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Les messages erronés des marchés

Sur le sujet de la crise économique et sociale, il n’y a pas de débat sur le fait de savoir si oui ou non la crise est derrière nous. Mais sur le sujet de la crise financière, l’on en finirait presque par oublier la non soutenabilité de certaines dettes publiques nationales. De quoi ne pas se laisser impressionner par les évolutions des marchés financiers de même que par les promesses des dirigeants politiques

LES MARCHÉS FINISSENT SOUVENT PAR SE TROMPER

Les acteurs des marchés financiers semblent, en effet, totalement rassurés par le discours des banques centrales qui promettent des politiques monétaires éternellement accommodantes (on moque les « minoritaires » qui pointent les dangers du laxisme monétaire)

Il suffit de regarder les marchés d’actifs risqués (au rang desquels les actions) pour constater l’euphorie ambiante : record historique sur les indices boursiers US tels le Dow Jones effaçant les précédents plus hauts d’octobre 2007. Voilà donc des marchés redevenus euphoriques malgré des fondamentaux catastrophiques. C’est qu’au passage les 85 MdsUSD de Treasuries et d’ABS (pour asset backed securities) achetés chaque mois par la FED sont de la liquidité donnée aux marchés pour investir en dépit du bon sens sur les equities entre autres .. Comment voulez-vous donc que dans un contexte aussi manipulé et finalement assez peu libéral le prix de certaines actions ait fondamentalement un sens. Eternel débat entre prix et valeur.

Mais tout ceci est d’une logique perverse et implacable. Des statistiques macroéconomiques peu encourageantes vont entraîner une hausse des actifs risqués au sens large car la dégradation perçue de la conjoncture ne fait que renforcer les anticipations de nouvelles stimulations monétaires ou, à tout le moins, éloigner la date d’un futur resserrement des conditions monétaires. Certes l’on pourra toujours s’appuyer du point de vue de l’analyse macroéconomique sur le pouvoir illimité des banques centrales de battre monnaie. Sauf qu’au passage si ce pouvoir est techniquement illimité, il ne l’est pas d’un point de vue économique, financier, politique et social. Et puis à contrario des statistiques économiques officiellement encourageantes vont déprimer les marchés puisque ceux-ci vont anticiper la fin de l’impression monétaire par les banques centrales ou à tout le moins son ralentissement.

Comment voulez-vous donc que dans un contexte aussi manipulé et finalement assez peu libéral le prix de certaines actions ait fondamentalement un sens. Eternel débat entre prix et valeur.
Mory Doré

On en finit par se demander si parmi les objectifs implicites des banques centrales ne figurent pas le niveau des indices boursiers afin de créer des effets richesse psychologiques et réels. Encore que lorsque l’on regarde, sans préjugé idéologique, la répartition particulièrement inégalitaire de la détention des actions au sein des populations, force est de constater que les impacts de ces effets richesse virtuels ou réels sur la confiance globale des agents économiques privés est finalement limitée.

Signe aussi de la pire déconnexion que nous vivons entre les indices boursiers et l’économie, l’insouciance insolente mais artificiellement entretenue des marchés caractérisée par les niveaux historiquement très bas des indices de volatilité boursiers. Le VIX (indice de volatilité des actions US autrefois surnommé l’indice de la peur) est aujourd’hui sur ses plus bas historiques. Rappelons que cet indice est le baromètre de la volatilité des marchés actions américains. D’un point de vue technique, il est calculé en faisant la moyenne des volatilités sur les principaux prix d’exercice des options d’achat (CALLS) et de vente (PUTS) sur l’indice S&P 500. Plus ce niveau de volatilité est élevé, plus les marchés sont gagnés par la peur, l’aversion au risque et un degré de pessimisme élevé sur différentes thématiques : craintes microéconomiques sur les résultats des entreprises, craintes macroéconomiques de récession mondiale, craintes de risques systémiques (défauts bancaires, défauts souverains…).Et inversement plus il est faible, plus l’appétit pour le risque est élevé et les craintes de crise systémique faibles. Croit-on vraiment que le niveau de cet indice reflète une quelconque réalité économique ou doit-on penser que ce niveau est aussi « manipulé » et aussi « déconnecté » des fondamentaux ?

Nous avons la réponse en lisant les chroniques de Philippe Béchade des publications Agora lorsqu’il compare Octobre 2007 et le premier semestre 20013 aux Etats Unis en s’inspirant de ce qu’il a pu glaner sur le forum de CNBC.

  • Prix de l’essence sans plomb : 2,75 $ en 2007 contre 3,75 $ en 2013
  • Croissance anticipée pour 2008 : 3,2% contre 1,6% en 2013
  • Américains sans emploi : 6,7 millions contre 14 millions en 2013
  • Américains survivant grâce aux bons alimentaires : 27 millions en 2007, 48 millions en 2013
  • Taille du bilan de la FED (soit la base monétaire correspondant à de la création monétaire ex-nihilo) : 890 milliards en 2007 et 3 100 milliards en 2013
  • Ratio dette/PIB : 38% en 2007, 100% en 2013
  • Déficit budgétaire annuel : 97 milliards de dollars en 2007 contre 976 milliards en 2013
  • Total des dettes “sociales” cumulées : 9 000 milliards de dollars en 2007, 16 500 milliards en 2013
  • Pourcentage de la population active disposant d’un emploi : 65,8% en 2007, 63,6% seulement en 2013 (plus faible score depuis 1980)
  • Indice de confiance des consommateurs : 99,5 en 2007, autour de 70 en 2013
  • Rendement des bons du Trésor US : 4,6% en 2007, 2.15% aujourd’hui (et un niveau de 1.75% il y a 1 mois), ce qui est plus un reflet de la faillite économique américaine que de la bonne gestion des finances publiques.
  • Panorama qui achèvera de nous convaincre de la déconnexion que nous vivons entre les indices boursiers et l’économie et donc d’un éclatement violent de bulle que nous ne pouvons naturellement pas dater (nous reviendrons naturellement sur ce risque dans de prochains papiers).

Mais s’il nous semble que les marchés envoient des messages dangereux, nous ne sommes pas pour autant rassurés par les messages des autorités monétaires et politiques comme nous allons le voir dans la seconde partie de cet article.

LES BANQUES CENTRALES ET LES GOUVERNEMENTS NE SAVENT QU’ACHETER DU TEMPS

Ceci revient à se demander si les dispositifs non conventionnels des banques centrales et les réformes institutionnelles sont crédibles et efficaces. On se concentrera sur la zone Euro et nous passerons en revue trois types d’actions et réformes

1. Les dispositifs non conventionnels de la BCE ont montré leurs limites : VLTRO, SMP, OMT

On a fait jouer à la banque centrale son double rôle

- De prêteur en dernier ressort avec les VLTRO (pour very long term operations) pour pallier l’incapacité des banques à se refinancer normalement sur le marché interbancaire. Le malheur c’est que cette liquidité d’environs 1000 Mds€ octroyée par la BCE aux banques en décembre 2011 et février 2012 n’aura économiquement servi à rien puisqu’elle fut majoritairement stockée de manière improductive à la BCE

- D’acheteur en dernier ressort de dettes publiques pour pallier l’incapacité de certains états à refinancer normalement leurs dettes sur les marchés. C’est ainsi que nous avons connu depuis 2010 les SMP pour Securities Market Program et plus près de nous les OMT pour Outright monetary transactions – ces dernières actées en septembre 2012 n’auront finalement pas eu besoin d’être activées grâce à l’arrêt de la spéculation sur les dettes périphériques de la zone Euro. Mais chacun sait que ces différents programmes et « solutions » ne permettent que d’acheter du temps en espérant que les problèmes de solvabilité des états secourus seront miraculeusement résolus par un retour de croissance dans un futur indéterminé

Car, après tout, la dette des pays périphériques n’est finalement financée directement que par la Banque centrale européenne ou indirectement par les banques (achats de titres d’état mis automatiquement en pension à la BCE pour récupérer de la liquidité servant à financer justement ces titres d’état – sorte d’autofinancement qui trouvera un jour ses limites puisque vous faites apparaître une capacité de financement exclusivement dépendante de l’existence du marché du repo).

Les achats de dette publique par la BCE consistent donc en un transfert de la propriété de la dette, des détenteurs privés vers la BCE. Mais la dette publique n’est pas réduite. Pour qu’elle soit réduite, il faudrait qu’elle soit détruite et remplacée purement et simplement par de la monnaie – on y viendra sans doute prochainement.

2. Et même si l’on demandait au MES (le futur mécanisme européen de stabilité) d’utiliser toutes ses ressources, cela ne suffirait pas pour venir au secours de certaines dettes publiques en cas de retour de risques systémiques.

A la différence du Fonds européen de stabilité financière qui fonctionne avec la garantie des Etats pour emprunter des fonds et les prêter, le MES disposera d’un vrai capital de départ de 80 milliards d’euros et d’un capital mobilisable de 620 milliards d’euros, ce qui en fera un organisme proche d’une banque. Cela veut dire que ce nouveau mécanisme pourra recapitaliser les banques directement et que celles-ci n’auront plus besoin du secours des États.

Il est prévu que le FESF continuera d’exister jusqu’en juillet 2013 aux côtés du MES, portant la capacité totale des deux mécanismes à quasiment 700 Mds€ (500 Mds€ pour le MES auxquels doivent s’ajouter les prêts déjà accordés par le FESF, soit 192 mds EUR à ce jour). Les pays de la zone euro participeront à hauteur de 80 Mds€ sous forme de liquidités, payées en tranches de 16 Mds€ chacune (actuellement 2 tranches libérées, soit 32 Mds€). Les 620 Mds€ restants seront constitués de capital appelable auprès des Etats en cas de besoin. Ce qui reste quand même à ce jour plutôt très flou.

Point très important, il faut savoir que le capital appelé ne devra pas être utilisé pour prêter ou acheter de la dette publique, mais devra servir à absorber les pertes liées à des restructurations de dettes souveraines

Le MES pourra également recapitaliser les banques. Mais cette recapitalisation directe (sans passer par les budgets des Etats) ne sera effective que lorsque sera mise en place une supervision bancaire unique à l’échelle européenne (cible courant 2014).

Il existe, par ailleurs, un ratio de 15% minimum qui devra être respecté entre le capital et les aides fournies pendant la période de versement des tranches. Puisque le capital libéré est aujourd’hui de 32 Mds€, le MES peut intervenir actuellement jusqu’à 32/0.15, soit un peu plus de 210 Mds€. Soit au total une capacité de 80/0.15, donc une capacité de 533 Mds€ « seulement » Sans même parler des besoins de recapitalisation des banques, rappelons les montants de stock des dettes publiques des grands pays de la zone Euro

  • Italie : 2014 Mds€ en décembre 2012
  • Espagne : 890 Mds€ en décembre 2012
  • France : 1810 Mds€ en décembre 2012

3. Avancées institutionnelles l’Union bancaire, le projet de loi bancaire,…

Vous comprenez que plus le total de bilan des banques en % du PIB est important, plus le risque d’un pays est important. C’est la raison pour laquelle on est en train de nous concocter une nouvelle trouvaille en matière de mutualisation : l’union bancaire qui permettrait de faire en sorte qu’un pays ne soit plus isolé pour venir en aide à ses banques en déficit de fonds propres et/ou de liquidité.

Là encore, l’idée est d’atténuer la consanguinité entre le risque souverain et le risque bancaire soit. Moins vos banques posséderont en portefeuille des titres d’état, plus elles seront immunisées contre des restructurations de dettes souveraines. Et vice versa. Moins les États auront besoin de sauver les banques, moins leur risque d’insolvabilité sera grand et plus l’épargne investie en titres d’État sera protégée.

En tout cas le « programme » officiel est le suivant :

- en 2014, mise en place du mécanisme de supervision unique qui est le préalable à la recapitalisation directe des banques par le MES

- cette supervision bancaire doit être accompagnée par un mécanisme de résolution des crises bancaires qui mettra à contribution les actionnaires et les créanciers obligataires. Oui l’on va vous protéger en tant que client de la banque et en tant que contribuable. Mais alors cela veut dire qu’il faut éviter d’être actionnaire de la banque ou détenteur de dette obligataire bancaire quelle qu’elle soit (dette obligataire subordonnée, dette obligataire sécurisée ou dette obligataire senior)

On voit, en tout cas, que sans croissance et réelles réformes de structure dans certains pays de la zone Euro, réduire la dette par la monétisation, les réformes institutionnelles, fussent-elles de réelles avancées, n’est pas véritablement possible

Mory Doré Juin 2013

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