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Too Big To Fail : anciens mythes, nouvelles réalités

Aux USA et en Europe, les décideurs ont bien progressé dans la gestion des banques « too big to fail » selon Wilson Ervin, Vice Chairman, Group Executive Office chez Credit Suisse, mais cela est loin d’être reconnu. Lentement, les nouvelles réalités s’imposent face aux vieux mythes...

Dans les cercles politiques et médiatiques, la sagesse traditionnelle veut que les plus grandes banques soient toujours « too big to fail » (TBTF, trop grandes pour être mises en faillite). Après tout, elles étaient trop grandes en 2008, et elles sont encore plus grandes aujourd’hui. D’après de nombreuses personnes de cet avis, les réformes sérieuses ont été contrecarrées par des intérêts personnels, rendant inévitables les opérations de renflouage par les contribuables en cas de nouvelle crise grave. Dans la plupart des cas, la couverture médiatique des réformes bancaires considère cette opinion comme un fait certain. Mais parmi les décideurs politiques et les experts du secteur privé, le consensus a changé : la notion de TBTF vit désormais un enterrement silencieux mais bien mérité. C’est un énorme changement, une réforme essentielle et concrète qui traite peut-être le problème central de la crise financière de 2008.

Au mois d’octobre dernier, Paul Tucker, président du Comité de pilotage sur la résolution du Conseil de stabilité financière, a indiqué que les autorités américaines pourraient dès à présent procéder à la résolution des défaillances bancaires de la plupart des institutions financières importantes sur le plan systémique. « Les autorités américaines disposent de la technologie nécessaire – grâce au Titre II de la loi Dodd Frank – et il est tout aussi important de relever que la plupart des banques et des groupes américains présentent une organisation qui, hasard de l’histoire, les prête à une résolution descendante au sein de leur groupe », explique-t-il. En décembre, Michel Barnier, commissaire européen pour le marché intérieur et les services, a salué l’accord de l’Union européenne (UE) sur la réglementation en matière de résolution des défaillances bancaires : « Avec la mise en place de cette nouvelle réglementation, les sauvetages publics massifs de banques et leurs conséquences pour les contribuables appartiendront enfin au passé ». La réglementation européenne couvrira 28 nations, des poids-lourds comme le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France à une foule de plus petits pays.

Parallèlement, la Suisse, un pays petit mais important sur le plan bancaire, a adopté une nouvelle réglementation solide en matière de résolution. Certains observateurs ne sont pas au courant des progrès rapides sur cette question. D’autres préfèrent peut-être s’accrocher à l’ancienne hypothèse selon laquelle les sauvetages par les contribuables sont inévitables. C’est donc le bon moment pour examiner certains des plus grands mythes entourant la résolution des défaillances bancaires, et les nouvelles réalités qui viennent maintenant les contredire.

Mythe 1 : Il n’existe pas de bonne manière de gérer la défaillance d’une grande banque de manière sûre. N’est-ce pas la véritable leçon de 2008 ?

L’incapacité à résoudre les défaillances des grandes banques en toute sécurité n’était malheureusement pas un mythe en 2008. La faillite de Lehman Brothers – le seul essai récent en conditions réelles d’une défaillance financière majeure – a entrainé d’immenses perturbations financières et économiques. Les outils qui existaient à l’époque pour gérer la défaillance d’une grande banque étaient particulièrement inadaptés, et la préparation en amont était inexistante. Le Congrès américain s’est donc retrouvé démuni, sans autre possibilité que de recourir à un immense sauvetage, profondément impopulaire, du système bancaire. Cet épisode – et les événements similaires en Europe – a mis en lumière la nécessité d’une nouvelle stratégie qui serait capable de résoudre la défaillance d’une banque rapidement et de manière sûre, sans mettre les contribuables à contribution. Au cours des dernières années, les décideurs politiques se sont mis d’accord sur une approche simple, baptisée « bail-in ». Dans le cas d’une défaillance, le bail-in transforme les dettes en fonds propres, une technique similaire à une restructuration dans le cadre du Chapitre 11. Il utilise les capitaux internes plutôt que l’argent des contribuables pour absorber les pertes et recapitaliser la société. Le bail-in accélère considérablement la résolution. Mais face à la rapidité de l’évolution actuelle des marchés, une négociation juridique de plusieurs mois ne fonctionnera tout simplement pas. Les principaux éléments doivent être mis en place au cours du fameux « week-end de résolution » pour que les marchés puissent fonctionner le lundi suivant. Le bail-in préserve les fonctions essentielles afin d’éviter une contagion excessive aux marchés financiers ou à l’économie réelle. Il évite une liquidation pure et simple, qui peut affecter des fonctions de paiement fondamentales, et être incroyablement destructrice lors d’une crise majeure. Par essence, le bail-in s’inspire de procédures éprouvées qui ont été utilisées pour que les compagnies aériennes continuent de voler et les sociétés industrielles de fonctionner, même lorsque leurs structures de capitaux sont en cours de réorganisation. Il trouve également son origine dans des procédures spéciales utilisées par la Compagnie de garantie du dépôt fédéral (FDIC), qui a fait ses armes lors de la résolution de défaillances de petites banques pendant de nombreuses années. Ces procédures sont simplement adaptées pour fonctionner avec de plus grandes banques.

Mythe 2 : Pourquoi ne pas simplement réduire et simplifier les grandes banques complexes ? N’est-ce pas un moyen bien plus direct de résoudre les problèmes liés au TBTF ?

L’expression « TBTF » est accrocheuse, mais trompeuse. Historiquement, les crises causées par les défaillances de petites banques ont aussi été dommageables et dangereuses. Ainsi, lors de la Grande Dépression, des séries de petites banques ont fait défaut dans le Midwest, finissant par faire disparaitre près de la moitié de toutes les banques américaines. Cette panique a conduit le président Roosevelt à déclarer un jour de fermeture à sa prise de fonction, organisant la fermeture de tout le système bancaire américain le temps que les banques solides soient distinguées des plus faibles. Plus récemment, les crises de l’épargne et des prêts des années 1980 ont causé des dommages économiques considérables à la suite d’une série de défaillances de petites banques, débouchant sur un sauvetage coûteux par le Congrès. Certains ont récemment avancé que le véritable problème n’était pas la taille, mais le fait que les grandes banques étaient « trop complexes à gérer ». S’il est vrai que la complexité pose certains défis dans le secteur bancaire, comme dans tous les milieux, elle a également de gros avantages. La diversité peut réduire le risque de défaillance. Lors de la crise, certaines activités ou régions ont été soumises à de fortes tensions, tandis que d’autres étaient plus stables, assurant une certaine solidité aux groupes diversifiés. Cela a permis à beaucoup d’institutions « complexes » de rester hors de danger. En revanche, certaines des pertes les plus lourdes lors de la crise ont eu tendance à se produire dans les plus petites banques, moins diversifiées, comme Anglo Irish, Countrywide et Laiki Bank à Chypre – en pourcentage, ces événements étaient bien plus graves que les pertes subies par n’importe lequel des grands groupes diversifiés. Le fait de réduire la taille ou la complexité des banques peut sembler comme une solution évidente et facile, mais cela ne résoudrait pas les points importants mentionnés ci-dessus. Cela pourrait même aggraver les choses. Il suffit de penser à l’Espagne, où les grandes banques ont constitué un important îlot de stabilité ces dernières années, et ont permis de modérer l’effet des graves problèmes rencontrés par les cajas, les caisses d’épargne plus petites. Une vraie solution doit assurer la « possibilité de résolution » pour toutes les banques, quelle que soit leur taille ou leur complexité, et englober toute une palette de crises possibles, et pas seulement la dernière.

Mythe 3 : Le bail-in est peut-être une belle idée, mais n’impose-t-il pas une nouvelle législation ? Dans le contexte politique dysfonctionnel d’aujourd’hui, la mise en place d’une nouvelle réglementation pour un problème complexe sera sûrement impossible.

La bonne nouvelle, c’est que le bail-in ne demande pas de nouvelle réglementation aux Etats-Unis, et qu’au sein de l’UE – en dépit d’un processus législatif complexe – un accord politique vient d’être trouvé. Aux Etats-Unis, le gouvernement fédéral a accentué les pouvoirs de résolution de la FDIC dans le cadre de la loi Dodd-Frank, mais beaucoup de gens, dont je fais partie, étaient sceptiques au départ quant à la possibilité que la nouvelle Autorité de liquidation ordonnée fonctionne dans la pratique. Après tout, la liquidation était au cœur de la stratégie de mise en faillite de Lehman Brothers, et elle a été incroyablement désordonnée. Mais la FDIC a étudié les nouveaux défis posés par la résolution des défaillances des grandes banques, et a écouté les critiques des sceptiques. Au fil du temps, elle a mis au point une procédure efficace d’exécution d’un bail-in dans le cadre des nouvelles lois. La clef se trouvait dans le processus de guichet unique mis en place par la FDIC. Le guichet unique déplace les activités bancaires essentielles vers une nouvelle banque-relais bien capitalisée pour préserver la valeur et éviter les perturbations du marché. La dette de la société holding est en réalité transformée en fonds propres, pour fournir à la nouvelle banque-relais une solide base de capital, reposant sur les capitaux internes et privés plutôt que sur l’argent des contribuables. Les principales étapes se déroulent au cours d’un week-end de résolution, afin qu’il n’y ait pas d’interruption dans les fonctions bancaires essentielles pour les particuliers ou les entreprises. Ces caractéristiques jettent les bases de l’exécution d’un bail-in dans le cadre de la législation existante. Le gouverneur de la Réserve fédérale, Jerome Powell, a décrit l’importance de cette technique dans un de ses discours l’année dernière : « Dès le départ, mes premières expériences m’ont conduit à être sceptique sur la possibilité de procéder à la résolution de l’une des plus grandes sociétés financières sans déstabiliser le système financier dans son ensemble... Ce qui m’a fait changer d’avis, c’est l’approche innovante en guichet unique de la FDIC... Cette approche est un simplificateur classique, qui rend théoriquement possible une chose dont la complexité confinait à l’impossible. »

Mythe 4 : Les investisseurs dans les grandes banques s’attendent à être renfloués en cas de nouvelle crise ; c’est ce qui permet aux grandes banques d’emprunter à des taux injustes, extrêmement intéressants, grâce à leur statut de TBTF. Si vous changez cela, les coûts de la dette vont exploser. Le marché ne peut pas le supporter.

Les investisseurs américains se sont déjà adaptés à la nouvelle réalité des bail-in. L’analyse des spécialistes de la dette du Credit Suisse l’année dernière montre que le marché a dans une large mesure terminé sa transition vers la prise en compte tarifaire du bail-in. Si les grandes banques bénéficiaient effectivement d’une prime supérieure liée à leur statut de TBTF en 2008 et 2009 (sous la forme d’un moindre coût de la dette), cette prime a disparu au cours des trois dernières années à mesure que la FDIC négociait ses plans de résolution et les expliquait au marché. En tant que groupe, les grandes banques se négocient désormais au même niveau que les sociétés industrielles (voir graphique 1). L’analyse montre également que les obligations des grandes banques se négocient maintenant au même niveau que celles des plus petites. En revanche, les grandes banques empruntent à près de 10 fois le prix payé par Freddie Mac et Fannie Mae, un écart immense entre les banques et les entités véritablement « too big to fail ». Les grandes banques négocient également à des niveaux bien plus élevés qu’avant la crise, en dépit de bases de fonds propres bien plus solides. Si ces changements impliquent des coûts plus élevés pour les actionnaires et les clients des banques, c’est le prix de la discipline de marché. C’est essentiel si nous voulons abandonner le vieux régime des banques « too big to fail » et des garanties supposées de l’Etat. Moody’s a récemment publié un commentaire sur le crédit validant cette évaluation du marché : « Nous pensons que les autorités américaines de réglementation bancaire ont fait des progrès considérables dans la mise en place d’un cadre crédible de résolution des défaillances des grandes banques », concluait-il.

Mythe 5 : L’endettement lié au bail-in disparaîtra, il n’y aura tout simplement pas assez de ressources pour procéder à un bail-in le moment venu.

La stratégie de guichet unique de la FDIC est avant tout fondée sur les actions privilégiées, le prêt subordonné et les obligations non garanties à long terme. Ces instruments présentent une échéance longue, ils ne supposent pas un remboursement immédiat. Si leur prix peut varier, ils ne peuvent pas disparaître comme les financements ou les dépôts à court terme. L’éventuelle ruée sur la dette à court terme peut entraîner un assèchement des liquidités, qu’il est également essentiel de traiter lors d’une résolution de défaillance. La liquidité (disponibilité des fonds à court terme) est en effet liée à la solvabilité (le fait de disposer d’une solide valeur nette positive), mais constitue logiquement un problème distinct. Lors d’une faillite classique, les banques et autres investisseurs fournissent généralement de l’argent frais (venant d’émetteurs senior éprouvés) pour restaurer la liquidité, mais uniquement après la restauration de la solvabilité par des mesures de capital. De même, une fois que le bail-in a restauré la solvabilité d’une banque, celle-ci devient éligible à la liquidité de la banque centrale, ainsi que des marchés privés. Pour qu’un régime de résolution soit fiable dans son fonctionnement, la liquidité et la solvabilité doivent toutes deux être traitées, mais c’est bien la solvabilité qui doit être réglée en premier. De nombreuses banques, mais pas toutes, disposent aujourd’hui de ressources suffisantes pour ce type de bail-in. De nouvelles règles sont nécessaires pour y remédier, et assurer que ces ressources soient suffisantes et ne diminuent pas avec le temps. La Réserve fédérale a indiqué qu’elle publierait des règles dans quelques mois pour forcer les grandes banques à avoir suffisamment de ressources, au bon endroit et avec les bonnes échéances pour supporter un éventuel bail-in. L’UE met en place des règles similaires en matière de ressources dans sa législation, ainsi que des exigences d’utilisation de fonds privés avant de venir puiser dans les ressources nationales ou les fonds de résolution.

Mythe 6 : Si le bail-in peut fonctionner pour une crise exceptionnelle et singulière, il ne fonctionnera pas dans une crise systémique comme celle de 2008. C’est ce qui compte, lorsque le gouvernement doit intervenir.

Pour en finir avec le TBTF, les outils de résolution doivent pouvoir fonctionner dans les deux situations. Lorsqu’une première banque fait faillite, personne ne sait si c’est un problème isolé ou le début d’une crise bancaire générale. Malheureusement, les décisions en situation réelle doivent être prises en temps réel, sans recul. Imaginons un remake de septembre 2008, mais avec les pouvoirs du bail-in : Lehman Brothers a été la première grande banque à atteindre le point de défaillance. Un bail-in de Lehman aurait évité des pertes pour ses clients et ses contreparties, et les tensions sur le marché auraient été bien moindres. S’il est vrai que les conséquences auraient été relativement douloureuses pour les porteurs d’actions et d’obligations, ils s’en seraient bien mieux sortis qu’aujourd’hui. En tant qu’événement isolé, le résultat aurait été bien meilleur. Mais d’autres grandes institutions avec des modèles commerciaux similaires étaient soumises à des pressions intenses en 2008. Malgré une meilleure issue dans le cas de Lehman, il est raisonnable de prévoir que d’autres banques auraient tout de même fait faillite dans les jours suivant le bail-in de Lehman. La gestion de la situation aurait pu demander un bail-in plus large, dans le cadre duquel plusieurs banques auraient été recapitalisées en même temps. Un grand programme de recapitalisation recourrait à un processus de bail-in identique, mais qui serait appliqué à de multiples banques en détresse. Pour être utilisable, trois grands points doivent être préparés : des ressources de bail-in suffisantes, une planification claire des dispositions à prendre, et une stratégie de résolution bien comprise. La stratégie privilégiée – ou la voie supposée – pour chaque banque devra être régulièrement testée par les superviseurs (et enfin publiée pour encourager un examen plus large). Si ces dispositions sont mises en place, il n’y a pas de raison pour que plusieurs banques en difficulté ne puissent pas être recapitalisées en même temps. Le résultat serait similaire à celui du Troubled Asset Relief Program, à l’exception du fait qu’il utiliserait le capital de l’investisseur pour absorber les pertes et renforcer les banques, et non les fonds publics.

Mythe 7 : Les grandes banques opèrent dans beaucoup de pays avec des réglementations différentes. Les complexités juridiques transfrontalières rendent les dispositifs de bail-in inopérants pour les banques internationales.

Les questions transfrontalières ont constitué un problème majeur lors de la crise de 2008, notamment dans les situations où des opérations nationales de renflouage étaient en jeu. De graves conflits ont éclaté, comme dans le cas de Fortis, où les pays du Benelux se sont affrontés pour déterminer qui devait payer la facture, ou entre l’Islande et le Royaume-Uni, où c’est la réglementation anti-terroriste qui a même été utilisée. Dans ces situations, le portefeuille national était concerné, et les conflits ne sont pas surprenants. Le système de bail-in traite directement ce point, en évitant l’utilisation des fonds publics, qui sont par nature sources de déstabilisation. Cependant, une fois que la question centrale a été traitée, trois questions transfrontalières légitimes restent à prendre en compte pour qu’un bail-in international fonctionne :

1) Applicabilité : le bail-in fonctionne en transformant la dette ou d’autres instruments en fonds propres, ce qui doit être légalement possible. Les ressources de bail-in doivent être émises dans la bonne juridiction, ou dans un propos contractuel permettant le bail-in. Dans certains cas, cela demandera quelques ajustements. Le Credit Suisse a par exemple récemment annoncé un changement dans sa structure de financement pour améliorer ses possibilités de liquidation, et un déplacement de sa dette vers une structure de holding afin de favoriser la fluidité d’un éventuel bail-in selon la réglementation suisse.

2) Contacts transfrontaliers : un bail-in peut permettre aux contreparties d’une banque en défaut de déboucler leur contrats financiers en masse, ce qui peut être à la fois perturbant et coûteux. La plupart des lois en matière de bail-in donnent la possibilité d’interrompre ces débouclages sur le plan national, mais ces pouvoirs peuvent ne pas être reconnus à l’étranger. Il existe plusieurs manières de traiter cette question, par exemple en modifiant les contrats de swap classiques. Le travail sur ce point est en bonne voie, et doit se poursuivre.

3) Reconnaissance transfrontalière : certaines personnes s’inquiètent que des juridictions étrangères puissent ne pas reconnaitre un bail-in et entraver une résolution. Ces personnes affirment qu’un bail-in ne peut fonctionner sans traité. Mais dans la mesure où un traité est peu probable à court terme, comment le bail-in peut-il fonctionner pour répondre à cette inquiétude ? Le bail-in simplifie considérablement les choses en protégeant les entités locales bien capitalisées de toute résolution ou faillite. Si les entités locales ont besoin de nouveaux capitaux, le bail-in crée des ressources qui peuvent être injectées pour restaurer la santé d’une entité locale. Ainsi, si une grande banque américaine est placée dans un bail-in à guichet unique, une autorité de réglementation non américaine a deux possibilités : elle peut décider de placer une entité locale saine en faillite, et courir le risque d’une grave perturbation intérieure sur le plan financier et économique, ou se tenir à l’écart. En supposant que les exigences locales en matière de fonds propres soient respectées, il est bien plus facile et rationnel pour les autorités de réglementation de se tenir à l’écart. D’autres grandes nations adoptent cette stratégie, notamment la Suisse et l’Allemagne, ainsi que la Chine et le Japon. L’alignement des mesures incitatives peut fournir une réponse solide et concrète à cette question, et permettre de stopper la tendance pernicieuse à la réserve des activités bancaires dans des subdivisions très locales. En supposant des préparatifs raisonnables, la coopération fonctionne car elle est dans l’intérêt des deux pays et ne repose pas uniquement sur la confiance ou les relations personnelles, même si elles peuvent aider. Les accords de coopération peuvent également permettre de renforcer cette approche, en clarifiant les rôles, les responsabilités et les attentes.

Mythe 8 : Même si les Etats-Unis font des progrès, l’Europe n’acceptera jamais.

Contrairement aux Etats-Unis, qui ne se consacrent à la résolution des défaillances des banques que depuis la création de la FDIC dans les années 1930, les aides d’Etat et les opérations de renflouage sont très profondément ancrées dans les traditions européennes. Cependant, le lien étroit entre les crédits bancaires et les finances souveraines est au cœur de la récente crise de l’euro, et la fameuse boucle d’échec a créé une solide dynamique en faveur d’un changement urgent. En décembre, l’UE est parvenue à un accord politique sur une nouvelle directive en matière de résolution, qui crée une puissante capacité de bail-in. Même si la réglementation est complexe, le principe veut que les investisseurs privés absorbent les pertes et le poids de la recapitalisation lors des faillites bancaires. Cet accord devrait rompre de manière décisive avec le passé et permettre de démanteler le lien banque-Etat qui a miné les marchés européens ces trois dernières années. L’avantage des longues négociations européennes, c’est que la directive fera évoluer 28 nations en même temps. L’Europe utilise la même logique fondamentale que les Etats-Unis dans le traitement de ces questions. Mais quelques éléments sont propres à l’UE, comme la rationalisation de la gouvernance de la résolution des défaillances, ou la détermination de la méthode de mise en commun des fonds de résolution dans la zone euro. Ces questions techniques sont importantes, mais ont détourné l’attention des observateurs des grandes réussites sous-jacentes, l’essentiel étant que les ressources internes des banques en fonds propres constituent désormais le premier outil de gestion d’une banque en défaut. Les fonds de résolution ne constituent qu’une provision secondaire, de soutien, dans l’accord global. Les fonds de résolution ne peuvent en effet être utilisés qu’après l’emploi d’une part considérable de ressources internes, et ces ressources internes sont environ 50 fois plus importantes que le fonds proposé. Les éléments du bail-in de la nouvelle loi constituent l’essentiel de la réforme, et donnent un coup de fouet bienvenu à une véritable « privatisation » du secteur bancaire européen.

Se frayer un chemin dans la jungle des TBTF

Un chemin grossier a désormais été dégagé dans la jungle des TBTF. C’est une avancée remarquable, même si elle est mal comprise et sous-estimée en-dehors des cercles techniques. Il y a encore beaucoup de travail à faire pour aplanir le chemin et le rendre plus fiable. Les directives anticipées des banques doivent être adaptées aux nouvelles règles et dans certains cas, les structures des banques devront également évoluer. Les règles sur les ressources minimales affectées au bail-in doivent être clairement définies. Les règles transfrontalières, notamment dans le monde des contrats de swap, méritent une certaine attention. Et la communication aux investisseurs doit être considérablement améliorée – du côté des banques et des superviseurs – afin que les investisseurs comprennent les conséquences probables d’une résolution pour chaque banque. Aucune de ces questions n’est triviale, mais les principaux outils permettant d’en finir avec le TBTF sont désormais en place. La résolution des défaillances des banques est une réalité concrète dans certains pays aujourd’hui, et d’autres marchés ne sont pas loin derrière. L’effet net de ces mesures sera d’apporter une meilleure résistance et une plus grande discipline au système bancaire, ainsi que d’empêcher les problèmes individuels de se transformer en chocs systémiques. La fin du TBTF rendra également le secteur plus responsable de ses propres erreurs, comme tout autre secteur « normal », et apportera une solution au problème le plus fondamental exposé dans la crise de 2008. Les anciens mythes sont balayés par les nouvelles réalités.

Wilson Ervin Février 2014

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