Commençons donc par le début. Il y a deux composantes à prendre en compte. D’abord, les indices de PMI de décembre, publiés pour l’Europe, les Etats-Unis et la Chine, montrent que le tempo de la croissance économique mondiale est resté élevé en fin d’année dernière. De quoi conclure que l’acquis avec lequel l’année nouvelle commence est positif. De plus, les entreprises interrogées signalent une montée des tensions sur les appareils de production. Si les délais de livraison devaient s’allonger, dans un environnement économique porteur, comment ne pas alors se dire que les prix devraient plutôt accélérer ? Ensuite, le marché lit les manifestations et les protestations en Iran comme une raison supplémentaire de craindre encore plus de déstabilisation au Moyen Orient. Avec une conséquence inévitable : davantage de pressions haussières sur les cours du pétrole brut. Si celles-ci doivent perdurer, alors la normalisation sur le front de l’inflation finirait par s’imposer.
Passons à la fin de l’histoire. Aux Etats-Unis, la double perspective d’une activité toujours bien orientée et d’une inflation mieux « disposée » (le breakeven inflation 10 ans est repassé au-dessus de 2% hier pour la première fois depuis mars 2017, juste au moment du ralentissement des prix qui a perturbé le marché) se traduit par une hausse à la fois des taux longs et des indices actions. La première n’empêchant pas la seconde. Bien sûr, les implications de la réforme fiscale en termes de profil des profits par action et la tendance à la baisse du dollar depuis la mi-décembre facilitent aussi la bonne tenue d’une bourse américaine pourtant pas très bon marché.
En Zone Euro, cette même réalité concernant le couple croissance et inflation fait raisonner les propos répétés des membres du Conseil des gouverneurs de la BCE plaidant plutôt en faveur d’un arrêt du QE en septembre prochain.
Ainsi la remarque de Benoît Coeuré dans un organe de presse chinois le 30 décembre n’est pas passée inaperçue. Selon lui, il existe « une possibilité raisonnable que le prolongement du QE décidé en octobre dernier (celui commençant ce mois-ci et se finissant en septembre prochain) puisse être le dernier ». Si cela participe de pressions haussières sur les taux longs, cela renforce aussi l’euro face au dollar. In fine, le marché des actions s’inscrit à la baisse.
Finissons par la morale de cette histoire. N’en faut-il pas toujours une ? Il y a vraisemblablement deux dimensions à prendre en compte : l’Iran et le prix du pétrole, d’une part, et le comportement des banques centrales de l’autre. Le marché, comme tout un chacun, est sensible à la répression subie en Iran par les manifestants. Cela menace-t-il pour autant le maintien du régime ? On ne sait pas. Mais, face à une société civile « sophistiquée », le gouvernement iranien cherchera les voies et moyens d’un compromis. Les budgets publics à finalité économique ou sociale vont sans doute augmenter. Il faudra les financer. La tentation d’ouvrir plus grand le « robinet à pétrole » sera présente. L’élément devrait être pris en compte sur les marchés.
Comment d’ailleurs ne pas remarquer que la grille de lecture du comportement d’une Arabie saoudite, lancée dans un ambitieux et compliqué programme de « Nation-building », n’est pas très différente ?
Du côté des banques centrales, on cherche à mieux comprendre une équation qui paraît prendre la forme suivante : des perspectives d’inflation toujours très prudentes, malgré des prévisions de croissance économique revues à la hausse et de taux de chômage, revues à la baisse. En saura-t-on davantage ce soir à la lecture des minutes du dernier comité de politique monétaire américain (celui des 12 et 13 décembre derniers au cours de laquelle la Fed décida de relever de 25 centimes son taux directeur) ? Ce n’est pas sûr.