Le risque protectionniste a refait surface avec fracas ces dernières semaines, suite à l’annonce de Donald Trump concernant la taxation des importations d’acier et d’aluminium, ainsi qu’un panier de biens chinois (dont la liste n’est pas encore établie et avec de surcroît une ambiguïté sur les montants). Les marchés d’actions ont reculé dans un bel ensemble, constituant une prime de risque liée à cette incertitude.
LE RISQUE DEVIENT SYMÉTRIQUE
Il serait tentant d’aboutir à la conclusion qu’une « guerre commerciale » menace mais nous continuons d’estimer que ce risque, quoique non négligeable, ne constitue toujours pas le scénario central. Tout d’abord, la réponse des autorités chinoises est pour l’heure conciliante (elles ne taxeront que trois milliards de dollars d’importations américaines) et les premières discussions sino-américaines, qui ont démarré très rapidement, montrent que les autorités de Pékin envisagent d’importantes concessions en termes d’ouverture de leurs marchés et de leurs entreprises.
Ensuite, le protectionnisme dont bénéficie la Chine ne correspond plus au stade de développement de ce pays, d’autant plus qu’il est visiblement déséquilibré. Il y a eu beaucoup de déconvenues d’entreprises américaines, notamment dans le secteur technologique pour lequel la Chine érige une véritable stratégie de politique industrielle. C’est probablement au regard du faible poids de ce secteur sur le Vieux Continent que les entreprises européennes se plaignent moins. Et de fait, les investissements directs de l’Europe vers la Chine sont près du double de ceux de leurs consœurs américaines. Par ailleurs, le déficit commercial américain vis-à-vis de la Chine est toujours bien plus élevé que celui de l’Europe. Les faits plaident donc pour un rééquilibrage, vu de Washington mais aussi probablement de Pékin, maintenant que les autorités y sont invitées.
Enfin, la politique de Washington est devenue peu lisible. Mais, en s’appuyant sur deux citations du Président (« I like chaos » et « The worst of times often create the best opportunities to make good deals »), on peut se demander si dans ce conflit, la technique de Donald Trump ne consiste pas à dramatiser le contexte dans un premier temps (ce qui aura animé les marchés récemment) pour obtenir un meilleur accord que celui qui aurait été obtenu sans engagement d’un rapport de force.
Ainsi, l’objectif de la Maison Blanche n’est peut-être pas d’obtenir plus de protectionnisme mais moins. Il reste toutefois à s’en assurer complètement et surtout à s’assurer que cette politique à haut risque n’échoue pas dans son exécution.
Toute négociation aux enjeux majeurs étant longue et sinueuse, nous n’attendons donc pas un dégonflement rapide de la prime de risque. Mais prenons acte du fait que les marchés intègrent désormais un risque de protectionnisme et que les deniers développements laissent à penser que le pire est loin d’être certain. De bonnes surprises sont même possibles. Le risque est donc désormais plus symétrique.
Dans ce contexte, nous maintenons notre politique d’investissement, surpondérant les actions (Eurozone et Japon) au détriment des obligations. L’Eurozone et le Japon présentent les caractéristiques d’être en milieu de cycle, d’avoir un potentiel d’augmentation des marges qui doperait la croissance bénéficiaire, des banques centrales toujours très accommodantes et de conserver des valorisations relatives plutôt attractives par rapport aux Etats-Unis.
Concernant les marchés obligataires, nous restons globalement sous-pondérés, sans crainte particulière. Toutefois, le repli des taux longs européens ayant été marqué ces dernières semaines, nous nous montrons à nouveau un peu plus prudents sur la duration européenne.