Aujourd’hui, il ne fait aucun doute que le thème des "investissements durables" n’est pas seulement un sujet financier, mais qu’il a des implications politiques. Ainsi, lors de la conférence internationale sur le climat COP26 en novembre dernier, de nombreuses nouvelles mesures pour plus de durabilité dans le secteur financier ont été une fois de plus discutées, dont la mise en œuvre concrète reste à voir. Ou, plus récemment, la décision de la Commission européenne sur la taxonomie, qui a remis sur la table la grande question : que peut-on réellement considérer comme investissement vert ?
Ces grands débats sur la durabilité ont tendance à se perdre dans des querelles de clocher, telles que "anti-nucléaire" contre "pro-nucléaire" ou dans des questions sur la quantité précise d’émissions de CO2 à autoriser, quand et pour qui. Ce sont sans aucun doute des points importants qui doivent être clarifiés. Mais de telles discussions à petite échelle font perdre de vue quelque chose de beaucoup plus fondamental. Car, en fin de compte, les investisseurs particuliers décident eux-mêmes de ce qu’ils considèrent comme un bon ou un mauvais investissement en fonction de leur propre conception de la durabilité. Certes, les labels, les normes sectorielles ou les certifications peuvent être une bonne aide pour orienter les petits investisseurs dans leurs décisions. Mais ceux qui sont convaincus que l’énergie nucléaire n’est pas une technologie verte ne voudront pas investir dans celle-ci - indépendamment de la manière dont l’Union européenne voit le sujet. Et ceux qui n’ont pas de problème avec le charbon n’auront pas non plus de problème à investir de l’argent dans ce secteur.
Le débat sur les labels verts et la durabilité ne résout pas la question bien plus fondamentale de savoir dans quel but on investit - ou pas. Les personnes qui souhaitent lutter contre le changement climatique en investissant dans des entreprises du secteur du charbon le font peut-être en toute connaissance de cause, afin d’influencer les décisions de l’entreprise en tant qu’actionnaire et de favoriser la décarbonisation. Mais si un investisseur veut éviter à tout prix certains sujets, comme la production d’armes, pour des raisons religieuses ou morales, il n’intégrera pas dans son portefeuille un fonds qui, bien qu’ayant un label de durabilité renommé, investit dans le secteur en question jusqu’à un certain seuil.
Un schéma en noir et blanc n’aide pas les petits investisseurs
Le défi consistant à fournir aux petits investisseurs les produits d’investissement qui répondent exactement à leurs besoins et à leurs attentes est certainement plus important que le débat permanent sur ce qui est vert et ce qui ne l’est pas. Les conséquences réelles de ces classifications sur les allocations sur le marché des capitaux restent de toute façon limitées. En effet, les investisseurs institutionnels, qui exercent une influence significative sur le marché par les sommes qu’ils investissent, n’attendent pas les tergiversations des politiques, mais se sont déjà positionnés depuis longtemps sur la durabilité. Nombreux sont ceux qui rejettent la taxonomie de l’UE sur l’énergie nucléaire en tant qu’investissement “vert" et suivent leurs propres critères, parfois plus stricts.
Mais même pour les petits investisseurs qui veulent investir de manière durable, les labels ESG généraux ou de durabilité selon un simple schéma noir et blanc sont sans doute moins utiles qu’une réflexion individuelle sur ses propres idées et préférences. Il est donc important pour les investisseurs d’être clairs sur leur propre idée de l’investissement durable et de trouver les produits qui leur conviennent. La gamme de fonds et de produits d’investissement - supposés ou réels - conformes aux critères ESG est aujourd’hui énorme et, par conséquent, confuse et opaque. Les petits investisseurs courent rapidement le risque de perdre la vue d’ensemble. Des plateformes indépendantes, comme le portail d’information MyFairMoney.eu, peuvent aider à trouver des produits adéquats parmi l’abondance de labels de durabilité et les différentes approches d’évaluation. Ce n’est que si les investisseurs privés peuvent être sûrs qu’ils investissent réellement en fonction de leur propre compréhension de la durabilité, qu’ils seront plus disposés à investir de l’argent vert - indépendamment de ce qui est à l’ordre du jour politique.
A propos de 2 Degrees Investing Initiative ("2DII")
Créé il y a 10 ans à Paris, 2DII coordonne parmi les plus grands projets de recherche au monde sur la finance durable. Avec des bureaux à Paris, New York, Berlin, Londres et Bruxelles, son équipe d’experts en finance, climat et risque effectue de nombreuses études et développe des outils pratiques pour aider les institutions financières et les régulateurs à accélérer la transition énergétique et à s’y adapter. Afin de garantir l’intégrité intellectuelle de ses travaux, 2DII dispose d’une structure de gouvernance et de financement multipartite, avec des représentants d’un large éventail d’institutions financières, de gouvernements et d’ONG.
2DII a co-initié la première réglementation financière liée au climat en Europe - l’article 173 de la loi française sur la transition énergétique - qui a rendu obligatoire le reporting sur le changement climatique pour les investisseurs particuliers et gestionnaires d’actifs. 2DII a lancé les premiers prix internationaux de divulgation climatique avec le ministère de l’Environnement et le Trésor français. 2DII mène le projet FinanceClimAct aux côtés notamment du Ministère de la Transition Écologique et de l’ADEME, qui contribue à la mise en œuvre de la Stratégie Nationale Bas Carbone de la France et du Plan d’action finance durable de l’Union Européenne.