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Gestion Quantitative : Les gérants français font de la résistance

Malgré des performances honorables, les gérants quantitatifs français peinent à augmenter significativement leurs encours. La faute à des institutionnels locaux bien trop frileux ?

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De Londres à New-York, de Chicago à Boston, les « french quants » pullulent dans les sociétés de gestion quantitatives. Toutes les grandes maisons ont leurs Français : de Renaissance Technologies à Winton Capital Management en passant par DE Shaw. Les filières sont connues : Normale sup, Polytechnique, Centrale, ENSAE, DEA de probabilités…

Pourtant, à l’heure de faire l’état des lieux de la gestion quantitative française, le bilan est plus mitigé. Un nom revient néanmoins sans cesse : Capital Fund Management. Dirigé par Jean-Philippe Bouchaud, Marc Potters et Jacques Saulière, la société de gestion affiche 5,6 milliards de dollars d’encours dont 4,2 dans Stratus, son fond « flagship », qui est fermé pour le moment. Selon Prequin, fournisseur de données en gestion alternative, Discus Feeder Limited, un de ses compartiments, fait dorénavant partie des 5 plus gros fonds de « managed futures » avec Renaissance Institutional Diversified Alpha Fund de Renaissance Technologies, BlueTrend Master Fund de BlueCrest Capital, Diversified Trend Program - Enhanced Risk de Transtrend et Winton Diversified Programme– Winton Futures Fund de Winton Capital Management.

Capital Fund Management est aujourd’hui la locomotive de la gestion quantitative française. Ses compères espèrent bien suivre la voie tracée. Seven Capital Management, fondée en 2006 par Johann Schwimann, creuse également son sillon et affiche aujourd’hui 300 millions d’euros d’encours [1] dont 175 pour son « flagship », Seven World Asset Allocation. « Avec un objectif de volatilité à 6 %, le fonds Seven World Asset Allocation met en œuvre des stratégies actives et quantitatives reposant sur l’analyse dynamique des risques et une forte diversification des classes d’actifs utilisées : actions, obligations, matières premières, immobilier coté et alternatif. En fonction des risques du portefeuille et des marchés, les positions sont quotidiennement ajustées, passant de acheteuses à neutres, afin d’assurer au fonds une forte réactivité aux évènements de marché et une bonne résistance aux chocs dans le but de limiter la perte en capital. Développé en interne et constamment réévalué par l’équipe de recherche, le processus de gestion baptisé GRAATM a permis à Seven Capital d’obtenir le statut de Jeune Entreprise Innovante » indique Johann Schwimann. Le rendement annualisé du fonds entre le 23/03/2007 et le 30/11/2012 a été de 2.19%( contre -0.82% pour l’indice composite 50/50 et -8.2% pour l’Eurostoxx50). Le fonds affiche une volatilité de 4.3% (contre 12.5% pour l’indice composite 50/50 et 28.3% pour l’Eurostoxx50) et un Max Drawdown de -5.0% (contre -30.1% pour l’indice composite 50/50 et -60.3% pour l’Eurostoxx50).

Nicolas Duban et Jérôme Coirier : « Sur les 70 dossiers rencontrés en 2012, une proportion significative est constituée de projets de sociétés de gestion quantitative »

Nicolas Duban et Jérôme Coirier, respectivement Président et Directeur Général de NEXT-AM, filiale du Groupe La Française AM et entité de prise de participations minoritaires du Groupe associée aux partenaires investisseurs, étudient en ce moment des dossiers qui pourraient (...)

Rivoli Fund Management, fondé en 1996 par Thaddée Tyl et Vincent Gleyze, affiche un encours de 250 millions d’euros [2], dont 135 pour son « flagship » Rivoli International Fund. Ce fonds de type quantitatif systématique diversifié suit des stratégies de type Trend following, Arbitrage, Retour à la moyenne ou Reconnaissance de forme. Cette année il souffre quelque peu (-6.85% YTD) mais affiche encore une performance annualisée de 2,30% sur 5 ans avec une volatilité de 16,62%.

John Locke Investments, fondé par François Bonin, gère plus de 270 millions d’euros d’encours [3]. Son fonds Cyril Systematic, sous format UCITS, est en baisse cette année (-6.16% au 30/11/2012) mais affiche un rendement annualisé de 6.52% depuis son lancement le 03/07/2000.

Derrière, chez Aequam Capital, Cogitam ou Finaltis, les encours sont plus modestes mais les performances restent bonnes.

Mais malgré ses relatives réussites, la question demeure : comment booster la collecte ? Quant Valley, qui regroupe bon nombre de ces gérants, travaille à la construction d’un indice représentatif des performances de ses membres et au lancement d’un produit accessible sur une plateforme de comptes.

Nicolas Duban et Jérôme Coirier, respectivement Président et Directeur Général de NEXT-AM sont plutôt optimistes. Ils envisagent de prendre des participations dans des sociétés de gestion quantitative. « Sur les 70 dossiers rencontrés en 2012, une proportion significative est constituée de projets de sociétés de gestion quantitative. Nous sommes en relation avec l’association ’Quant Valley’ qui fait une promotion efficace de ces techniques de gestion. Le fait que les actifs gérés doivent rapidement être importants pour rentabiliser des coûts de gestion parfois élevés en termes relatifs (frais de recherche, frais commerciaux) est une vraie difficulté en période d’amorçage. Nous regardons en ce moment des dossiers qui pourraient aboutir » indiquent-ils. Si la promotion et le faire-savoir sont importants, la clé restera la performance et sa robustesse dans le temps. « Compte tenu des engagements que les investisseurs institutionnels doivent honorer, il convient de rappeler que la qualité de la performance en terme absolu, et non pas seulement le classement relatif, est un prérequis indispensable » préviennent Nicolas Duban et Jérôme Coirier.

Les investisseurs français sont trop frileux, ils sont trop attentistes, tergiversent, font semblant de s’intéresser à votre affaire mais attendent d’abord que des investisseurs étrangers y investissent massivement.

Beaucoup plus pessimiste, François-Serge Lhabitant, Professeur à l’Edhec, Directeur Général et Responsable des Investissements de Kedge Capital, fonds de fonds suisse gérant la fortune de la famille Bertarelli, estime que « l’environnement règlementaire, politique et fiscal français agit comme un véritable épouvantail pour les investisseurs étrangers. Les institutionnels locaux ont peur d’investir dans les hedge funds car cela leur serait reproché en cas de perte. » Tout aussi négatif, un sales très expérimenté nous confie en off : « les investisseurs français sont trop frileux, ils sont trop attentistes, tergiversent, font semblant de s’intéresser à votre affaire mais attendent d’abord que des investisseurs étrangers y investissent massivement. A l’exact opposé des investisseurs américains ou anglais voire même asiatiques. Ces derniers mettent en général un peu de temps avant d’investir, mais leur approche est différente, ils étudient les processus en détail, et tranchent. Une fois qu’ils sont investis, ils s’engagent sur la durée. Votre fonds peut connaître des secousses, mais ils vous suivent. Les gros instits américains ont en général une petite poche qu’ils utilisent pour investir sur des jeunes talents qui ont souvent tendance à surperformer. Ils espèrent trouver la future pépite pour un ticket modeste au regard de leurs encours. Il y a donc beaucoup moins de difficulté à démarrer son fonds outre atlantique même si la concurrence y reste très vive. »

La faiblesse des encours des gérants quantitatifs français les rend peu accessibles par rapport à des gérants anglo-saxons avec qui nous n’avons aucun problème de ratio d’emprise.

Du côté institutionnel, le discours est différent. La plupart des institutionnels interrogés se sentent peu à l’aise avec les « black box » mais un des problèmes majeurs tient à la faiblesse des encours. « Nous n’avons pas vocation à arroser la place parisienne » indique le Responsable des Investissements d’une importante caisse de retraite. « La faiblesse des encours des gérants quantitatifs français les rend peu accessibles par rapport à des gérants anglo-saxons avec qui nous n’avons aucun problème de ratio d’emprise. Mettre des petits tickets ? Pas question. Opérationnellement, il nous est très difficile de les multiplier à l’infini comme le souhaite implicitement beaucoup de gérants. Nous sommes très attentifs à chacune de nos lignes d’investissement et celles-ci nécessitent un important suivi. Si nous multiplions sans cesse nos lignes, nous aurions des difficultés à assurer un contrôle pointu. Ce n’est vraiment pas ce que nous souhaitons » affirme-t-il. Les positions semblent donc peu réconciliables.

La présence des fonds quantitatifs français sur les plateformes « managed account » est aujourd’hui faible, voire nulle.

La solution viendra-t-elle des plateformes de comptes gérés ? Pas sûr. La présence des fonds quantitatifs français sur les plateformes « managed account » est aujourd’hui faible, voire nulle. Certains gérants français qui affichent pourtant des performances bien meilleures que des gérants référencés n’y figurent pas et s’en étonnent. « Les plateformes font la part belle aux gérants stars qui en réalité en ont le moins besoin », indique notre interlocuteur. Aucune des plateformes contactées n’a souhaité rentrer dans la polémique.

Alain Albizzati, Responsable de la Gestion Alternative et des Produits structurés chez Lazard Frères Gestion, qui, lui, privilégie les gérants ayant un track record long, des équipes étoffées et des encours élevés, suggère aux gérants « une meilleure adaptation des formats juridiques aux besoins des investisseurs et surtout d’apporter plus de transparence au processus de gestion de leurs fonds qui s’apparentent bien souvent à des sortes de ‘boites noires’ auprès des clients potentiels ».

Paul Monthe Décembre 2012

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Notes

[1] Au 31 octobre 2012

[2] Au 31 octobre 2012

[3] Au 31 octobre 2012

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