Next-Finance : Quelle est la taille actuelle du marché des obligations sociales ? Comment a-t-il évolué ces dernières années ? Le Covid-19 a-t-il eu un impact sur ce marché ?
Tammie Tang et Simon Bond : Le marché des obligations sociales représente plus de 500 milliards de dollars. Les principes ICMA (International Capital Market Association) applicables aux obligations sociales ont été lancés en 2017, dans la lignée des principes ICMA applicables aux obligations vertes lancées en 2015. Cependant, la croissance du marché des obligations sociales représentant plus de 90% des émissions à ce jour, ne s’est produite qu’au cours des 3 dernières années et immédiatement après la crise sanitaire.
Avez-vous des exemples d’obligations nouvellement émises pour lutter contre la pandémie ?
Tout à fait, dès 2020. Il s’agissait notamment d’émetteurs tels que l’Union européenne, la Banque mondiale et l’IFFIm (Facilité internationale de financement pour la vaccination). Plus récemment, des obligations ont été émises pour résoudre un autre problème social clé. Le déplacement des populations causé par la guerre Russie/Ukraine. Nous avons vu des émetteurs tels que le Conseil de l’Europe émettre plus de 2 milliards de dollars d’obligations pour soutenir le financement des pays membres qui ont accueilli des millions d’Ukrainiens fuyant la guerre. Les obligations viennent en soutien aux pays d’accueil et sert à financer les logements, les soins de santé et les transports.
Pouvez-vous rappeler le rôle d’INCO, le consortium centré sur l’économie sociale en Europe, dans la gestion du fonds ?
INCO est une société d’investissement spécialisée dans les entreprises à fort impact social et environnemental. De par son expertise et son indépendance, son rôle consiste à nous conseiller dans le cadre de l’évaluation de l’impact social des obligations souscrites dans le portefeuille du fonds Threadneedle (Lux) European Social Bond ainsi que de nous soutenir dans notre démarche de génération d’impact social, ou alpha social.
INCO examine, conseille et challenge l’intensité sociale de chaque investissement réalisé par le fonds. INCO est une société d’investissement avec près d’une décennie d’expérience en matière d’investissement dans des entreprises socialement inclusives et écologiquement durables avec des rendements financiers convaincants. Grâce à la fois à un réseau international de start-ups, à des programmes d’accompagnement et à des équipes d’experts locaux, INCO fournit des fonds propres et quasi-fonds propres à long terme, de l’amorçage à la phase de croissance. INCO complète ses investissements financiers par une assistance stratégique et technique pour soutenir la croissance, le développement et l’impact des sociétés de son portefeuille. INCO agit en tant que conseiller indépendant du Fonds, apportant son expertise dans le domaine de l’évaluation sociale et environnementale. Ils sont chargés de rechercher et d’évaluer les impacts sociaux des investissements effectués dans le Fonds sur une base post-négociation, ainsi que de faire partie du groupe consultatif social pour examiner, conseiller et surveiller les investissements du fonds dans une perspective de performance sociale. Ils produisent également le rapport annuel d’impact social du Fonds. Ce partenariat témoigne d’une volonté commune d’accompagner des organisations qui apportent un changement positif dans leur communauté, qu’il s’agisse d’entreprises, de collectivités locales ou d’associations.
Comment sélectionnez-vous les titres en portefeuille ?
Le fonds a comme double objectif de générer des rendements financiers ainsi que de l’alpha social à travers des investissements qui viennent soutenir et financer des activités et un développement socialement bénéfique, principalement dans l’UE.
Par conséquent, les titres sont sélectionnés en fonction de leur capacité à soutenir ces deux objectifs. L’impact social est déterminé en évaluant le secteur, la population ou la région couverte et l’’additionnalité de chaque obligation. Le fonds cherche à encourager l’émission d’obligations parmi les organisations qui s’engagent à générer des impacts sociaux positifs. Les deux paramètres clés de l’investissement traditionnel sont le risque financier et le rendement financier. Notre stratégie ajoute une dimension d’impact social à travers des objectifs sociaux ciblés et mesurés selon une méthodologie systématique.
Fixez-vous des limites d’investissement par thématique sociale ?
Les limites explicites ne sont pas fixées par thème social. « L’intensité sociale » de chaque investissement est plutôt déterminée selon des critères spécifiques au niveau de chaque obligation. Notre évaluation de l’intensité sociale accordera une plus grande importance aux besoins sociaux primaires/fondamentaux, tels que le logement, les soins de santé par rapport aux besoins sociaux plus secondaires (tels que l’éducation et l’accès aux infrastructures). Avant tout investissement, nos analystes d’impact étudient l’obligation en question et donne un avis préliminaire sur son éligibilité dans le fonds. Si les avantages sociaux ou socio-économiques sont minimes ou si les exigences minimales ne sont pas respectées, ou si nous constatons des problèmes liés à l’ESG ou des risques de réputation importants qui risquent d’annuler les impacts sociaux positifs, l’obligation n’est pas éligible.
Quel type d’investisseurs sont intéressés par votre fonds ?
De plus en plus de clients cherchent à investir leur épargne de manière à favoriser le progrès social et à obtenir des résultats positifs durables. Dans le même temps, nous sommes convaincus que les investisseurs n’ont pas besoin de sacrifier la performance pour parvenir à un impact social.
Par conséquent, tous les types d’investisseurs sont intéressés par notre produit : cela va des particuliers aux investisseurs de premier plan comme les fonds de pension, en passant par les compagnies d’assurance. Les investisseurs du fonds ont pour objectif la génération d’impacts sociaux positifs.
Les investisseurs sont désireux de voir comment le marché obligataire peut jouer un rôle dans la lutte contre les grandes inégalités de la société. Le marché obligataire, grâce à sa capacité à flécher les investissements vers des objectifs spécifiques permet de générer des impacts sociaux mesurables.
Qui plus est, le fonds propose une variété d’échéances destinées à garantir une liquidité quotidienne. Souvent, les investissements et autres véhicules d’impact social doivent bloquer les fonds pendant de longues périodes. Leur profil de risque peut en outre s’avérer difficile à comprendre. Notre fonds propose au contraire un risque semblable à celui des stratégies sur obligations d’entreprises et vise un rendement équivalent, ce qui la rend accessible et facile à comprendre pour un large éventail d’investisseurs.
Comment le fonds est-il classé au regard de la réglementation SFDR ?
Le fonds relève actuellement de l’article 8, avec pour ambition d’être classé article 9 sur le court terme. Avec son objectif clair de générer de l’alpha social, un alignement de principe sur l’article 9 semble logique. Cependant, en tant que société de gestion, nous avons tenu à assurer une interprétation prudente des exigences de l’article 9. Le fonds européen vient de recevoir la confirmation du label belge Febelfin, ce qui nous semble encourageant vers la classification article 9 du fonds.
Y a-t-il un reporting d’impact et quelles ont été les principales actions menées grâce à vos investissements ?
Notre partenaire social INCO produit un rapport annuel d’impact social. En termes de faits marquants au niveau social le fonds a contribué :
- au développement de 221 000 logements sociaux
- au financement d’entreprises du secteur résidentiel avec plus de 5 800 logements à moindre coût
- à allouer plus de 2,67 milliards d’euros aux thèmes prioritaires en matière de nutrition et de santé mondiale
- à bénéficier à environ 22 millions de personnes via des projets d’approvisionnement en eau et de sécurité alimentaire
- à financer ou employer au moins 51 000 chercheurs et scientifiques dans le domaine de la santé
- au soutien aux micros et petites moyennes ou entreprises dirigées par des femmes. Celles-ci ont créé et maintenu plus de 530 000 emplois qui ont permis d’offrir des services en soutien à 151 000 agriculteurs
Une dernière question : Simon, vous avez récemment annoncé votre intention de prendre votre retraite en 2023, quid de la suite ?
Simon Bond : Même si je prends ma retraite et me retire de la gestion de fonds, je ne prendrai probablement pas ma retraite dans le domaine de l’Impact ou du Social, comme en témoigne mon rôle au sein des comités consultatifs sociaux. En ce qui concerne mon temps libre. Je prévois de reprendre mes études (je suis à mi-parcours d’une maîtrise en histoire navale à l’Université de Portsmouth), de passer du temps à naviguer (y compris une étude plus approfondie de la navigation céleste) et à regarder plus de matchs de cricket et de football, tant chez moi qu’à l’étranger.
Tammie Tang : Nous sommes reconnaissants à Simon d’avoir été le pionnier de nos stratégies d’impact social. Même si Simon va se retirer de la gestion du fonds, au-delà de 2023, Simon sera toujours impliqué dans la promotion et la défense de l’impact social, notamment par une implication continue dans les initiatives de l’industrie ainsi que dans les fonds d’obligations sociales européens, en continuant en tant que membre indépendant du comité.