Début octobre 2013, l’Agence européenne de l’Environnement a indiqué que l’Union européenne avait déjà réduit ses émissions de CO2 de 18 % en 2012 par rapport à 1990. En mai, la Commission européenne annonçait déjà une tendance baissière pour les émissions de CO2 des installations couvertes par l’EU ETS : 1 867 MtCO2 en 2012 soit une baisse de 2 % par rapport à 2011 et de 12 % depuis 2008. Au total, en excluant l’aviation et à périmètre constant [1], les émissions de CO2 de l’EU ETS ont décliné de 12,3 % de 2005 à 2012. Doit-on se réjouir de cette baisse d’émissions de CO2 ? Autrement dit, s’agit-il de réductions structurelles, encouragées par des politiques climat-énergie, ou conjoncturelles, provoquées par la seule crise économique ?
Les émissions de CO2 ont décliné dans tous les pays et dans tous les secteurs économiques de l’UE entre 2005 et 2012. A l’exception de Malte et de l’Estonie pour lesquels les émissions de CO2 sont restées stables, le Danemark (– 31,3 %), la Roumanie (– 31,2 %) et la Portugal (– 30,8 %) montent sur le podium tandis que les émissions de CO2 françaises ont reculé de 21,8 %, celles de l’Allemagne de 4,7 % et celles du Royaume-Uni de 4,4 %.
Dans tous les secteurs économiques, la tendance des émissions de CO2 est également au repli : de – 6,1 % pour la production d’électricité/cogénération jusqu’à – 46 % pour le secteur de la céramique.
Quels sont les facteurs de cette baisse ? Pour y répondre, nous avons établi un scénario alternatif [2] de référence sur la période de 2005 à 2011 – dans lequel il n’y aurait pas eu de crise économique, le déploiement des énergies renouvelables et l’amélioration de l’efficacité énergétique s’inscriraient dans la tendance des décennies précédentes, le prix du carbone serait nul et les prix du charbon et du gaz constants au niveau de 2005.
Au total, nous estimons qu’environ 1,2 GtCO2 a été évitée par les installations de l’EU ETS entre 2005 et 2011.
Les réductions cumulées sur la phase I (2005-07) sont relativement modestes, de l’ordre de 200 à 220 Mt, tandis que celles sur la phase 2 (2008-11) sont estimées entre 950 et 1 000 Mt avec une réduction exceptionnelle en 2009 de l’ordre de 300 Mt.
D’après ce scénario de référence, il apparait qu’environ 50 à 60 % de la baisse des émissions de CO2 résulteraient du déploiement des énergies renouvelables et de l’amélioration de l’intensité énergétique, qui comptent respectivement pour 40 à 50 % et 10 à 20 %. La crise économique a joué un rôle significatif mais pas prépondérant dans la baisse des émissions de CO2 des installations de l’EU ETS, rôle estimé à 300 Mt, soit entre 20 et 30 %. La substitution de combustibles entre le charbon et le gaz, sous l’impulsion du prix du CO2, semble avoir réduit environ 200 Mt soit 10 à 20 % de la baisse des émissions de CO2.
Doit-on conclure pour autant que le prix du carbone n’a servi à rien ? Non pour deux raisons.
Premièrement, au-delà des secteurs de l’EU ETS, le prix du CO2 européen a favorisé la réduction de 1 048 MtCO2, entre 2008 et 2012, via l’utilisation de crédits carbones issus des mécanismes de projets MDP et MOC.
Deuxièmement, si le prix du CO2, affaibli par la crise économique, le déploiement des énergies renouvelables et l’adjonction de la nouvelle directive efficacité énergétique, ne semble pas avoir été le principal moteur des réductions domestiques, il a toutefois permis des réductions d’émissions à un coût bien moindre que celles obtenues par le déploiement des énergies renouvelables – de 5 à 60 fois moins chères que les réductions d’émissions de CO2 issues de l’éolien ou du solaire. Si l’atteinte de l’objectif environnemental semble bien assurée, l’objectif de coût-efficacité reste encore à bien évaluer.
Mais ces premiers résultats témoignent d’un grand besoin de mieux calibrer les objectifs assignés à l’EU ETS et aux énergies renouvelables dans le prochain paquet énergie-climat de 2030.