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Les marchés résistent assez bien à la multitude de facteurs de risque…

Les marchés actions viennent de regagner de 5 à 7 % depuis leurs plus bas niveaux de mars alors que la liste des risques potentiels est particulièrement dense : ralentissement du « momentum » macroéconomique, fin des politiques monétaires ultra accommodantes, guerre commerciale, tensions géopolitiques et hausse du pétrole, questions sur les GAFA, « twin déficits » américains…

Faut-il se focaliser sur ces éléments de risque ?

à la première lecture des performances depuis le début de l’année, nous pourrions avoir le sentiment d’un grand calme : les performances des principaux indices obligataires et actions sont en effet proches de 0, ce qui paraît logique après plusieurs années de performances très intéressantes sur ces deux principales classes d’actifs. Mais, en réalité, la volatilité est bel et bien revenue et les investisseurs sont confrontés à un environnement marqué par une succession de facteurs de risque.

1 - LE RALENTISSEMENT DU « MOMENTUM » MACROÉCONOMIQUE

Les indices de surprise économique ont rebaissé très sensiblement ces dernières semaines. Cela est logique. Ils sont naturellement construits pour varier beaucoup. Par ailleurs, il est difficile pour l’économie mondiale de maintenir l’accélération constatée au dernier trimestre 2017... Et il n’y a pas de facteurs trop négatifs à ce stade.

D’ailleurs, le FMI vient de confirmer sa vue globalement positive sur l’économie mondiale, avec une prévision de 3,9 % pour cette année et l’année prochaine, avec + 2,4 % pour la zone Euro.

Il convient toutefois de remarquer que l’indice PMI manufacturier Monde se replie pour le troisième mois consécutif, à 53,4. Il reste cependant au-dessus du seuil de 50 qui suggère une poursuite de l’expansion et, en moyenne, il est proche de celui du T4 2017. Dans le fond, le dynamisme de la demande finale reste globalement bon, soutenu par la consommation en liaison avec la baisse du chômage un peu partout, et par l’investissement. En réalité, la perception d’ensemble est altérée par le contexte de guerre commerciale potentielle et, pour l’Europe, par la force de l’euro vis-à-vis du dollar.

Aux États-Unis, la croissance du premier trimestre a tourné autour de 2,0 %, contre 2,9 % au trimestre précédent. Comme souvent, les statistiques du premier trimestre sont difficiles à lire compte tenu des aléas climatiques. La consommation et le secteur immobilier ont faibli, ce qui a été compensé, partiellement, par la bonne tenue de la production manufacturière. Mais les créations d’emploi restent élevées à ce stade du cycle, avec une moyenne de près de 200 000 créations par mois sur le trimestre, ce qui donne de l’espoir.

En zone Euro, les indices PMI manufacturiers ont également beaucoup baissé et se situent à leurs niveaux de juillet dernier. Mais, en absolu, ce niveau reste largement au-dessus de sa moyenne de long terme (56,6 contre 51,8). Là aussi, il s’agit à notre sens plutôt d’une consolidation dans une tendance globalement positive. La conjonction d’une demande mondiale assez dynamique et d’un taux d’utilisation des capacités industrielles élevé devrait inciter les entreprises à investir.

En Chine, pays qui a une énorme influence sur la croissance mondiale, les derniers chiffres sont plutôt bons : le rythme de croissance se situe à 6,8 %, soit au-dessus des attentes. Ces bons résultats sont liés à un rebond très net du commerce extérieur, ce qui peut être problématique en cas de guerre commerciale avérée.

2 - GUERRE COMMERCIALE POTENTIELLE

À ce stade, nous pensons que le scénario le plus probable est qu’une guerre commerciale de grande ampleur sera évitée, personne n’y a vraiment intérêt car les conséquences seraient négatives pour tout le monde. Nous pensons que les déclarations américaines et chinoises, fermes de façade, sont le prélude à une phase de négociations qui conduira à de nouveaux accords commerciaux. Cela est légitime d’un certain point de vue car le marché chinois n’est pas vraiment le plus ouvert alors que le pays a largement bénéficié de son entrée dans l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) en 2001. D’ailleurs, le secrétaire américain au Trésor a annoncé son intention de se rendre à Pékin… Mais si les choses se passent mal, les conséquences seraient très négatives et c’est ce scénario qui pèse sur les marchés : selon des calculs du FMI, une augmentation des droits de douane américains de 10 %, associée à une surtaxe sur les exportations américaines appliquée par les partenaires commerciaux américains, entrainerait une baisse de 1,0 % du commerce international, ce qui correspond à une baisse de 0,5% du PIB mondial. Dans ces conditions, l’inflation augmenterait, ce qui se répercuterait négativement sur les comptes des entreprises. Selon diverses estimations élaborées par d’autres économistes, l’impact pourrait aller de 0,25 % de perte de PIB mondial en cas de guerre commerciale légère à plus de 2,00 % en cas de guerre « dure ». Pour l’instant, les effets d’annonce semblent plus importants que la réalité.

L’ensemble des mesures tarifaires prises par les états-Unis dépasse à peine 4 % des importations totales américaines, et sur des produits « choisis » qui impacteraient peu l’économie américaine : télévisions, voitures principalement.

Et les mesures de rétorsion chinoises sont également modérées et ne concernent que 50Mds de dollars d’exportations américaines et se concentrent essentiellement sur deux secteurs : les véhicules et certains produits agricoles.

3 - FIN DES POLITIqUES MONÉTAIRES ULTRA ACCOMMODANTES

Le temps de la « normalisation » des politiques monétaires est venu, surtout aux états-Unis qui sont en avance de cycle. Les marchés devront donc composer avec des vents qui seront moins favorables de ce point de vue. La position de la Reserve Fédérale apparaît la plus délicate : il lui faut maintenir une bonne communication avec les marchés et ne pas être « behind the curve » à l’heure où la question d’une résurgence de l’inflation se pose. Jusqu’à présent, la « nouvelle Fed » (5 nouveaux membres ont été nommés par l’administration Trump), sous l’autorité du nouveau Président Jerome Powell, a plutôt réussi : il a été clair sur sa stratégie. Les taux des Fed Funds seront relevés tant que la croissance reste forte et que le rythme de création d’emplois se maintient autour de 200 000 par mois sur un trimestre. Le rythme annoncé est de deux hausses supplémentaires de 25 pb cette année, ce qui porterait les Fed Funds dans la fourchette 2,00 %/2,25 %, et de trois hausses de même ampleur l’année prochaine. En fin de compte, le niveau des taux monétaires serait de l’ordre de 3,00 %/3,25 % mi 2020. Quand nous savons que statistiquement les récessions surviennent en moyenne 1 an après la dernière hausse des taux, cela laisse augurer quelques années de croissance supplémentaires.

Seule une inflation supérieure à ce qui est anticipé pourrait remettre en cause ce scénario et, de fait, provoquer une hausse significative des taux obligataires.

Pour l’instant, l’inflation publiée reste assez contenue avec un CPI [1] à 2,4 %. Mais certains économistes soulignent que les effets de base, conjugués à des facteurs plus structurels, pourraient exercer des pressions et que l’inflation « CPI » pourrait dépasser 3 % dès cet été, lié à un « effet de base » de 2,1 %. La Fed pourrait être tentée dans ce cas par une hausse supplémentaire, ce qui calmerait les marchés obligataires.

En zone Euro, il n’y aura pas de modification de la politique monétaire à court terme. L’Eonia restera en territoire négatif. Nous anticipons une séquence classique inspirée de celle de la Fed et des indications données par la BCE : dans un premier temps, une remontée du taux de dépôt, qui passerait de - 0,4 % à - 0,2 % au cours du premier trimestre 2019. Les taux seraient ensuite ramenés en territoire positif durant l’été, avant la passation de pouvoirs de Mario Draghi dont le mandat prend fin en novembre 2019. Entretemps, le programme de « Quantitative Easing » [2] d’achat de titres se sera terminé à la fin de l’année et la BCE s’en tiendra à des achats de renouvellement de tombées uniquement. La question de la succession du Président de la BCE se posera plus précisément d’ici un an et pourrait avoir un impact sur les marchés selon le nom de son successeur. Un Président à l’orthodoxie « allemande » provoquerait des remous probablement sur les spreads périphériques…

4 - « TWIN DEFICITS » AMÉRICAINS

Cette thématique des « twin deficits » doit sonner aux oreilles de ceux qui ont expérimenté les marchés financiers dans les années 80, et particulièrement en 1987. Théoriquement, une telle situation (aggravation des déficits commerciaux et budgétaires conjointement) doit induire une baisse du dollar et une hausse des taux d’intérêt obligataires. C’est l’analyse primaire, mais les situations économiques et financières sont tellement complexes que ce qui est pressenti ne se produit pas toujours. Les chiffres sont toutefois éloquents : après les mesures de baisse des impôts et de relance de programmes de dépenses d’infrastructures, le déficit budgétaire américain va passer de 3,5 % en 2017 à 4,0 % cette année et à 4,6 % en 2019. Et le « Congressional Budget Office » anticipe un chiffre de 5,4 % en 2022. Parallèlement, la dette rapportée au PIB devrait continuer à progresser et atteindre 100 % du PIB assez rapidement.

Il n’y a pas, historiquement, de relation claire entre le niveau des taux d’intérêt et le niveau de dettes. Les excédents commerciaux chinois et pétroliers des pays du golfe vont naturellement s’investir en dollars, et donc en dette américaine, surtout à l’heure où l’offre de dettes souveraines de la zone Euro commence à baisser : le déficit public de la zone a été ramené à 0,9 % du PIB l’an dernier, après 1,5 % en 2016. La dette a également reculé à 86,7 % du PIB en 2017 contre 89,0 % en 2016. Cette amélioration est principalement due à l’Allemagne qui est en excédent budgétaire de 1,3 % du PIB et qui a ramené sa dette à 64,1 % du PIB, ce qui est loin d’être le cas de la France (déficit de 2,7 % et dette / PIB proche de 100 % à 97 %...).

Si ce risque de forte baisse du dollar et de remontée excessive des taux américains existe, il ne semble pas dans l’actualité du marché : le dollar a plutôt tendance à se stabiliser après une année de baisse contre toutes devises.

Au premier trimestre de 2017, il a oscillé entre 1,05 et 1,07 contre la monnaie unique alors que, cette année, il s’est stabilisé sous le seuil de 1,25. Il semble qu’une majorité d’investisseurs ait pris des positions prudentes sur le dollar, et bien souvent dans des marchés où tout le monde est dans le même sens, il peut y avoir des mouvements de contre tendance, et donc une stabilisation/légère reprise du dollar.

5 - LE CAS DES GAFA [3]

Ces valeurs ont stimulé les indices actions américaines depuis 5 ans. à juste titre ? Difficile à estimer, mais nous ne sommes pas en zone d’excès de valorisation comme à la fin des années 90. Ces valeurs délivrent des bénéfices (près de 100 Mds$ en 2017, avec Microsoft). En revanche actuellement, il y a des mouvements visant à réglementer leurs activités et surtout, à leur faire payer davantage d’impôts. Dans ces conditions, il est logique qu’une phase de consolidation se produise, et elle pourrait peser sur les indices américains.

Mais de là à imaginer le déclencheur d’un « vrai » Bear Market, il y a un pas que nous ne franchissons pas.

6 - RISQUES GÉOPOLITIQUES ET HAUSSE DE PÉTROLE

Nous n’avons pas d’analyse particulière de ce point de vue. Nous pensons que le pétrole sera capé à terme par la remise en production des gisements de schiste américains, même si cela peut prendre un peu de temps car il y actuellement beaucoup de problèmes opérationnels et également de qualité du pétrole produit. Autour de 70/80 dollars, nous pensons que ces niveaux constituent un équilibre idéal pour l’économie et les marchés : pas trop chers pour entraver la croissance et assez élevés pour éviter des crises majeures dans les pays producteurs, et plus généralement, pour éviter une suspicion sur les marchés émergents. Une hausse intempestive au-dessus de ces niveaux serait négative pour l’économie mondiale et les marchés.

Jean-Marie Mercadal Mai 2018

Notes

[1] Indice des prix à la consommation

[2] Quantitative Easing : rachats massifs de titres de dettes par une Banque Centrale

[3] Google, Amazon, Facebook, Apple

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