A l’initiative de l’EFRAG, la consultation publique sur la normalisation des données extra-financières s’achève le 8 août. Le projet est crucial pour le monde financier européen alors que d’autres institutions mènent la bataille des standards ESG au niveau mondial estime Marie Pierre Peillon, Directrice de la recherche et de la stratégie ESG chez Groupama AM, présidente de la Commission finance durable de l’AFG et membre de la PTF-ESRS de l’EFRAG.
Le constat est aujourd’hui sans appel : l’absence de normalisation des données ESG rend illisible et complexe les approches ESG. La meilleure illustration des conséquences de cette qualité médiocre des données est reflétée par la faible corrélation des notations extra- financières des différentes agences, à l’opposé des notations crédit très fortement corrélées. De plus, comme il est impossible d’adopter un langage commun à travers des normes reconnues, chaque méthodologie d’analyse, des agences comme des sociétés de gestion, repose sur des approches diverses, rendant les comparaisons difficiles ! Si la nécessaire harmonisation de ces données ESG est en cours de définition, le chemin s’avère toutefois pavé d’embûches. L’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) a reçu en janvier 2020 un mandat clair de la Commission européenne pour élaborer les standards européens. Un groupe de travail a été mis en place au sein de l’EFRAG. Le Project Task Force on European Sustainability Reporting Standards (PTF-ESRS) s’est réuni en deux sessions (de septembre 2020 à avril 2022) afin de poser le socle et définir les normes futures qui devront être appliquées en Europe. Ces normes seront inscrites dans la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) de la Commission européenne, qui vient d’être adoptée, et qui vise à remplacer la directive NFRD (Non-Financial Reporting Directive) en fixant aux entreprises concernées des standards plus contraignants. Les reportings extra-financiers devront notamment être certifiés par un auditeur ou certificateur indépendant accrédité afin de vérifier que les entreprises se plient aux règles en vigueur adoptées au niveau européen.
Mais le temps presse pour adopter ces nouvelles normes. Le 30 avril dernier, l’EFRAG a lancé une consultation publique auprès de toutes les parties prenantes et qui s’achève le 8 août. L’EFRAG sera ainsi en mesure de proposer, en novembre prochain, un premier jeu de normes à la Commission européenne. « Le calendrier réglementaire européen est chargé et donne l’impression d’être ‘à l’envers’. En effet, l’entrée en vigueur de la directive CSRD interviendra après le règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) qui exige des sociétés de gestion la publication d’indicateurs qui ne sont pas encore disponibles auprès des émetteurs » regrette Marie-Pierre Peillon.
Logé dans le rapport de gestion, le rapport de durabilité couvrira les trois sujets ESG (Environnement, Social, Gouvernance). Ce premier jeu de normes comprend deux normes transversales à tous les sujets ESG. Cinq sous-sujets concernent les objectifs environnementaux, reprenant notamment les objectifs de la taxonomie, quatre segments s’intéressent aux problématiques sociales et enfin deux autres segments sont dédiés aux questions de gouvernance. « Il est important que le monde financier européen concerné par l’adoption de ces normes fasse remonter la voix de ses futurs utilisateurs car il s’agit d’un enjeu majeur de souveraineté pour l’Europe. La Place de Paris doit accélérer sa mobilisation pour répondre aux consultations en cours » estime Marie-Pierre Peillon.
Si l’Europe est à la pointe sur ce sujet crucial, les visions restent loin d’être convergentes entre l’approche européenne portée par l’EFRAG et celle proposée par l’ISSB (International Sustainability Standards Board), issue de la IFRS Foundation. Or, l’ISSB, présidée par le Français Emmanuel Faber, a également engagé une consultation sur les standards transverses et climatiques qui s’achève le 29 juillet. Alors que l’EFRAG défend le principe ambitieux de la double-matérialité, l’ISSB préconise une approche fondée sur la matérialité simple (« Outside-In ») qui ne prendrait en compte que les impacts que les enjeux exercent sur l’entreprise en délaissant les informations relatives à l’impact de l’entreprise sur son environnement (« Inside-Out »). De son côté, le régulateur américain a engagé des consultations mais uniquement sur les standards climatiques et qui se sont achevées le 10 juin.