Lors du dernier colloque des sanctions de l’AMF, le président en exercice, Jean-Pierre Jouyet, estimait qu’il était quasiment impossible de démontrer d’éventuelles manipulations de cours liées au High Frequency Trading (HFT) du fait de sa structure opaque et des manques de données durablement exploitables via le carnet d’ordres. Dans l’incapacité manifeste de contrôler cette pratique, il suggérait de l’interdire.
A Bruxelles, la commission européenne planche sur une réforme qui punirait certaines techniques du HFT, le quote stuffing, le layering et le spoofing qu’elle qualifie de tentative de manipulation. Du côté de l’Autorité européenne des marchés (ESMA), on envisage plutôt de facturer les ordres annulés (99% des ordres via le HFT sont annulés) ou d’encadrer le pas de cotation.
Est-ce la fin de la partie pour les HF traders ? Peut-être pas. Le Comité des Marchés de la Banque des Règlements Internationaux (BRI) a publié un rapport intitulé Trading à Haute Fréquence dans le marché des changes plutôt favorable à cette pratique sur le FX.
Le rapport, préparé par un groupe d’étude présidé par Guy Debelle, gouverneur adjoint de la Reserve Bank of Australia, a examiné l’évolution du HFT sur le marché des changes, son impact sur les autres intervenants, son comportement en période de marchés « calmes » et en période de stress, et les principales différences avec le HFT sur le marché actions. Il identifie également les domaines qui peuvent justifier une enquête plus approfondie.
Selon l’étude, le HFT pourrait être considéré comme bénéfique pour le fonctionnement du marché des changes en période « normal », mais aussi en période de stress où il aurait changé l’écosystème du marché en renforçant sa résilience. Le rapport évoque des données indiquant que les HF traders ne sont pas moins présents dans des marchés volatiles que les traders FX traditionnels, et au contraire, ces derniers seraient plus incités à fournir de la liquidité en leur présence.
Le "flash crash" de mai 2010 sur les marchés actions suggère que le HFT pur (par opposition à l’exécution algorithmique impliquant de gros trades unidirectionnels) n’est pas par nature un élément déclencheur d’un risque systémique, mais qu’il peut propager des chocs initiés ailleurs. Cependant, la nature différente, la structure et la taille du marché des changes font qu’un évènement de type « flash crash » est moins probable dans ce marché que dans celui des actions.
Beaucoup de pratiques « prédatrices » ou « déloyales » attribuées au HFT sur le marché des changes ne seraient pas nouvelles. Pour les auteurs de l’étude, une question clé est de savoir si et comment les autres participants s’adaptent à la présence du HFT. Des incitations commerciales existeraient pour les différentes parties, y compris pour les prime brokers et les traders, afin qu’ils s’autorégulent et atténuent les éventuels effets négatifs.
Pour le président du Comité des Marchés de la BRI, Hiroshi Nakaso, ce rapport est une contribution opportune à la discussion en cours des effets sur les marchés financiers de l’innovation technologique dont le HFT est un exemple. « Le rapport qui se concentre sur le marché des changes vient compléter une discussion qui avait jusqu’ici été principalement axée sur les développements du marché actions », analyse-t-il.
Aux Etats-Unis, Chilton Bart, membre de la Commodity Futures Trading Commission (CFTC) a invité les HF traders à accepter un processus d’enregistrement auprès des autorités afin d’augmenter la stabilité du marché et de clarifier leur fonctionnement. « Les spéculations sur le rôle du HFT lors du flash crash de mai 2010 sont très répandues dans l’industrie financière alors qu’il n’en a pas été l’instigateur. Cependant, le HFT pourrait bien être menacé en cas de nouvel effondrement des marchés mondiaux s’il ne fait aucun effort de transparence » a-t-il prévenu.