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Comment interpréter le signal de récession envoyé par la courbe des taux

Jusqu’à la pandémie, il était facile de trouver un indicateur fiable de récession. Depuis 1955, l’inversion de la courbe des taux américains - lorsque les obligations à brève échéance offrent des rendements plus élevés que les titres à plus longue échéance – a permis d’anticiper les dix récessions américaines...

Jusqu’à la pandémie, il était facile de trouver un indicateur fiable de récession. Depuis 1955, l’inversion de la courbe des taux américains - lorsque les obligations à brève échéance offrent des rendements plus élevés que les titres à plus longue échéance – a permis d’anticiper les dix récessions américaines. Dans un contexte de normalisation des taux, nous examinons les indicateurs de récession et nous demandons si, pour la première fois en près de 70 ans, la courbe des taux n’émet pas un faux signal.

D’ordinaire, l’écart entre les rendements des obligations à court et à long terme se creuse à mesure que les échéances s’allongent. L’explication en est que les investisseurs demandent une compensation, sous forme de rendements plus élevés, pour le risque accru lié à l’immobilisation de leurs liquidités pendant une période plus longue. Au cours des cinq dernières décennies, les investisseurs ont reçu en moyenne 90 points de base (pb) de plus pour la détention d’un bon du Trésor américain à dix ans, que pour son équivalent à deux ans. Lorsque la courbe des taux s’inverse, les investisseurs sont mieux rémunérés pour détenir de la dette à court terme que des obligations longues. Cela reflète deux réalités  : premièrement, que l’inflation est forte et que les banques centrales maintiennent les taux directeurs à un niveau élevé pour la contenir, et deuxièmement, les anticipations d’une baisse des taux d’intérêt courts. Cela peut nuire au modèle de la banque commerciale qui consiste à emprunter à court terme pour financer des prêts à long terme. L’une des explications de la qualité prédictive d’une courbe des taux inversée était que le resserrement des conditions de crédit déclenchait un ralentissement économique.

La courbe des taux s’est inversée en juillet 2022, ce qui représente la plus longue période négative depuis plus de quatre décennies. Historiquement, cette inversion précède une récession de quelques mois à deux ans  ; et, au début d’une récession, la courbe se normalise en prévision d’une réduction des taux courts par les autorités monétaires. En d’autres termes, si la courbe des taux était un indicateur fiable dans le contexte actuel, nous devrions être déjà en récession (voir graphique 1).

Depuis le «  pic d’inversion  » de juillet 2023, lorsque le spread entre les deux échéances était supérieur à 100 points de base (pb), celui-ci s’est réduit et se situe actuellement à -30 pb. Les rendements des bons du Trésor à deux ans ont baissé de 60 pb pour atteindre 4,3%, et les rendements à dix ans ont augmenté de 15 pb à 4%. L’inversion de la courbe des taux n’est pas seulement un phénomène américain. Les taux souverains de la zone euro, de la Suisse et du Royaume-Uni se sont également inversés.

Cependant, la courbe des taux ne mesure pas l’économie réelle, mais plus précisément les attentes du marché concernant la politique monétaire des banques centrales. Que nous indique aujourd’hui cette courbe inversée  ? Principalement que la politique monétaire est stricte. Et que tant que l’inflation est contenue, les taux ont atteint leur pic et sont sur le point de baisser, ce qui entraînera une nouvelle normalisation de la courbe.

D’autres hypothèses

Il serait imprudent d’écarter entièrement la courbe des taux en tant qu’indicateur de récession, et nous continuons à la surveiller. Cependant, notre attention se porte toujours sur les fondamentaux macroéconomiques. Nombre d’entre eux indiquent que l’économie américaine s’achemine vers un atterrissage en douceur. Dans le même temps, un certain nombre de facteurs dans l’économie américaine d’après la pandémie limitent l’impact du resserrement des prêts bancaires, comme les mesures de relance fiscale, l’absence d’excès de crédit au cours de ce cycle et un marché du travail tendu.

Selon nous, trois indicateurs clés offrent actuellement une lecture plus précise de l’économie américaine. L’indicateur de récession «  Hamilton-James  » indique une probable récession, basée sur la croissance du produit intérieur brut, qui s’est avérée résiliente jusqu’au second semestre 2023. Un second modèle, dit «  Chauvet-Piger  », semble plus précis pour prévoir une récession sur la base des prévisions à court terme («  nowcasting  »). Il combine en une seule mesure les salaires, la production industrielle, le revenu des particuliers, l’industrie manufacturière et les ventes au détail. Sa publication trimestrielle la plus récente indique une probabilité de récession inférieure à 1%, bien en deçà de la moyenne à long terme.

Enfin, la «  règle de Sahm  » est une mesure basée sur le chômage, observée par la Réserve fédérale (et proposée par l’une de ses anciennes économistes). Selon cette règle, une économie est en récession ou sur le point d’entrer en récession si le taux de chômage moyen sur trois mois est supérieur de plus de 50 pb à son niveau le plus bas durant les douze derniers mois. Le ratio a atteint un pic post-pandémie de 33 pb en octobre 2023, avant de décliner jusqu’en décembre pour atteindre 23 pb (voir graphique 2).

En résumé, sur la base d’un large éventail d’indicateurs et de modèles, nous estimons que la probabilité d’une récession sévère aux États-Unis est de quelque 10%, contre 70% en faveur d’un atterrissage en douceur et 20% d’une stagflation modérée et/ou d’un boom inflationniste. En effet, le risque de réaccélération de l’économie américaine grâce à une hausse des revenus réels stimulant la demande intérieure nous semble un peu peu probable que le risque d’un atterrissage brutal.

Qu’est-ce que cela signifie pour les investisseurs  ?

Une courbe des taux inversée impose aux investisseurs en obligations un choix crucial : rester investis en instruments monétaires avec des rendements plus élevés, ou investir dans des obligations qui offrent des rendements attractifs, mais plus faibles pendant plus longtemps.

Nous pensons qu’il convient d’ajouter de la duration aux portefeuilles, car lorsque les taux d’intérêt baisseront, les obligations offriront des rendements totaux plus élevés que les instruments monétaires. La tendance à la désinflation se poursuivant, les banques centrales peuvent commencer à réduire les taux directeurs pour les ramener à un niveau neutre - qui ne ralentit ni ne stimule la croissance - et la normalisation des courbes des taux se poursuivra.

Il existe donc de solides raisons de détenir des obligations souveraines, puisqu’elles ont tendance à bien performer lors d’une première baisse des taux directeurs (voir graphique 3). Compte tenu des primes de crédit faibles et des spreads serrés, nous conservons une opinion neutre sur le crédit, avec une préférence pour les obligations de qualité et les segments les plus élevés du haut rendement.

Du côté des actions, les raisons qui expliquent les changements dans la forme de la courbe des taux importent plus que la forme elle-même. Étant donné que la croissance économique est le principal moteur de performance des actions et des actifs risqués qui y sont liés, la résilience des perspectives économiques a soutenu les marchés boursiers américains, en dépit de la remontée des taux. Nous pensons que cette situation peut perdurer, et que les baisses de taux y contribueront. Cependant, le ralentissement de la croissance, les attentes en matière de taux d’intérêt déjà intégrées dans les cours et le contexte géopolitique tendu nous incitent à maintenir pour l’instant nos allocations aux actions aux niveaux stratégiques.

Samy Chaar 8 février

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