Bien entendu, ce titre est un peu provocateur d’autant que l’histoire des marchés financiers nous a appris qu’il ne fallait jamais dire jamais (« never say never » comme disent les anglo-saxons)
Et pourtant
FRANCHEMENT DIFFICILE D’ANTICIPER SUR UN HORIZON MEME MOYEN LONG TERME UN KRACH OBLIGATAIRE OU A TOUT LE MOINS UNE HAUSSE FRANCHE ET DURABLE DES TAUX LONGS
Nous devons maintenant nous rendre à l’évidence qu’il existe de puissantes forces de rappel, au rang desquelles le maintien d’une liquidité mondiale abondante.
Même si la Réserve Fédérale qui a officiellement arrêté le Quantitative Easing fin 2014 et commence à réduire la taille de son bilan au T4 2017, même si la BCE a annoncé qu’elle va sortir très graduellement de son Quantitative Easing durant l’année 2018, la liquidité mondiale restera extraordinairement abondante puisque depuis le début de 2017, les réserves de change mondiales augmentent à nouveau notamment sous l’effet des réserves de change chinoises.
En effet, en Chine, le durcissement des contrôles des capitaux et la moindre attractivité des actifs libelles en dollar ont conduit à une forte baisse des sorties de capitaux, lesquelles sorties sont désormais inférieures à l’excédent de la balance commerciale de la Chine. On se retrouve alors dans une configuration de la balance des paiements chinoise tout à fait différente de celle de la période 2014 - début 2016 et ressemblant à nouveau à la forte accumulation de réserves de change de la période 2002-2014.
Le fait que les réserves de change augmentent à nouveau en Chine implique que la Banque Centrale de Chine est redevenue acheteuse d’obligations (essentiellement en dollars et en euros), ce qui prévient toute remontée durable et significative des taux Longs US et €.
Le stock de liquidité mondiale va donc rester très important, tandis que la variation mensuelle de la liquidité mondiale va rester plutôt stable (baisse aux Etats-Unis et à terme en zone Euro et au UK, hausse au Japon et hausse dans le monde émergent avec le retour de la hausse des réserves de change).
LES LOIS ECONOMIQUES DEFIEES : LE CONTROLE OBLIGE DE TOUTE LA COURBE DES TAUX PAR LES BANQUES CENTRALES
Les Banques Centrales agissent désormais au-delà de leur rôle traditionnel qui consiste à fixer les taux directeurs, lesquels influencent la partie courte de la courbe des taux (taux monétaires). En effet, elles vont continuer à contrôler toute la courbe des taux d’intérêt et empêcheront par tous les moyens toute remontée des taux d’intérêt à long terme.
Pourquoi ?
- une hausse trop rapide et trop brutale des taux d’intérêt à long terme, bien au-dessus des taux de croissance nominale des économies, déclencherait une véritable crise de solvabilité pour nombre d’acteurs économiques à taux d’endettement très élevés (on pense en premier lieu aux états)
- mais cette même hausse trop rapide et trop brutale des taux d’intérêt à long terme entraînerait aussi
- une vraie panique des investisseurs institutionnels avec des ventes massives pour limiter les moins-values en capital, ce qui auto-entretiendrait de fortes tensions sur les marchés obligataires
- et une crise des bilans bancaires sans précédent (les banques ont accumulé ces dernières années, entre autres pour des raisons réglementaires, des titres d’état à des taux de plus en plus bas)
Le paradoxe de la situation, c’est que si une banque centrale comme la BCE ne sort de sa politique monétaire accommodante que très graduellement (ce qui sera inévitablement le cas pour les raisons vues ci-dessus), alors cette remontée de plus en plus repoussée et tardive des taux d’intérêt à long terme abaissera le taux moyen des portefeuilles obligataires des investisseurs institutionnels.
Dès lors, même des petites tensions sur le marché obligataire feraient rapidement passer les taux longs au-dessus du taux moyen de ces portefeuilles et fragiliserait considérablement les assureurs avec une vague importante de rachats de contrats d’assurance vie.
Voilà une « drôle de situation » puisque le maintien à un bas niveau des taux longs fragilise structurellement banques et assureurs. Mais une remontée brutale au-dessus d’un certain seuil (seuil qui fait l’objet de beaucoup de débats) déstabiliserait ces mêmes banques et assureurs. Nous n’avons donc pas à anticiper de crise financière puisque nous sommes dans une situation de crise financière permanente. Les banques centrales préféreront la situation présente de taux longs bas qui est une situation désormais connue et vécue (et donc une situation qui a conduit nombre d’acteurs économiques à adapter leur business model) qu’une situation de tensions obligataires durables à laquelle personne n’est vraiment préparé. De toute façon, les fondamentaux, et principalement l’absence d’un quelconque retour de vraies anticipations d’inflation viendront au secours des banquiers centraux.
En conséquence, il ne faut sans doute pas s’attendre à voir respectivement les taux à 10 ans US, allemand et français évoluer durablement au-dessus de 2.50%, 0.60% et 1.00%.