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Nomenclatures boursières : les lignes ont (encore) bougé

Alors que le confinement prive certaines valeurs défensives de leur visibilité, le contexte actuel a rendu incontournable certaines valeurs réputées cycliques. Pour les investisseurs, tout l’enjeu réside dans l’identification des entreprises en mesure de créer de la valeur quelle que soit la configuration de marché… et l’organisation de l’économie.

On savait déjà les nomenclatures boursières inadaptées à la lecture de la cote. Entre la dérégulation, l’hyperconcurrence, l’essor des modèles « low cost » ou la généralisation de la gratuité via internet, l’omniprésence des pressions déflationnistes dans l’ensemble des compartiments de l’économie disqualifie toute tentative de classer les comportements boursiers par le haut, selon une prétendue dépendance aux cycles. Ce qu’on apprend depuis quelques semaines, c’est qu’en plus d’être obsolètes, ces nomenclatures usuelles sont aussi tributaires d’une organisation du monde dont on sait désormais qu’elle peut être remise en cause du jour au lendemain.

Prenons les valeurs dites défensives. Les modèles économiques reposant souvent sur un ancrage physique et local (qu’il s’agisse d’un lieu de vente, d’échange, mais aussi de production ou de logistique), le confinement a privé un grand nombre de ces valeurs de ce qui faisant tout leur intérêt boursier : leur visibilité. D’où une perte de leur statut défensif et des niveaux de volatilité boursière qui étaient jusqu’alors réservés aux valeurs les plus cycliques de la cote. Un bon exemple de cette perte de statut est EssilorLuxottica. Alors qu’il avait jusqu’ici habitué les investisseurs à une grande lisibilité dans ses prévisions, le groupe franco-italien ne se hasarde même plus à livrer ses perspectives pour 2020. A l’inverse, certaines valeurs autrefois cycliques (et qui le redeviendront sitôt le confinement terminé) sont subitement devenues défensives, en vertu de leur capacité désormais éprouvée à répondre aux besoins de première nécessité dans un contexte de confinement. Et cette nouvelle réalité pourrait bien perdurer tant que la population n’aura pas retrouvé des conditions de mobilité normale.

Comment faire, donc, pour orienter ses décisions d’investissement dans ce contexte de marché inhabituel, mais qui augure bien du monde de chocs dans lequel nous nous orientons ? Tout l’enjeu est d’identifier les valeurs en mesure à créer de la valeur actionnariale dans chacun de ces deux mondes. Autrement dit, à distinguer celles qui parviennent à se doter d’un pricing power (c’est-à-dire d’une capacité à imposer leurs prix de vente sur leur marché), mais aussi à ancrer celui-ci dans toutes les configurations de marché et d’organisation de l’économie possibles. Les exemples existent. Prenons Edenred. De simple prestataire de chèques restaurant, celui-ci s’est transformé au fil des ans en une fintech géante, championne mondiale des services et des paiements fléchés et digitalisés. Mieux, l’agilité dont elle a fait preuve dans l’adaptabilité de son modèle et sa capacité à bâtir des écosystèmes privatifs de paiement lui permettent de devenir aujourd’hui un interlocuteur privilégié des états pour penser la relance de l’économie par une consommation ciblée. Autre cas emblématique, Dassault Systems s’apprête aujourd’hui à appliquer à la recherche médicale les recettes qu’il a mis en œuvre avec succès pour optimiser les process de R&D dans l’industrie.

Plus que jamais, seule une analyse de la capacité des entreprises à se saisir individuellement des grandes mutations à l’œuvre dans le monde (digitalisation, nouvelles mobilités, émergence des consom’acteurs...) est en mesure de jauger de leur capacité à créer de la valeur dans la durée. La période actuelle ne fait au fond qu’entériner un enseignement qu’on connaissait déjà : il n’a jamais été aussi hasardeux de se fier aux nomenclatures habituelles pour construire un portefeuille d’actions sur le long terme.

Gérard Moulin Mai 2020

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