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H&M émet une obligation plus durable que ses produits...

Cette semaine pourrait marquer une première bascule sur les marchés financiers pour cette année 2021 avec un phénomène que l’on avait déjà observé en 2016-2018 ou 2020 : d’une part les actifs risqués montrent une certaine faiblesse, avec une volatilité croissante et des baisses modérées sur les actifs risqués, qu’il s’agisse des actions ou des indices High Yield...

Cette semaine pourrait marquer une première bascule sur les marchés financiers pour cette année 2021 avec un phénomène que l’on avait déjà observé en 2016-2018 ou 2020 : d’une part les actifs risqués montrent une certaine faiblesse, avec une volatilité croissante et des baisses modérées sur les actifs risqués, qu’il s’agisse des actions ou des indices High Yield, et d’autre part les actifs « flight to quality » comme les obligations d’Etat persistent sur la tendance d’écartement entamée en début de cycle d’optimisme. On observe donc, depuis quelques jours, une baisse, modérée, mais quasi généralisée à l’ensemble des actifs financiers, tirée, à la lecture des analyses ou de la presse par les inquiétudes sur la reprise ou la multiplication des variants du coronavirus d’un côté et les inquiétudes sur l’inflation ou la durée des programmes des banques centrales de l’autre… Pourtant les deux scenarios restent antinomiques à moyen terme et nous considérons que les banques centrales, a fortiori en Europe, pousseront leur programme d’assistance pendant encore plusieurs années, les liquidités ayant bien du mal à se diffuser dans l’économie.

En 2020, 70% des liquidités injectées aux USA par le biais des programmes de relance ont été épargnés, c’est-à-dire stockés dans le système financier mais pas utilisés pour consommer ou créer de nouveaux outils de production.

Nous ne sommes donc encore qu’au début de l’histoire de plusieurs années de rétablissement, mais comme souvent les actifs financiers étaient allé bien vite et, après les profits significatifs engrangés depuis le début d’année, qui auraient bien du mal à se reproduire en ligne droite jusqu’à la fin 2021, nous considérons, chez Octo AM, qu’il s’agit d’un signe avant-coureur de correction et qu’il devient préférable d’entamer une première bascule de portefeuille pour aller vers plus de sécurité :

- Si nous avions supprimé quasi totalement les obligations souveraines hormis l’Italie (pour poursuivre le scenario de normalisation face aux autres obligations souveraines européennes), nous avons ces jours-ci profité des écartements sur la France, l’Espagne et les USA pour reconstituer un coussin de sécurité en cas de regain des inquiétudes. Les taux s’étaient en effet significativement écartés depuis quelques semaines alors même que les programmes d’achat des banques centrales sont encore bien loin d’avoir absorbé tout ce qu’elles avaient prévu. De plus, on pourrait observer dans les jours à venir une bascule plus franche des investisseurs vers les actifs sécurisés que nous préférons entamer un peu en amont.

Enfin les « actifs » souverains ont ceci d’intéressant qu’ils peuvent être acquis par le biais de futures et consommer une portion de cash très minime d’un portefeuille, permettant ainsi des se couvrir en conservant des investissements à portage élevé en parallèle.

- Nous avions également supprimé, entre octobre et novembre, les couvertures crédit que nous détenions par le biais de short sur indice crossover ou de futures sur indices. Considérant que la prime de rendement complémentaire de notre portefeuille Octo Crédit Value est encore de 2.5% par rapport à l’indice crossover qui traite aujourd’hui autour de 2%-2.5% de rendement, nous préférons reconstruire une couverture progressive sur les indices de marché et se concentrer de plus en plus sur la prime de notre portefeuille, plutôt que sur le resserrement du marché qui n’est certes pas terminé au vu des programmes d’injection de liquidités en cours, mais pourrait marquer une pause, le temps que les marchés acceptent que nous entrons dans une période de plusieurs années de soutien et que la crise du Covid ne se résoudra pas, en Europe, en une ou deux années…

Après avoir engrangé 1.2% de performance en un mois et demi sur notre fonds Value, nous avons donc aujourd’hui des actifs de couverture à hauteur de 15% environ, tout en conservant l’essentiel de nos positions les plus rémunératrices puisque le rendement de notre portefeuille s’établit encore à 4.6%, les cessions s’étant pour le moment concentrées sur les titres investment grade BBB aux rémunérations devenues faméliques et à la sensibilité forte aux écartements du marché, les titres High Yield offrant moins de 2% de rendement, quelques hybrides dont la rémunération devenait faible alors que leur volatilité, dans les phases de stress, peut être très forte.

En parallèle de ces premières inquiétudes du marché depuis plusieurs semaines, un segment reste plébiscité par les investisseurs et commence, lui aussi, à montrer des signes d’exagération : le segment des obligations responsables, durables, ESG, vertes ou bénéficiant de tout autre qualificatif permettant de les rendre plus belles, plus attractives, et surtout parfois, plus marketing et moins coûteuses pour l’emprunteur…

Si nous ne remettons pas en cause ici la prise en compte de critères extra financiers, ce que l’analyse crédit fait d’ailleurs depuis qu’elle existe – comment ainsi analyser la fiabilité d’une entreprise sans étudier son management et donc sa gouvernance, comment prêter à une entreprise liée aux matières premières ou à l’agriculture sans mesurer son risque environnemental pouvant amener à des procès ou autres amendes majeures (cf. le cas Talvivaara en 2015) – , nous souhaitons juste souligner l’abus de certains émetteurs de produits financiers, en particulier obligataires, pour profiter de la mouvance ESG. Nous citerons ici l’émission primaire de l’entreprise H&M, chantre de la « fast-fashion », de la consommation de masse, de la pression sur les fournisseurs, de la flexibilité à tout crin pour tirer au maximum parti du dumping social et de l’absence de coûts de sécurité des pays en voie de développement (H&M ne possède aucune usine : https://career.hm.com/content/hmcar...) comme en avait témoigné la catastrophe des usines au Bengladesh en 2015.

En 2017, c’était encore par des circonvolutions que l’entreprise s’était défendue de brûler pour des milliards d’euros de vêtements invendus en affirmant que ces incinérations servaient, pour partie, à produire de l’électricité… Comme si le textile était reconnu comme un combustible de première catégorie… A moins qu’il s’agisse tout simplement de greenwashing, comme le soulignait le Nouvel Observateur en 2017.

Cette semaine, H&M a donc émis une « obligation durable » de 500 millions d’euros de maturité 2029, notée AA et 17.5 chez MSCI et Sustainalytics, commençant ainsi par le financement à bon compte plutôt que par le progrès, qu’ils n’ont pour le moment jamais montrés. Evidemment, rien n’obligera l’enseigne à rembourser les capitaux si elle ne respectait pas ses engagements qui portent sur une proportion de matériaux recyclés et la limitation des gaz à effet de serre ; elle supporterait simplement un surplus de coupon de 0.05% à 0.25%, à partir de 2026. Ce procédé lui assure donc :

  • Une franchise totale de 5 ans, soit l’essentiel de la durée de l’obligation
  • Seulement 2 à 3 ans de pénalités potentielles, soit un montant ridicule que ce soit en absolu (0.75% maximum au total) ou même en relatif vu qu’elle a pu bénéficier en amont, grâce à l’étiquetage « durable », d’une décote au moins égale de coupon initial…

Mais tentons de voir ici aussi le bon côté des choses et le fait que la crise du covid et l’accumulation des invendus poussera à un recyclage massif, à moins de production et permettra finalement à ces enseignes d’opérer, pour des raisons uniquement économiques, une véritable bascule ? Peut-être le cynisme et l’appât du gain peuvent-ils finalement parfois converger avec l’économie durable ?

Si nous pouvons considérer, chez Octo AM, les obligations ESG ou d’autres appellations dans nos portefeuilles, nous ne céderons pas à la mode du greenwashing et de l’étiquetage intempestif et continuerons de mesurer l’ensemble des risques et d’en apprécier la rémunération instantanée et le chemin d’amélioration, préférant ainsi, comme sur la partie financière, accompagner un émetteur fiable dans la tenue de ses objectifs mais admettant n’être encore qu’au début d’un processus long, ce qui est la réalité de la société de 2021, qu’un émetteur au marketing ESG agressif profitant des abondances de liquidités du marché sur ce segment. La finance est toujours plus rapide que l’économie et la société, quitte à causer des hiatus parfois significatifs, ce pourrait être encore le cas sur l’ESG, et nous risquons, malheureusement, dans les années à venir, de voir beaucoup plus de finance ESG que d’économie ou de société ESG. Et le jour où l’ESG sera la norme politique, économique et sociale, il n’y aura plus de « finance durable ».

Matthieu Bailly Février 2021

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