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Derrière l’optimisme du temps présent, les tendances lourdes continuent de tracer leur chemin

Alors que cette année 2020 se dirige tranquillement vers la sortie sans que personne ne la regrette, bien au contraire, portefeuilles et gérants continuent de profiter des nouvelles plutôt positives de novembre pour poursuivre une récupération bien méritée, souffler quelques semaines de plus que d’autres années, et espérer terminer l’année mieux qu’on pouvait le craindre au premier semestre…

Peu de flux, peu de liquidité, seuls les retardataires du marché continuent leur rattrapage, qu’il s’agisse du marché secondaire, avec quelques catégories obligataires dont les performances poursuivent une hausse soutenue, comme certains pans du high yield, les titres non notés ou en dehors des grands indices, ou qu’il s’agisse du marché primaire avec quelques entreprises de qualité intermédiaire à basse, qui profitent de la quasi euphorie des investisseurs et de leur recherche avide de rendement pour se refinancer, après une année qui avait jusqu’à présent laissé porte close pour bon nombre d’entre eux. Nous citerons notamment des banques régionales italiennes, Carnival, Lufthansa ou Webuild. Attention, nous ne stigmatisons pas ces émissions comme des rossignols à systématiquement éviter mais il sera important de rester 1/ sélectif, 2/ regardant sur la prime accordée aux investisseurs, 3/ vigilant sur l’horizon de sortie car certains de ces émetteurs se sont, par le passé, révélés très opportunistes, très volatils et sujets à des déconvenues de valorisation douloureuses… Nous pourrons donc profiter de ce marché primaire de fin de cycle, tout en ayant une porte de sortie à quelques semaines, de préférence avant les publications de résultats…

N’ayant donc que peu de choses à attendre de majeur en cette fin d’année, profitons de cet hebdo pour noter trois évènements qui donnent le ton de quelques tendances long terme sur la gestion d’actifs, la politique monétaire et l’évolution des zones d’influence économiques mondiales :

  • Tout d’abord le rachat par l’agence d’analyse S&P du fournisseur d’indices IHS Markit, spécialisé notamment sur le marché obligataire. Si l’opération en tant que telle reste logique dans un univers financier où la course à la taille prime et restera probablement prégnante pendant encore plusieurs années, c’est surtout le prix qui interpelle… Le montant de la transaction s’élevait ainsi à 44 milliards de dollar pour une entreprise réalisant 3 à 4 milliards de dollar de chiffre d’affaires et 500M à 1 milliard de dollar de résultat net… C’est donc bien plus d’une décennie de chiffre d’affaires qui a été payée et on imagine ici les perspectives de croissance majeures de l’acquéreur sur le secteur de la donnée financière… Perspectives de croissance majeures donc d’un côté qui signifient croissance de dépenses majeures du côté des gérants d’actifs, principaux clients de ces données… Pressés à la fois par l’explosion de la quantité de données à traiter, par la régulation qui oblige à la transparence, le benchmarking, la prise en compte de critères toujours plus nombreux (comme l’ESG ces dernières années), et par un marché de la donnée financière totalement oligopolistique concentré essentiellement aux USA (Bloomberg, S&P, Moody’s, ICE), les gérants d’actifs européens ne pourront faire grand-chose hormis que de continuer à observer leur marge chuter et de se concentrer eux-mêmes pour tenter, sans grand espoir, d’obtenir des baisses de tarifs… Le péage de la donnée financière a commencé il y a une dizaine d’années, il entame son expansion massive, poussant, avec l’aide des contraintes réglementaires croissantes, les gérants de trop petite taille vers la sortie…

Nous reprendrons pour conclure ce point la remarque de Charles Gastellu, administrateur de Cossiom, l’association des utilisateurs de données financières à Paris, dans l’Agefi du 1er décembre : « Cette fusion va leur permettre de continuer à augmenter le coût des données, alors que nos activités vont souffrir. On atteint dès lors des niveaux de valorisation irrationnels, qui augmentent encore les barrières pour les nouveaux entrants »

  • Deuxièmement, le choix de Janet Yellen comme secrétaire au Trésor américain : déjà largement commenté nous noterons simplement ici que les relations entre la FED et le Trésor devraient largement s’adoucir par rapport au mandat Trump, durant lequel la dialectique entre les deux institutions était, certes efficace in fine, mais chaotique et abrupte, provoquant des à-coups de volatilité réguliers sur les marchés. De même, on notera l’évolution progressive des banques centrales européenne et américaine, depuis les deux décennies passées, d’institutions indépendantes et orientées vers la stabilité monétaire vers les bras armés d’Etats surendettés orientés vers le financement des budgets par l’absorption des obligations et l’injection de liquidités…

Ainsi la nomination de Madame Yellen au Trésor, après avoir elle-même piloté la FED et bénéficiant d’un historique académique et professoral hors norme (Berkeley, Harvard, LSE), lui permettra d’avoir un certain ascendant sur son successeur, venant plutôt du monde des affaires. La politique monétaire de la FED pourra donc, comme celle de la BCE, actuellement présidée par Madame Lagarde, être en totale adéquation avec les exigences politiques du gouvernement. On est loin de l’austérité monétaire de Monsieur Volcker ou même de Monsieur Trichet en leur temps !

Du point de vue de la gestion financière, ces attitudes des deux plus grandes zones économiques mondiales prônent pour une stabilité des taux très bas, un accroissement de la dette abyssale des Etats, un affaiblissement des monnaies face aux émergents, un accroissement de la dichotomie entre monde financiarisé et monde « réel » créant in fine un accroissement des tensions économiques, sociales et politiques.

  • Enfin, nous signalerons encore et toujours la priorité donnée à la régulation en Europe, qui annonçait cette semaine vouloir devenir pionnière dans la régulation numérique en annonçant son « Digital Services Act » le 9 décembre… Encore une fois, totalement devancée (pour ne pas dire larguée) économiquement par ses homologues américain ou chinois qui poussent tant qu’ils peuvent leurs licornes numériques, créant des entreprises mondiales garantissant la suprématie économique future, l’Europe tente de courir après le train en le freinant à coup de textes interminables et souvent difficilement compréhensibles pour contraindre et réprimer… Ce qui ne fera encore, comme on l’a vu dans le secteur financier ces dix dernières années, qu’affaiblir les entreprises européennes, déjà quasiment hors course face à leurs consœurs étrangères, pour qui les règles ne s’appliqueront en général pas du tout ou très parcellairement…

Du point de vue de la gestion financière, il vaudra donc mieux être créancier en Europe, bien protégé par une régulation limitant toute prise de risque démesurée des entreprises, et actionnaire à l’étranger…

Matthieu Bailly Décembre 2020

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