ne cesserait jamais de prendre de la valeur, et qui représente aujourd’hui une centaine de millions de dollars. Il est l’un des trois principaux philatélistes américains. Cette passion « ne surprendrait pas un psychologue pouvant avoir accès à ma personnalité : celle d’un homme obsédé par la victoire », a-t-il expliqué en 2005.

La philatélie ne représente qu’une pacotille dans l’empire construit par Bill Gross en quatre décennies.
Pimco - Pacific Investment Management - est l’un des plus importants fonds de placements du monde, avec 1200 milliards de dollars gérés. Bill Gross dirige directement Pimco Total Return, créé en 1987, et qui est le plus grand fonds d’investissements en obligations du monde.
Situé sur la côte ouest des Etats-Unis, Pimco a adopté un mode de fonctionnement très... californien, dirons-nous.

Les gestionnaires de portefeuille sont ainsi rémunérés en fonction de leur contribution aux performances générales de la firme, et non, comme presque partout ailleurs, aux chiffres générés par tel ou tel fonds dont ils ont la responsabilité.

Les gestionnaires de portefeuille sont ainsi rémunérés en fonction de leur contribution aux performances générales de la firme, et non, comme presque partout ailleurs, aux chiffres générés par tel ou tel fonds dont ils ont la responsabilité.

Le maillon faible est rapidement repéré et éloigné. Pas étonnant que les deux tiers des gérants soient présents depuis moins de cinq ans. Au sein du groupe, on se rassure comme on peut en appelant cela "paranoïa constructive".

Difficile de savoir quelle part ont prise dans l’adoption de ce mode de management les deux années de Bill Gross au Vietnam, au moment où une autre moitié de jeunes Américains s’enivrait de la voix de Joe Cocker à Woodstock, et deux ans avant la création de Pimco.
Depuis, la firme n’a pas cessé de fonctionner avant tout sur des fondements rationalistes, en cherchant constamment à éviter les emportements qui caractérisent les marchés financiers, notamment depuis 2008. Bill Gross a maintes fois expliqué que Pimco se projetait en permanence sur des « prévisions de trois à cinq ans, permettant à un investisseur de se projeter sur du long terme et ainsi éviter les va-et-vient émotionnels de peur et d’avidité. » Autant d’habitudes qui le mènent fatalement, a-t-il écrit, « à de mauvais choix dans les phases irrationnelles de marché ».

La philatélie, le Vietnam, mais aussi, a-t-il souvent expliqué, le blackjack !
C’est sur tapis vert, alors qu’il était encore étudiant, que ce diplômé de psychologie dit avoir à la fois découvert sa prédilection pour la spéculation financière, et quelques techniques qui allaient constituer l’ADN de Pimco.
On retrouve ici le rejet de toute émotivité - ou la parfaite gestion des émotions, tout un débat - dans les prises de décision, une prudence extrême dans les phases euphoriques. Pimco a davantage réussi par sa faculté à ne pas tomber dans les chausse-trape boursiers qu’à accomplir des coups de génie. Par exemple, la firme n’est pas tombée dans trois des principaux écueils des quinze dernières années : l’éclatement de LTCM, celui de la bulle technologique au début des années 2000, et celui des subprimes en 2007-2008.

Cela dit, l’année qui vient de s’écouler a vu les activités de Bill Gross connaître l’une de leurs contractions les plus spectaculaires. L’exception qui confirme la règle, établie depuis vingt ans, qui voit le fonds de Bill Gross surperformer presque immanquablement le benchmark.

Par ailleurs, certains de ses avis - qui constituent un véritable point de repère pour les marchés - ont contribué à semer la panique sur les marchés, sans pour autant, au final, être jugés si pertinents. Au Royaume-Uni, des propos excessifs tenus il y a deux ans (« le Royaume-Uni dort sur un lit de nitroglycérine ») lui sont aujourd’hui reprochés, au regard des bond yields qui font presque du pays un « safe haven ».

Cela n’empêche pas Bill Gross de rester l’un des principaux renifleurs de marché.
D’apparence froide au premier abord comme il le reconnaît lui-même, Bill Gross vit une vie d’ascète - lever à 5 h, arrivée au bureau à 6:00, yoga en fin de matinée, une heure de golf dans l’après-midi, retour au domicile conjugal à 18:00, coucher à 21:00.
Cette parfaite hygiène de vie lui permet de voir ce que d’autres ne voient pas. En 2005, c’est en pleine séance de yoga qu’il a eu l’idée d’envoyer ses analystes sur le terrain dans tous le pays, en tant que faux acheteurs potentiels de biens immobiliers, pour mesurer les perspectives du marché. Celui lui a permis de deviner deux ans avant que le marché allait s’effondrer.

JH Janvier 2012

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