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Grèce : Un plébiscite pour ou contre Tsipras

Notre scénario de base table sur une première place pour Alexis Tsipras lors du scrutin de dimanche prochain. Il bénéficierait, selon le système électoral grec, d’une prime de cinquante sièges, ce qui constitue un avantage décisif pour former une coalition.

Un retour des partis de l’ancien système serait un accident de l’histoire

L’élection législative du 20 septembre en Grèce est symbolique à deux égards. C’est la première fois depuis novembre 1920 qu’un membre de la famille Papandréou ne sera pas candidat. George Papandréou, dont le parti Kinima (Mouvement) avait obtenu 2,5% des votes lors des législatives de janvier, a décidé de ne pas concourir. C’est certainement le signe d’un nécessaire renouvellement en cours de la classe politique grecque.

C’est également la première fois dans l’histoire politique récente de la Grèce qu’une élection législative pourrait prendre la forme d’un plébiscite pour ou contre le Premier ministre démissionnaire. Dans un geste presque gaullien, Alexis Tsipras a convoqué des élections législatives anticipées pour consolider sa base politique et l’élargir. Il fait le pari que les Grecs ne vont pas vouloir renouer avec les pratiques qui avaient cours lorsque le PASOK et Nouvelle Démocratie (ND) alternaient au pouvoir. Les Grecs ont coupé le cordon ombilical avec les partis de l’ancien système en janvier dernier, un retour en arrière serait un accident de l’histoire.

Aujourd’hui, rien ne différencie fondamentalement les partis de gouvernement en Grèce. Ils ont tous accepté le troisième plan d’aide et se sont engagés à l’appliquer dans les grandes lignes. Ce seront la virginité politique et le charisme qui joueront un rôle primordial pour impulser une dynamique positive. Bien qu’Alexis Tsipras ne puisse en aucun cas se targuer d’un bilan probant en matière de lutter contre la corruption et contre l’évasion fiscale, il bénéficie encore fortement de la sympathie populaire pour ne jamais avoir été éclaboussé par un scandale politique. Une grande partie de la population est certainement disposée à lui laisser une deuxième chance.

La scission de Syriza n’a pas fragilisé le parti. Elle est plutôt une bonne nouvelle puisqu’elle a permis à Alexis Tsipras de se débarrasser des éléments les plus extrémistes et de recentrer le pôle de gravité du parti vers le centre-gauche. Cet écrémage pourrait, à terme, permettre de lisser l’image du parti auprès de ses partenaires européens et faire de Syriza un parti de gouvernement « fréquentable » qui se substituerait au PASOK. L’émergence sur la scène politique grecque d’Unité populaire ne devrait pas changer fondamentalement la donne. Ses membres partent d’un mauvais calcul politique, à savoir qu’ils vont pouvoir capitaliser sur le « Non » au référendum du 30 juin dernier pour devenir un faiseur de roi. C’est oublié que les Grecs qui ont voté « Non » ne représentent pas un groupe homogène. Ce nouveau parti a autant de chances de rencontrer un succès politique que les partisans français du « Non » au référendum sur la Constitution européenne de 2005. L’Unité populaire va certainement être marginalisée ou va imploser en plusieurs factions dans la foulée du 20 septembre.

Le risque politique lié à cette échéance électorale est très faible étant donné que, peu importe le gouvernement élu, il ne disposera pas de suffisamment de marge de manœuvre pour mener une politique économique autonome et n’aura pas d’autre choix que de se plier au cadre établi par le Memorandum of Understanding (MoU).

Notre scénario de base table sur une première place pour Alexis Tsipras lors du scrutin de dimanche prochain. Il bénéficierait, selon le système électoral grec, d’une prime de cinquante sièges, ce qui constitue un avantage décisif pour former une coalition. Toutefois, il n’est pas certain qu’il soit en mesure de le faire avec son partenaire traditionnel, les Grecs indépendants, qui pourrait ne pas entrer au Parlement selon les derniers sondages. Il pourrait être contraint de s’allier avec les autres partis de gouvernement potentiels (ND, PASOK ou Potami). Dans le cadre de la campagne électorale, il a explicitement exclu cette éventualité. Il pourrait tout à fait changer de posture dès lundi matin, ce ne serait pas son premier revirement politique.

Une coalition Syriza – ND n’est pas complètement absurde. Elle est idéologiquement bancale mais elle pourrait rassurer les créanciers étrangers. Les deux partis ont besoin l’un de l’autre pour gouverner et pour faire passer les réformes exigées par le troisième plan d’aide. Le retour sur le devant de la scène de ND ne doit pas cacher que le parti est loin d’être aussi populaire qu’en 2012, où il recueillait 29% des votes, ou en 2007, où il parvenait à rafler 40% des votes. Les Grecs sont désabusés par la politique. Le réel vainqueur des élections pourrait être l’abstention.

Les 100 premiers jours du nouveau gouvernement

Le gouvernement élu devra en priorité faire passer le train de réformes prévues par l’accord avec les créanciers. L’urgence est d’assurer la stabilité financière du pays et de faire redémarrer le circuit du crédit pour permettre à moyen terme une sortie de crise.

La réactivation prochaine du waiver de la BCE, suspendu le 4 février dernier, pourrait apporter une bouffée d’air frais au secteur bancaire grec. Elle permettra aux banques de se refinancer auprès de la BCE à un coût moins prohibitif qu’avec le dispositif ELA. Toutefois, il reste en suspens la question de la recapitalisation qui doit avoir lieu avant la fin de l’année. Les dernières estimations établissaient que le secteur bancaire grec pourrait avoir un besoin de recapitalisation d’environ 25 milliards d’euros. Cette somme ne tient pas compte de l’impact total des prêts non performants sur le bilan des banques. Le montant réel pourrait être plutôt compris entre 30 milliards et 35 milliards d’euros.

En accord avec la Directive européenne sur le redressement et la résolution des crises bancaires, la recapitalisation doit s’accompagner d’un bail-in qui touchera les détenteurs de dette senior et qui devrait être effectif au 1er janvier 2016.

Ce dispositif devrait avoir un effet marginal sur la consolidation des banques puisqu’il devrait rapporter, dans le meilleur des cas, 2,55 milliards d’euros répartis de la manière suivante :

- Alpha bank : 1,044 milliards d’euros ;

- Eurobank : 355 millions d’euros ;

- NBG : 750 millions d’euros ;

- Piraeus : 400 millions d’euros.

Le processus de recapitalisation n’est donc pas encore garanti et soulève de nombreuses incertitudes.

Le troisième plan d’aide ouvre, en théorie, la possibilité que la dette grecque (GGB) soit éligible au QE de la BCE, ce qui permettrait de réduire considérablement la spéculation et les coûts d’emprunt. Afin d’éviter que la BCE devienne une bad bank, l’éligibilité des titres grecs dépendra :

- du premier bilan concernant la mise en œuvre du dernier plan d’aide, qui ne devrait pas être réalisé avant le mois de novembre ;

- d’une analyse de la soutenabilité de la dette grecque par la BCE.

Ce dernier point est problématique puisqu’aujourd’hui la dette grecque est incontestablement insoutenable. En intégrant l’impact du troisième plan d’aide, elle culmine autour de 200% du PIB. La question n’est plus de savoir s’il y aura un reprofilage de la dette mais plutôt de savoir comment. Le scénario idéal serait un effacement de 30% de la dette totale. Toutefois, il n’existe pas de consensus politique parmi les pays créanciers en faveur de cette solution. Une période de grâce, comme évoquée par le FMI, parait plus probable. Dans ce cadre, il est vraisemblable que la BCE, qui a apporté un soutien constant à la Grèce depuis janvier dernier, décide de racheter de la dette grecque dès qu’un accord aura été signé.

L’éligibilité de la dette grecque au QE pourrait être effective dès le premier ou le deuxième trimestre 2016.

La restructuration de la dette et le QE pourraient aider le pays à repartir sur de bonnes bases à condition que des transferts de solidarité exceptionnels soient mis en place. Il pourrait s’agir de fonds européens qui seraient envoyés au pays pour permettre un redémarrage économique, sur le modèle des fonds structurels. C’est la condition sine qua non pour éviter un Grexit qui reste toujours possible aujourd’hui.

Christopher Dembik Septembre 2015

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