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Réunion de la BCE : pourquoi c’est crucial ?

Rarement une réunion de la Banque centrale européenne (BCE) aura suscité autant d’intérêt, de craintes, d’excitation ou encore de doute. Cette réunion marquera aussi l’avant-dernière réunion sous la présidence de Mario Draghi avant l’arrivée en octobre de Christine Lagarde. Quelles sont les conséquences et comment se positionner ?

Quels sont les risques ? Que peut faire la BCE ?

Rarement une réunion de la Banque centrale européenne (BCE) aura suscité autant d’intérêt, de craintes, d’excitation ou encore de doute. Cette réunion marquera aussi l’avant-dernière réunion sous la présidence de Mario Draghi avant l’arrivée en octobre de Christine Lagarde. Quelles sont les conséquences et comment se positionner ?

Retour sur les faits

La BCE se réunira ce jeudi 12 septembre à Frankfurt et sera présidée par Mario Draghi qui terminera officiellement son mandat le 31 octobre. Après avoir passé 8 ans à la tête de l’institution européenne, l’italien laissera sa place à Christine Lagarde et aux interrogations.

Tiraillé par les tensions commerciales, le ralentissement économique mondial, la mollesse de l’inflation, les risques de Brexit, les tensions politiques, le vieillissement du « tissu productif » en Allemagne ou encore les dissensions au sein des membres de l’institution européenne, la BCE se doit de réagir. La question est bien évidemment de savoir comment et de quelle amplitude ?

Quels sont les risques ?

Les membres de la BCE se trouvent face à une situation peu commune : l’accumulation de risque dans l’Union européenne (UE). Selon un sondage publié par l’agence Bloomberg, les risques les plus prononcés sont dans l’ordre décroissant  : les tensions commerciales, un hard Brexit, une récession allemande, une récession en zone euro et enfin une crise politique en Italie.

Que peut faire la BCE ?

Les attentes du consensus pour la réunion de jeudi sont élevées et vont dans le sens d’une action forte de la BCE.

  • Au niveau des taux, il y a deux scénarios qui s’affrontent. Tout d’abord une baisse des taux de dépôt de la BCE de 10 points de base (bps) lors de la réunion de septembre et ensuite une baisse supplémentaire de 10 bps lors de la réunion de décembre. Ensuite, certains économistes parient sur une baisse de 20 bps lors de la réunion de jeudi. Le consensus parie sur une moyenne de 15 points de base de base.
  • Au niveau des achats de dettes publiques et privées, il y a trois scénarios qui s’affrontent. Tout d’abord un statu quo et un potentiel report d’un programme d’achat d’actifs à décembre. Ensuite, certains économistes parient sur l’annonce d’un achat mensuel de 30 milliards d’actifs sur 1 an à partir d’octobre. Enfin, d’autres estiment que la BCE devrait annoncer des achats mensuels jusqu’à 50 milliards d’actifs sur 1 an à partir d’octobre.

Rappelons cependant qu’à l’heure actuelle, la BCE détient près d’un tiers de la dette publique de pays comme l’Allemagne et le Portugal, un seuil qu’elle a promis de ne pas franchir afin de ne pas détenir une minorité de blocage dans l’hypothèse d’une restructuration de dette. La BCE pourrait cependant y renoncer.

  • Au niveau des outils de la BCE, il y a plusieurs scénarios qui s’affrontent. Tout d’abord que rien ne sera modifié. Ensuite, Mario Draghi envisagerait une refonte de sa politique monétaire en donnant plus de flexibilité à son objectif d’inflation ce qui montrerait la volonté de la BCE de sortir du cadre. Le président serait favorable à une approche « symétrique », offrant plus de flexibilité.

Cela permettrait à la BCE de tolérer une inflation élevée après une période de faiblesse afin d’assurer la croissance des prix. La BCE pourrait aussi annoncer un big bang en changeant jeudi son objectif d’inflation (inférieur à, mais proche de 2%). Enfin, l’institution européenne pourrait renforcer son outil de forward guidance.

  • Les banques paient actuellement quelques 7 milliards d’euros par an à la BCE sur les liquidités déposées auprès d’elle au-delà des niveaux minimaux requis. Selon les calculs de Reuters ce montant atteindrait 8,8 milliards d’euros si le taux de dépôt était abaissé à -0,5%. La banque centrale pourrait cependant annoncer un nouveau mécanisme (une modulation du taux de dépôt qui se traduirait par une exemption partielle du taux de dépôt) qui pourrait faire économiser jusqu’à 6,6 milliards d’euros aux institutions financières (notamment allemandes et françaises). Les expériences de mécanismes similaires ont été mis en place au Japon et en Suisse notamment.

Une dissension qui peut peser

Ce n’est un secret pour personne qu’il y a actuellement des divergences internes au sein des membres de la BCE et une division nette entre les Etats. Trouver un consensus lors de la prochaine réunion semble quasi impossible. L’instance du conseil des gouverneurs forte de 25 membres apparait de plus en plus divisée sur l’attitude à tenir face à une économie au ralenti en zone euro.

On sait par exemple que l’Allemagne, la France, la Hollande, l’Autriche ou encore l’Estonie s’oppose à une relance d’un nouvel assouplissement quantitatif. L’Espagne et la Finlande cependant voudraient que les rachats d’actifs soient annoncés sans plus attendre. Enfin, plusieurs pays, dont l’Italie et la Portugal ne savent pas réellement sur quel pied danser.

Pourquoi cela fonctionnerait-il cette fois ?

La grande question, au-delà de savoir ce que va faire la BCE jeudi, est aussi de savoir si finalement cela donnera une impulsion positive à l’inflation qui est, rappelons-le encore une fois, le seul mandat de l’institution sis à Frankfurt (la stabilité des prix).

Ce que l’on peut dire aujourd’hui c’est que depuis la crise financière la croissance européenne n’a jamais dépassé les 2.8% et l’inflation (core) les 2%, malgré les plans massifs suivants :

  • 2008 : « Plan de relance économique », 200 milliards d’euros de dépenses publiques, d’infrastructures et de « secteurs stratégiques » dans l’intention de créer des millions d’emplois.
  • 2009 : « Directive sur l’énergie » visant à mobiliser des dizaines de milliards d’euros d’investissements dans l’énergie verte et les réseaux et à créer des millions d’emplois.
  • 2014 : « Plan d’investissement pour l’Europe », dont plus de 424 milliards d’euros ont été mobilisés et 77 milliards approuvés. Ce plan était censé augmenter le PIB de l’Union européenne de 1,3% jusqu’à 2020.
  • Depuis 2008, le bilan de la Banque centrale européenne a atteint 40% du PIB de la zone euro, contre 18% pour la Réserve fédérale.
  • 2014-2016-2019 : Trois séries d’injections de liquidités sous forme de TLTROs ont été annoncés.
  • Depuis 2014, les taux de facilités de dépôt ont été ramenés en territoire négatif. Les taux de refinancement quant à eux sont passés de 4.25% en 2008 à zéro aujourd’hui
  • Depuis 2014, les 19 pays de la zone euro ont bénéficié de politiques fiscales extraordinaires et économisés plus de 1’150 milliards d’euros en intérêts de la dette grâce aux politiques expansionnistes.

L’ombre de Christine Lagarde

L’ombre de Christine Lagarde planera bien évidemment sur cette réunion puisque cette dernière prendra ses fonctions en novembre prochain. Il convient ici de voir quelles ont été ses dernières déclarations.

Lors de son audition au Parlement européen la semaine passée, Christine Lagarde a insisté sur la nécessité de dialoguer davantage avec la société civile et pas seulement les marchés financiers. Elle a aussi fait part de son souhait de garder une politique de taux bas.

Elément extrêmement important pour l’avenir de l’inflation, la future présidente de la BCE a également évoqué la nécessité de « clarifier » la communication notamment sur le fameux objectif d’une inflation « proche, mais inférieure à 2% » au cœur du mandat de la BCE de maintien de la stabilité des prix : « parle-t-on de 1,6% ou de 1,9% ? Je comprends que ce n’est pas 1,6%, mais il n’a pas été dit exactement combien. Seuls les banquiers centraux et les spécialistes peuvent apprécier ces subtilités. »

Enfin, Christine Lagarde cherchera à se démarquer de Mario Draghi assez rapidement pour marquer son empreinte. Celle-ci devrait en effet plutôt rechercher le consensus entre les banquiers centraux et se placer davantage dans une posture de compromis et de dialogue. Son passé de politicienne pourrait fédérer bien plus que ce que Mario Draghi a tenté de faire en 8 ans.

Quelles seront les réactions de marché ?

Si on s’en tient aux déclarations du président de la banque centrale finlandaise, Olli Rehn, la BCE devrait annoncer jeudi « un ensemble de mesures importantes et percutantes » et que dans le climat actuel « il vaudrait mieux avoir un paquet de mesures politiques très solides que de bricoler ».

Ceci sous-entend que toutes les mesures qui ne seraient pas à la hauteur des espoirs du marché seraient sanctionnées immédiatement.

Les scénarios potentiels :

  • Baisse de taux de 10bps : EuroStoxx 600 : Baisse, Euro/Dollard : Hausse, Rendement du Bund : Hausse
  • Baisse de taux de 20bps, avec une modulation du taux de dépôt : EuroStoxx 600 : Neutre, Euro/Dollar : Baisse, Rendement du Bund : Neutre
  • Baisse de taux de 10bps, avec des rachats d’actifs : EuroStoxx 600 : Hausse, Euro/Dollar : Baisse, Rendement du Bund : Baisse
  • Baisse de taux de 20bps, avec des rachats d’actifs et une modulation de taux de dépôt : EuroStoxx 600 : Forte hausse, Euro/Dollar : Forte baisse, Rendement du Bund : Forte baisse

La réunion de la BCE va laisser des traces. En effet, soit Mario Draghi déclenchera la grosse Bertha qui pourrait artificiellement soutenir les marchés (et paradoxalement le secteur bancaire en cas de l’introduction d’une modulation du taux de dépôt), soit le président de l’institution européenne n’annoncera « qu’une » baisse de taux en laissant le soin de relancer l’inflation à Christine Lagarde.

John Plassard Septembre 2019

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