1. Scénario économique : perspective de ralentissement marqué
Pour faire face aux défis structurels (réchauffement climatique, vieillissement démographique …) et pour accélérer l’indépendance stratégique (défense, digital, énergie et alimentaire), les pays développés ajustent leur modèle économique. Ces périodes de transition sont « par nature » inflationnistes parce qu’elles exigent des ressources (matières premières, capital humain) qui n’existent pas encore en quantité suffisante.
C’est pourquoi, l’inflation sera persistante et les régimes de croissance seront durablement marqués par une alternance de « Stop & Go » : des phases de « ralentissement » consécutives à des poussées d’inflation, suivies de phases de « redémarrage » liées à l’impulsion budgétaire des États qui investissent pour soutenir les transitions.
Actuellement, l’économie mondiale est dans l’une de ces phases de ralentissement. Elle sera marquée – même si elle n’est pas encore perceptible dans les données économiques – d’autant plus que l’environnement s’est encore récemment dégradé, et ce à deux égards. D’une part, les conséquences économiques du conflit en Ukraine se sont amplifiées avec des sanctions toujours plus fortes et un risque d’escalade en hausse. D’autre part, les pressions inflationnistes se sont intensifiées avec l’augmentation du prix des produits agricoles, une plus forte congestion portuaire dans le monde et une tension sur le marché du travail américain de plus en plus hors norme.
Face à ces pressions inflationnistes plus fortes, le défi des banques centrales s’accentue. Elles sont toujours obligées d’accélérer le resserrement monétaire. En particulier, la Fed (Banque Centrale américaine) ne pourra pas atténuer la « surchauffe » de son économie sans provoquer un ralentissement marqué. C’est pourquoi, nous avons encore révisé à la baisse nos prévisions de croissance, tout en maintenant une balance des risques à la baisse [1]. Désormais, nous projetons une croissance de 2,5% en Zone euro cette année et de 1,5% l’année prochaine ; aux États-Unis, nous anticipons respectivement 2,2% et 1,7%, et en Chine, 5,0% et 4,5%. L’inflation devrait décélérer mais elle restera forte. Aussi nous prévoyons, à la fois en Zone euro et aux États-Unis, une inflation de 7.0% en 2022 et 4.5% en 2023.
2. Stratégie d’investissement : prudence tactique et positionnement stratégique sur les actifs qui protègent de l’inflation et les stratégies de rendement
Le resserrement monétaire – en particulier le dégonflement du bilan de la Fed – provoque une reconstitution des taux réels. C’est pourquoi, la trajectoire reste haussière sur les taux longs. A court terme, toutefois, avec la perspective d’un ralentissement conjoncturel, cette trajectoire à la hausse devrait marquer une pause avant de redémarrer. Le paradigme change sur les marchés obligataires : dans un environnement de reprise structurelle de l’investissement, les taux d’intérêt « d’équilibre » devraient remonter.
Notre positionnement sur les actions est tactiquement prudent pour trois raisons. D’abord, le ralentissement conjoncturel doit se traduire par un tassement des résultats des entreprises. Ce tassement est déjà pris en compte dans le prix des actions mais pas encore par le consensus des analystes. Un ajustement est donc probable.
Ensuite, tant que l’inflation et les taux d’intérêt ne se sont pas stabilisés, il est peu probable de voir les actions progresser fortement. En effet, les ratios de capitalisation (Price / Earnings) ont tendance à baisser en période d’inflation forte. Enfin, le drainage des liquidités du système financier provoque une reconstitution de la prime de liquidité qui pénalise les actifs risqués.
Dans cet environnement d’inflation durable et de croissance revue à la baisse, notre stratégie d’investissement s’ajuste. Nous privilégions ainsi trois types de stratégies de gestion :
Premièrement, nous privilégions l’agilité tactique ou les stratégies contrariantes. Elles permettent d’être moins sujet aux données macroéconomiques et aux mouvements des marchés sans tendances et parfois erratiques, que ce soit dans le monde obligataire ou le monde des actions.
Ensuite, nous favorisons les actifs protecteurs en cas d’inflation parmi lesquelles les obligations à faible duration (moins sensibles aux variations de taux), les obligations indexées à l’inflation et les actifs réels. Dans le monde des actions, la diversification internationale ainsi les actions dites « value » ou décotées sont à privilégier en période de hausse de taux et d’inflation élevée.
Enfin, les stratégies de rendement retiennent toute notre attention aussi bien sur les actions que sur les obligations. Les primes de risque crédit (les « spread ») se sont fortement élargies créant de nombreuses opportunités dans l’univers obligataire.