Depuis l’été dernier, la machine s’est déréglée. Les marchés financiers broient du noir, tout étant sujet à interprétation négative. Pourquoi en est-on arrivé là ? Doit-on revoir en profondeur les perspectives économiques et financières ?
1. Pourquoi la baisse du prix du pétrole fait-elle peur ?
Elle affaiblit les pays producteurs de brut, les rend vulnérables, voire les met en situation de difficultés extrêmes. Elle fait craindre des défauts / faillites dans des entreprises du secteur de l’énergie (cf. High Yield aux US), avec les implications que l’on imagine pour les banques. Elle a également un impact sur les réserves de certains fonds souverains (fonds pétrole et fonds souverains en général) qui peuvent être amenés à solder des portefeuilles pour « remonter » des liquidités aux États. Il faut rappeler que dans le cas du pétrole, deux tiers de la baisse sont liés à des phénomènes d’offre. Or, il est difficile de prévoir des décisions de réduction de la production de pétrole. La prochaine réunion officielle de l’OPEC n’aura lieu qu’en juin, dans la crainte de voir le prix du pétrole poursuivre sa chute libre d’ici là, avec les conséquences pour les États producteurs, les entreprises du secteur et les banques.
2. Pourquoi les banques centrales ne parviennent-elles pas à rassurer les marchés financiers ?
Les banques centrales semblent avoir perdu la main, et elles n’ont plus la même crédibilité qu’avant. La BoJ a adopté un taux négatif pour les nouveaux dépôts que feraient les banques auprès de la banque centrale, reconnaissant de façon implicite le manque d’efficacité de la politique monétaire non conventionnelle. La BCE a avoué qu’elle allait reconsidérer sa politique monétaire, compte tenu des faits « nouveaux » que sont les prix de l’énergie et le retour de la volatilité.
Quant à la Fed, en l’absence d’inflation et face au repli de la croissance (le PIB n’aura progressé que de 0,7 % au dernier trimestre 2015), il paraît bien compliqué de poursuivre activement un quelconque cycle de resserrement monétaire.
3. Pourquoi la Chine continue-t-elle d’inquiéter les marchés financiers ?
La Chine représente sans conteste le risque le plus systémique, et les évènements de ces derniers mois (baisse du yuan, fermeture temporaire des marchés actions en août et en janvier) ont alimenté les craintes. Celles-ci nous semblent excessives : le ralentissement économique de la Chine n’est pas un fait nouveau, et ce pays ne procèdera pas à une dévaluation du yuan.
D’ailleurs, depuis l’été, la Chine gère avec un réel succès la stabilité du cours de change. Il n’y aura pas non plus de « hard landing » / « crash landing » à horizon proche.
4. Doit-on craindre une récession aux États-Unis ?
Nous avons, à de nombreuses reprises, mentionné que le consensus de marché était trop optimiste, et nous sommes en phase de révision globale de ces prévisions. En ce qui concerne les États-Unis, il faut rappeler d’une part la bonne tenue de la consommation (qui représente plus de 70 % du PIB), et d’autre part le grand écart entre le secteur des services (solide) et le secteur manufacturier (plus fragile). Tout cela, selon nous, plaide pour une croissance de l’ordre de 2 % et non pour une croissance négative.
Il n’est pas question à ce jour de récession aux États-Unis, mais ce qui inquiète, c’est l’absence de marges de manœuvre de la part de la Fed, incapable jusqu’ici de relever ses taux.
5. Doit-on revoir les prévisions sur le dollar ?
Il y a deux façons complémentaires d’expliquer l’appréciation de l’euro :
- L’élément nouveau : la révision en baisse des prévisions de croissance américaine et la révision en baisse des anticipations de resserrement monétaire, toutes deux désormais plus en adéquation avec nos propres révisions.
- La politique de change : il y a une vraie politique de change, explicite, au Japon, en Chine et aux États-Unis, ce qui n’est pas le cas de la zone euro. Comme cela est le cas depuis l’introduction de la monnaie unique, l’euro s’ajuste et demeure la « devise de respiration » du système.
Au total, nous conservons notre bande de fluctuation 1,05-1,15, avec un objectif de 1,05 contre USD à 6 mois.
Conclusion
Nous restons en réalité dans un monde marqué par :
- Un ralentissement de l’économie mondiale lié aux pays émergents, un découplage net entre les zones, et l’absence de blocs homogènes : bloc Europe, bloc émergents, bloc dollar ne sont ni les uns, ni les autres une réalité économique palpable… Autrement dit, des oppor tunités d’investissement liées au découplage entre pays avancés et pays émergents, entre pays (ceux à forte demande intérieure et les autres), et entre pays émergents eux-mêmes (ceux qui produisent des matières premières et ceux qui sont plutôt consommateurs).
- Des anticipations de croissance encore trop optimistes et des craintes sans doute excessives à moyen terme (elles ne justifient pas une capitulation complète), mais bien présentes à court terme : la peur d’une récession aux États-Unis, les risques que fait peser le contre-choc pétrolier (sur des pays, sur des entreprises et sur des banques), des doutes sur la capacité de la Chine à maîtriser la situation, et enfin l’incapacité des banques centrales à rassurer… Autrement dit, des craintes qui justifient amplement les stratégies de macro-hedging développées chez Amundi depuis 6 mois (long US Treasuries et long Bunds, long volatilité, long USD et JPY, long cash USD, long or).