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Qui craint le grand méchant ours ?

Les marchés financiers sont nerveux, pour dire le moins, les signes de ralentissement se multiplient dans beaucoup de pays. Faut-il s’en inquiéter ? Philippe Weber, Responsable Etudes et Stratégie chez CPR Asset Management livre son analyse...

Les marchés financiers sont nerveux, pour dire le moins, les signes de ralentissement se multiplient dans beaucoup de pays. Faut-il s’en inquiéter ?

C’est en tout cas désagréable. Les investisseurs, comme les agents de l’économie « réelle », préfèrent évidemment des marchés stables ou en hausse et une économie bien orientée. Force est de constater que, même si, heureusement, tous les signes ne vont pas dans le même sens, la bourse a baissé, que les changes sont volatils, que plusieurs des grandes enquêtes de conjoncture et quelques chiffres d’activité effective sont en recul. Il faut se rappeler que la reprise s’est amorcée en juin 2010 aux Etats-Unis, il n’est pas anormal que l’activité fluctue.

Comment l’analysez-vous ?

Le ralentissement perçu en Chine joue très certainement un rôle. La deuxième économie du monde est un gros importateur de matières premières, de machines et de biens de consommation (de l’automobile aux produits de luxe). Si la demande intérieure fléchit, c’est autant de commandes en moins, pour les pays développés comme pour les producteurs de matières premières. Quoi qu’il en soit, la moindre demande chinoise joue sur les anticipations de profits des sociétés présentes dans ce pays, et cela fait baisser la bourse, d’autant que la bourse chinoise baisse elle-même : c’est que, jusqu’à l’été 2015, il s’était développé une véritable bulle en Chine. Mais les actions ne sont qu’une faible part de la richesse des ménages, et peu en détiennent : il ne faut donc pas craindre un « effet richesse » massif. Tout cela a été aggravé par les incertitudes sur la politique économique et spécialement monétaire, souvent peu lisible.

Tout vient donc de la Chine ?

Non ; le changement de la politique monétaire américaine – arrêt des achats de titres, puis amorce du relèvement de taux – joue nécessairement un rôle. La Réserve fédérale le sait, en tient compte, mais je ne pense pas qu’elle se détournera pour autant de ses objectifs légaux ; pour paraphraser le général de Gaulle, la politique monétaire ne se fait pas à la corbeille ! Ce tournant ajoute sans doute à la baisse de la bourse américaine. Mais là aussi elle suit une forte hausse, entretenue par la baisse des taux et la surabondance des liquidités. On revient, non sans douleur, à des valorisations sans doute plus raisonnables. Aux Etats-Unis l’effet richesse joue beaucoup, mais on est sans doute loin d’une panique chez les ménages, dont les indices de confiance sont d’ailleurs robustes – ils sont tout aussi sensibles à la baisse du prix de l’essence et aux vigoureuses créations d’emplois ! Comme le rappelle plaisamment la phrase de Samuelson mise en épigraphe, une baisse de la bourse n’annonce pas forcément une récession.

Donc pas de récession à venir ?

Ce serait présomptueux que de l’affirmer trop péremptoirement ; toutefois, la situation générale semble assez saine. Les ménages sont moins endettés qu’il y a 10 ans, il n’y a eu ni surstockage ni surinvestissement – encore moins en Europe continental qu’aux Etats-Unis. Bien sûr, si le stress financier s’accentue, si la situation géopolitique se détériore encore, si… Mais une récession n’est nullement, à mon sens, l’hypothèse la plus probable.

Et le pétrole ?

La crise la plus grave de l’après-guerre est celle de 2007- 2010, liée à un risque d’effondrement financier. Mais sinon ce sont celles consécutives aux deux chocs pétroliers qui ont le plus marqué. Le triplement du prix du pétrole qui les a déclenchées s’analyse en effet comme un transfert net de revenu des pays consommateurs (à l’époque les pays développés) vers les pays producteurs (à l’époque largement l’OPEP). Aujourd’hui, la baisse du pétrole réduit ce prélèvement ; c’est une excellente nouvelle, c’est un pouvoir d’achat supplémentaire pour tout le monde, sauf les producteurs (c’est même dramatique pour des pays comme l’Algérie ou le Vénézuéla). On nous dit que ces pays vont moins acheter de biens venant des pays développés. Certes, mais ce sont les consommateurs, les entreprises et les Etats des pays développés qui vont prendre le relais, ou bien se désendetter. Pour l’instant on voit surtout les effets de premier rang : transferts financiers, baisse de rentabilité des entreprises du secteur pétrolier, pertes d’emplois dans ce secteur, y compris aux Etats-Unis. Mais les gains de pouvoir d’achat sont là, et sont une excellente nouvelle.

Philippe Weber Février 2016

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