Les banques centrales des marchés développés suivront-elles leurs homologues des marchés émergents dans la lutte contre les pressions inflationnistes ?
Les interventions des banques centrales ne cessent de dominer l’actualité des marchés financiers et, la semaine dernière, ce fut au tour de la Banque centrale européenne (BCE) de durcir le ton, le conseil des gouverneurs s’étant « unanimement préoccupé » de la montée de l’inflation.
Les observateurs de la politique de la BCE estiment désormais que la fin du programme d’achat d’actifs interviendra en juin et que les taux seront relevés au quatrième trimestre. La Banque d’Angleterre (BOE) n’a pas été en reste en relevant ses taux de 25 pb, 4 des 9 membres du comité ayant même voté en faveur d’une hausse de 50 pb.
En toute logique, les actifs européens ont sous-performé leurs homologues américains, à l’exception de l’euro qui s’est apprécié de 2,8 % par rapport au dollar américain. Par conséquent, les actifs des marchés émergents sont les plus performants depuis le début de l’année.
S’agissant des marchés émergents, le comité de politique monétaire de la banque centrale brésilienne (Copom) a relevé les taux d’intérêt de 150 pb, pour les porter à 10 %, et a annoncé une réduction du rythme des hausses, le consensus des prévisionnistes fixant le taux final à 12 %, lequel devrait être atteint d’ici la fin juin 2022. Dans le même temps, Vladimir Poutine a tenté d’apaiser les tensions politiques avant de s’envoler pour les Jeux olympiques d’hiver. Les CDS russes ont clôturé la semaine sur un resserrement de 30 pb.
Cette semaine, nous avons dépoussiéré notre modèle d’inflation préféré pour les pays émergents (cf. graphique). J’avoue n’avoir jamais envisagé de l’utiliser pour les banques centrales du G10, mais il me semble très efficace pour prédire la direction et la vitesse des cycles de politique monétaire des banques centrales des pays émergents. Le scénario préféré des banques centrales est celui dans lequel l’inflation se situe dans sa fourchette cible. Dans ce régime, elles ne peuvent rien faire, puisque la « confiance » dans le contrôle de l’économie est évidente. C’est notamment le cas d’Israël. Cela peut également expliquer pourquoi le cycle de resserrement en Afrique du Sud a été si peu prononcé.
Historiquement, un mauvais scénario pour les banques centrales des pays émergents est celui d’une inflation supérieure à sa fourchette cible, associée à un indice des prix à la consommation (IPC) le plus récent (carré rouge) supérieur à sa moyenne sur trois mois (carré rouge à fond blanc), elle aussi supérieure à la moyenne mobile sur six mois (carré vert à fond blanc).
Cette tendance est clairement visible pour la zone euro et le Royaume-Uni. Elle remet également en question la crédibilité des banques centrales en matière de contrôle de l’inflation et de lancement d’un cycle de hausse. Si l’on s’intéresse aux données de l’IPC brésilien, le dernier chiffre est inférieur aux moyennes sur 3 et 6 mois qui sont fondamentalement les mêmes.
Cette tendance montre que le resserrement monétaire a effectivement permis de maîtriser l’inflation et explique pourquoi le Copom a annoncé un ralentissement de son cycle de resserrement.8 Ce dernier est compétent en matière de lutte contre l’inflation, un problème auquel il est confronté depuis des décennies.
La question est de savoir si les banques centrales des marchés développés vont suivre l’approche à court terme et très agressive du Brésil. Alors que le taux Selic était de 2 % en mars 2021, le consensus table désormais sur un pic de 10 % plus élevé 15 mois après. 9 Le coût est néanmoins considérable. La croissance économique devrait ralentir, le consensus de Bloomberg prévoyant une croissance de 0,7 % pour le Brésil en 2022, bien en-deçà du potentiel économique de 3 %. 10 Seul le temps nous le dira.