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Tensions sur le secteur automobile

Si le secteur automobile a été frappé de plein fouet par le développement Covid-19 en 2020 à travers la fermeture de certaines chaînes de production, il fait face maintenant à un manque de composants aussi divers que variés qui pourrait pousser les analystes à raboter une nouvelle fois leurs prévisions sur la fin de l’année et le début 2022. Que faut-il en penser ? Synthèse et analyse.

a. Les faits

VW et Toyota ont tous deux annoncé qu’ils réduisaient temporairement leur production en raison de la pénurie mondiale de puces électroniques, Volkswagen étant le dernier à annoncer la pause de la production. Selon Bloomberg, l’usine principale de VW à Wolfsburg ne fonctionnera plus qu’en équipe matinale après les vacances d’été en raison du manque d’approvisionnement.

L’usine de Wolfsburg est la plus grande usine automobile du monde et emploie environ 60’000 personnes. Audi a aussi interrompu sa production de manière temporaire, prolongeant sa pause estivale d’une semaine.

Toyota a également déclaré qu’elle prévoyait d’arrêter temporairement 14 usines le mois prochain tout en réduisant sa production de 40 %.

b. Quels sont les impacts réels ?

Selon Bloomberg, la pénurie mondiale de semi-conducteurs pourrait réduire la production mondiale de voitures d’environ 7,1 millions de véhicules cette année. D’autres agences parlent de 5 millions.

IHS de son côté prévoit que 2,1 millions d’unités pourraient être perdues au cours du seul troisième trimestre de 2021.

Un rapport d’IHS indique que la situation est encore lourde de défis. Nous constatons également une volatilité supplémentaire en raison des mesures de verrouillage de Covid-19 en Malaisie, où sont effectuées de nombreuses opérations de conditionnement et de test de puces en amont.

c. Le rôle central des semi-conducteurs pour les véhicules

Les semi-conducteurs sont essentiels à la production de circuits intégrés ou de puces. Une seule puce peut comprendre des milliers, voire des millions de semi-conducteurs. Les semi-conducteurs sont très difficiles à fabriquer car ils sont des centièmes de fois plus petits qu’un cheveu humain. Les voitures modernes, technologiquement avancées, utilisent une multitude de capteurs et de contrôleurs qui s’appuient sur des puces pour envoyer des informations dans tout le véhicule.

Historiquement, les constructeurs automobiles se sont efforcés de limiter les stocks de pièces, notamment de semi-conducteurs afin de réduire les coûts. Lorsque les ventes d’automobiles ont ralenti, les commandes ont suivi.

De nombreuses fonderies contractuelles de semi-conducteurs sont passées de la fabrication de puces « matures » pour l’industrie automobile à la production de puces « émergentes » plus avancées technologiquement pour l’industrie de l’électronique grand public (par exemple, 5G), qui exigent des prix plus élevés.

En termes d’utilisation, il existe une grande variété de « dispositifs à semi-conducteurs » qui peuvent être inclus dans les composants électroniques courants pour les véhicules. Ils comprennent :

  • Les diodes laser
  • Les diodes électroluminescentes (DEL)
  • Les cellules photoélectriques
  • Phototransistors
  • Transistors bipolaires
  • Transistors bipolaires à grille isolée (IGBT)
  • Photocoupleurs
  • Thyristors
  • Transistors à effet de champ
  • Capteurs à effet Hall (capteurs de champ magnétique)

Depuis l’avènement et surtout le développement des véhicules électriques, l’utilisation des semiconducteurs embarqués a littéralement explosé. Les voitures électriques modernes ont besoin d’une connectivité qui permet au fabricant d’envoyer des mises à jour logicielles essentielles au micrologiciel de la voiture, notamment au système de freinage et à la chaîne cinématique.

Plus la voiture électrique est sophistiquée, plus elle a besoin de semi-conducteurs. La quantité typique de pièces semi-conductrices à l’intérieur d’une voiture électrique augmente rapidement. À mesure que des options telles que les détecteurs d’angle mort et les caméras de recul deviennent la norme dans toutes les automobiles, ces fonctions nécessitent des semi-conducteurs.

Enfin, on peut noter que les nouvelles innovations en matière de semi-conducteurs offrent la possibilité de prolonger la durée de vie des batteries et de les rendre plus efficaces. C’est cette percée par exemple qui a permis à Tesla d’alimenter efficacement son véhicule Model 3 à un prix accessible.

d. La Malaisie est centrale

Lorsque l’on parle de semiconducteurs on parle surtout de la Corée du Sud. Cependant, la Malaisie est aussi un acteur de choix et même centrale pour l’évolution de la vente des puces à travers le « testing » (le test des semiconducteurs) et l’emballage des semiconducteurs (packaging).

Si historiquement, ce pays d’Asie du Sud-Est n’a pas eu le même poids que Taïwan, la Corée du Sud ou le Japon dans les chaînes d’approvisionnement technologiques, ces dernières années, la Malaisie s’est imposée comme un centre majeur de test et de conditionnement de puces, avec par exemple Infineon Technologies AG, NXP Semiconductors NV et STMicroelectronics NV parmi les principaux fournisseurs qui y exploitent des usines.

Cela étant dit, on constate que le nombre d’infections au Covid-19 augmente en Malaisie, menaçant d’aggraver les pénuries de semi-conducteurs et d’autres composants qui frappent les constructeurs automobiles depuis des mois.

La montée en puissance du variant Delta en Asie du Sud-Est va ainsi une nouvelle fois ralentir la production, au moment où la plupart des pays s’apprêtaient à rouvrir « officiellement », dans la foulée de la mise à disposition de nombreux vaccins.

e. Pourquoi y a-t-il un manque de semi-conducteurs ?

En mars 2020, la pandémie mondiale a incité les constructeurs, les fournisseurs et les concessionnaires automobiles à fermer leurs portes. L’économie est ainsi entrée tout logiquement en récession.

Les constructeurs automobiles, qui avaient déjà connu des périodes de crise par le passé, ont rapidement annulé les commandes de pièces contenant des semi-conducteurs, pensant que les ventes d’automobiles allaient chuter.

Les ventes de voitures neuves ont effectivement chuté au début, mais elles ont rapidement rebondi grâce à la demande refoulée et aux offres de financement à 0 %. De plus, les concessionnaires ont compris comment vendre des véhicules en ligne, en proposant l’enlèvement et la livraison à domicile.

Ainsi, lorsque les usines ont redémarré, la demande de véhicules neufs, plus forte que prévu, a dépassé la production et n’a pas encore été rattrapée.

Parallèlement à cela, lors des premiers confinements, la capacité des semi-conducteurs a été fortement consommée par d’autres activités telles que téléphones, ordinateurs, jeux vidéo - alors que les gens travaillaient et étudiaient à la maison.

Enfin, ajoutez à cela un typhon au Japon et un incendie dans l’usine du fabricant de puces Renesas Electronics au Japon. Les dégâts ont été importants et l’usine a dû attendre près de 2 mois avant d’atteindre sa pleine capacité de production.

f. Quelles sont les solutions ?

Plusieurs solutions pour faire face à ce manque de semiconducteurs existent, mais sont soit couteuses soit prennent du temps.

Tout d’abord, une option consiste pour un fournisseur existant à ajouter une capacité de fonderie. Selon le Congressional Research Service, l’Amérique du Nord se classe au cinquième rang en matière de capacité de fabrication avec 11 %, derrière la Corée du Sud, Taïwan, le Japon et la Chine. Global Foundries, une fonderie basée aux États-Unis, estime que l’ajout de capacité prendrait jusqu’à un an et coûterait des centaines de millions de dollars pour ce que certains considèrent comme une technologie mature du secteur automobile.

Ensuite, une autre solution plus coûteuse consiste pour une fonderie sous contrat à construire une nouvelle installation. La SIA estime qu’une fonderie coûte entre 10 et 20 milliards de dollars, selon le type de puce à produire. Sur une décennie, y compris les coûts initiaux et le ré outillage, une telle installation pourrait coûter jusqu’à 40 milliards de dollars.

Une nouvelle installation pour les semi-conducteurs de technologie mature, comme ceux destinés à l’industrie automobile, ne coûterait probablement pas le même prix qu’une installation pour les semi-conducteurs de technologie émergente. Néanmoins, le coût se chiffrerait tout de même en milliards de dollars. De plus, il faudrait au moins cinq ans à une fonderie de semi-conducteurs pour l’automobile pour dégager une marge bénéficiaire, même faible.

Enfin, il y a une solution plus politique qui consiste à collaborer avec les fabricants de semiconducteurs chinois. Cependant se pose le problème des droits de douane de 25 % sur les semi-conducteurs en provenance de Chine en vertu de la section 301, en raison du manque de protection des droits de propriété intellectuelle et du transfert forcé de technologies par la Chine. Cette section devrait ainsi être abrogée avant que cette solution puisse être envisagée.

Rappelons plus globalement que faire pression sur les fournisseurs ou les souverains étrangers pour qu’ils placent certaines industries américaines en tête de leur liste de production ne fait pas partie de cet arsenal réglementaire.

g. Quelles sont les marques les plus à risque ?

Si certaines marques ont pris le choix de retirer certaines fonctionnalités utilisant des semiconducteurs pour pouvoir vendre leurs véhicules (Tesla par exemple a supprimé le soutien lombaire côté passager sur ses nouveaux modèles ou encore GM a supprimé les fonctions d’économie de carburant telles que l’arrêt automatique du démarrage et le module de gestion du carburant), le manque de semiconducteur va impacter les résultats de nombreux constructeurs au 3ème et au 4ème trimestre, dont :

  • Stellantis
  • Volkswagen
  • Ford
  • General Motors
  • Tesla

La durée de cette problématique va non seulement dépendre de la capacité des fonderies à satisfaire la demande, mais aussi au développement du variant Delta dans certains pays asiatiques qui force certaines usines à fermer temporairement.

h. Quels sont les modèles à risque ?

Presque tous les constructeurs automobiles ont été affectés et ont été forcés d’ajuster leur calendrier de production de manière importante. Le cabinet de conseil AlixPartners, liste plusieurs modèles qui sont à risque :

  • Audi Q7/Q8, Porsche Cayenne, Volkswagen Touareg
  • Chevrolet Camaro, Equinox, Malibu, Traverse ; Cadillac XT4/XT5/XT6 ; GMC Acadia
  • Ford Bronco Sport
  • Ford F-150, Explorer, Mustang ; Lincoln Aviator, Nautilus
  • Hyundai
  • Mitsubishi
  • Jaguar XE, XF, F-Type ; Land Rover Discovery, Range Rover Evoque
  • Jeep Grand Cherokee, Dodge Durango
  • Mercedes-Benz C-Class, GLC, EQC
  • Mini Cooper ; BMW X1, X2
  • Subaru Ascent, Impreza, Legacy, Outback
  • Nissan Altima, Leaf, Maxima, Murano, Rogue

i. Synthèse

Le secteur automobile fait aujourd’hui face à deux vents contraires qui pourraient freiner les ventes au troisième et au quatrième trimestre 2021 : la résurgence de nouveaux cas de coronavirus en Asie et le manque de semiconducteurs. Il y a donc peu de raisons d’être optimiste quant à une normalisation du avant le premier trimestre de 2022.

John Plassard Août 2021

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