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Quelles stratégies privilégier dans un environnement de risque extrême ?

Une stratégie convexe semble mieux correspondre aux structures de préférence à long terme des investisseurs, potentiellement prêts à renoncer à une partie de leurs gains pour éviter des pertes importantes qui seraient difficilement tenables d’un point de vue émotionnel…

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Un article récent de B. Bruder & Nicolas Gaussel, intitulé « Risk-return analysis of Dynamic Investment Strategies » établit une distinction assez classique, mais néanmoins intéressante, entre les différentes stratégies d’investissement. Schématiquement, on peut diviser les investisseurs en 2 grands groupes :
- ceux qui achètent quand les prix baissent (stratégies dites Contrarian / Value)
- ceux qui achètent quand les prix montent (stratégies dites Trend- Following / Momentum).

L’article stipule que le profil de chaque stratégie peut-être décomposé en deux éléments : une composante « profil optionnel » +/- et une composante « trading impact » (cf. tableau ci-dessous).

Stratégie Philosophie Profil optionnel Trading Impact Hit ratio
Achète / Renforce quand les prix baissent Contrarian / Value Concave Positif >=50%
Achète / Renforce quand les prix montent Trend-Following / Momentum Convexe Négatif <=50%

On le voit, une stratégie contrarian / value / concave a un profil s’apparentant à une vente d’option : le gérant va gagner un peu plus la plupart du temps (il encaisse de la prime), la contrepartie étant que les pertes, moins fréquentes sont souvent de beaucoup plus grande ampleur.

Cette stratégie est donc à priori assez vulnérable aux événements extrêmes de marchés.

Dans l’absolu, aucune des 2 stratégies n’est meilleure que l’autre. Il s’agit simplement d’un arbitrage entre fréquence et ampleur relative des gains et des pertes.

De même, une stratégie trendfollowing / momentum / convexe a un profil de risque s’apparentant à un achat d’option : on va gagner un peu moins la plupart du temps (puisque synthétiquement on paie de la prime, par le biais notamment des « portes de saloon »). En revanche, une fois de temps en temps il est possible d’avoir des surperformances très fortes. Cette stratégie est donc a priori moins vulnérable aux événements extrêmes de marchés.

Une perspective comportementale

Dans l’absolu, aucune des 2 stratégies n’est meilleure que l’autre (chacune ayant ses propres risques - le risque de perdre beaucoup une fois de temps en temps pour l’une, le risque de gagner un peu moins la plupart du temps pour l’autre – deux risques pour lesquels l’investisseur sera en moyenne rémunéré), il s’agit simplement d’un arbitrage entre fréquence et ampleur relative des gains et des pertes. La question pour l’investisseur - et pour la société de gestion qui commercialise un produit financier - est de savoir laquelle des deux stratégies correspond le plus à ses structures de préférences, à ses aspirations, à sa fonction d’utilité.

Une perspective comportementale est ici intéressante. Une des trouvailles de Kahneman & Tversky, les initiateurs de la théorie financière comportementale dans les années 1970, est que les investisseurs ont en général une aversion asymétrique aux pertes. En d’autres termes, la douleur ressentie lors d’une perte est supérieure à la joie ressentie lors d’un gain de même ampleur, comme illustré par la fonction d’utilité ci-dessous.

Une stratégie convexe semble donc mieux correspondre aux structures de préférence à long terme des investisseurs, potentiellement prêts à renoncer à une partie de leurs gains pour éviter des pertes importantes qui seraient difficilement tenables d’un point de vue émotionnel. Tout simplement, une stratégie convexe permet à l’investisseur de mieux dormir la nuit, ce qui est loin d’être négligeable dans un environnement chahuté ! Par ailleurs, dans une optique patrimoniale de long terme, la question de l’ampleur de la perte potentielle est plus importante que la fréquence de celle-ci, puisqu’une seule forte perte peut annihiler des années de petits gains.

En revanche, pour une société de gestion, proposer une stratégie d’investissement convexe n’est pas nécessairement l’option la plus évidente. Les structures d’incitation de notre industrie sont en effet trop souvent polarisées sur la performance à court terme : culte de la performance « year-to-date », bonus de fin d’année, etc. Pour une société de gestion, il est plus facile de « collecter » quand la performance de l’année est supérieure, ce qui est plus fréquemment le cas pour une stratégie dite concave (comme l’illustre le tableau page précédente, la fréquence de surperformance, le « hit ratio » est plus élevé). De même, dans un environnement dominé par le « career risk », il est plus facile pour un gérant d’adopter une stratégie concave : il obtiendra un bonus la majorité du temps, et les années (moins fréquentes) où il sous-performera ses pairs, tant pis : son bonus ne pourra pas descendre en dessous de zéro, même si la perte engendrée est énorme…

Une stratégie convexe semble donc mieux correspondre aux structures de préférence à long terme des investisseurs.

A l’opposé, comme l’illustre Nassim Taleb dans son ouvrage « le hasard sauvage » avec les personnages de Nero et Louie (les traders convexes) qui doivent faire face aux succès (temporaires) de Carlos et John (les traders concaves) ; le gérant convexe, qui sous-performe de façon fréquente devra la plupart du temps se contenter des railleries de ses collègues concaves.

Une fois de temps en temps, un événement extrême viendra lui donner raison, mais il n’est pas certain qu’à ce moment, sa société de gestion ait encore suffisamment d’argent pour lui payer un bonus ! Tant pour la société de gestion que pour les gérants, trop souvent, la question de la fréquence est plus importante que celle de l’ampleur.

On le voit, les différences d’alignement entre les préférences à long terme des investisseurs et les intérêts à court terme de l’industrie de la gestion d’actifs ne facilitent pas l’adéquation entre offre et demande de services financiers. A long terme, cependant la société capable de proposer la meilleure adéquation aux besoins de son client devrait être gagnante.

Un environnement de risques extrêmes

Si la structure des préférences des uns et des autres est un élément important dans le choix d’une stratégie d’investissement, l’environnement actuel l’est tout autant. Et de ce point de vue, notre conviction est que nous sommes entrés depuis 2007 dans un environnement où le risque d’événement extrême a rarement été aussi important : la crise de liquidité induite par la faillite de Lehman Brothers en 2008 en a été l’exemple le plus parlant. Les problèmes actuels sur la dette des pays dits « développés », les interventions croissantes des gouvernements dans l’économie (avec les risques d’erreurs de politique induits) sont susceptibles de créer des perturbations de même ampleur, avec les conséquences que l’ont peut imaginer sur les marchés financiers.

Tant pour la société de gestion que pour les gérants, trop souvent, la question de la fréquence est plus importante que celle de l’ampleur.

Nous ne savons pas si les stratégies convexes surperformeront ou non les stratégies concaves au cours des prochaines années. Depuis le début de l’année 2011, aucune des deux stratégies n’a été vraiment satisfaisante : les stratégies contrariantes ont plutôt bien performé en début d’année (ce qui leur a permis de collecter…) avant d’accuser une forte volatilité et des drawdowns importants. Les stratégies suiveuses de tendance ont en revanche souffert en début d’année de ne pas être investies en zone euro, ont été pénalisées par le fort mouvement de rotation sectorielle, ainsi que par le faux-départ du dollar au cours du mois de janvier, mais le fait de couper progressivement leurs pertes leur permet actuellement de limiter la casse (comme nous pouvons le voir avec nos fonds CCR Flex) et d’être plutôt bien positionnés si le mouvement baissier que connaissent actuellement les marchés venait à se prolonger.

Toutefois, dans un environnement de risque extrême, le risque d’acheter trop tôt dans le cadre d’une stratégie concave devient plus important et la moindre erreur d’appréciation peut s’avérer très coûteuse. A l’opposé, si le pire devait se matérialiser, une stratégie convexe devrait bien se comporter.

Ainsi, tant en termes de couple risque rendement qu’en termes de coût psychologique pour les investisseurs, les fonds CCR Flex présentent une solution d’investissement plus que jamais attractive.

Emmanuel Regnier Septembre 2011

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