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Japon : une révolution monétaire ?

Le plan de la Banque du Japon qui prévoit d’élargir son bilan d’1 % du PIB par mois est un plan révolutionnaire mais risqué. Explications de Léon Cornelissen, économiste en chef de Robeco.

La reprise américaine maintenant sa cadence et la situation en zone euro continuant de se détériorer, l’attention s’est portée sur le Japon après à la dernière décision « d’Abenomics ».
Le premier ministre Shinzo Abe, a en effet pris une série de mesures politiques radicales visant l’inflation, des taux d’intérêt négatifs, l’assouplissement quantitatif, l’achat d’obligations et l’affaiblissement du yen.

Malgré des attentes déjà revues à la hausse, la Bank of Japan (BoJ) a réussi à surprendre les marchés en annonçant un programme de relance monétaire que nous pouvons qualifier de " stupéfiant ".

En voici la raison. La BoJ est sur le point d’élargir son bilan d’1 % du PIB par mois. Pour remettre les choses en perspective, cela représente presque le double du taux appliqué par la Réserve Fédérale américaine. Le but est de dévaluer le yen pour générer une inflation de 2 % en deux ans.
Cette stratégie très risquée est une révolution monétaire que le reste du monde suivra de près. Le principal risque de cette politique agressive est une augmentation brutale des taux d’intérêt à long terme. Mais cela sera probablement évité en y associant une répression financière et l’achat d’obligations à long terme de l’État japonais par la BoJ, ce qui permettrait de maîtriser les rendements.

Cependant, nous n’en sommes qu’au début. Il est vrai que le sentiment s’est amélioré et que la bourse de Tokyo s’est bien portée sur le plan de la devise locale. Mais l’économie japonaise n’est pas encore sur la voie de la reprise. On l’a constaté avec le niveau décevant de l’indice Tankan (-8), qui mesure la confiance des grandes entreprises manufacturières, pour la période de janvier à mars 2013.

Les prévisions économiques mondiales sont stimulées par le Japon

Cela dit, l’optimisme croissant concernant les perspectives du Japon est l’un des facteurs qui nous ont amené à réviser nos prévisions sur l’économie mondiale. Même si notre scénario de base reste une croissance inférieure à la tendance, la probabilité a été réduite de 70% à 65%. Cela signifie que la probabilité d’une reprise conventionnelle est passée de 15% à 20 %.

Les bonnes nouvelles économiques américaines ont aussi contribué à cette révision. Certes, la création d’emplois a reculé fortement en mars, mais il faut apporter une nuance : l’économie américaine conserve une dynamique positive.
Les indicateurs du marché du logement montrent toujours une tendance haussière. Le chômage continue de baisser, mais le dernier chiffre enregistré (7,6 %) montre qu’il reste beaucoup d’efforts à faire avant d’atteindre le taux de chômage de 6,5 % visé par la Fed. Cela suggère que les achats mensuels de bons du Trésor par la banque centrale, à des fins de soutien, ne diminueront pas avant début 2014.

Enfin, les investissements qui ont été momentanément suspendus à cause des incertitudes budgétaires devraient reprendre car un accord sur le budget des États-Unis s’appliquera jusqu’au 30 septembre.

Détérioration générale dans la zone euro

En comparaison, la situation en zone euro est peu réjouissante. Les indicateurs prévisionnels suggèrent que l’économie allemande ralentit et que celle de la France s’affaiblit.

En matière de décisions politiques, le sauvetage financier manqué de Chypre a de nouveau entamé la confiance, amplifiant ainsi le risque d’une nouvelle fuite des capitaux de la périphérie.

Quant à la sphère politique, l’impasse électorale en Italie donnera probablement lieu à de nouvelles élections en juillet. Ainsi, la probabilité d’une hausse de la prime de risque sur les obligations d’État italiennes augmentera si les électeurs ne choisissent pas un gouvernement prêt à instaurer la politique d’austérité et les réformes voulues par la zone euro.

Les conditions au programme OMT imposées par la BCE pourraient être mises à l’épreuve et les tensions politiques dans la zone euro pourraient s’amplifier fortement.
Dans ce contexte morose, la BCE envisage une légère réduction des taux en mai. Nous ne nous attendons pas à ce qu’elle ait un impact important puisque le mécanisme de transmission s’est clairement rompu.

La situation macroéconomique mondiale en chiffres

Opinion positive sur les actions

Comment cette situation se traduit-elle en termes d’allocation d’actifs ? Nous conservons une opinion positive sur les actions. Malgré quelques problèmes comme le plan de sauvetage bâclé pour Chypre, les conditions restent favorables pour réaliser de nouveaux gains sur le marché.

Après tout, l’économie mondiale continue de progresser à une cadence de 2 %, l’assouplissement quantitatif s’intensifie et les bénéfices se stabilisent à un niveau proche des meilleures marges historiques. Ces deux premiers facteurs sont les principales forces en action. D’autre part, la valorisation est juste supérieure à une valorisation neutre.

Néanmoins, il existe des facteurs de risque. Un soutien timide des réformes économiques en Italie et la détérioration des résultats économiques dans la zone euro pourraient affecter le sentiment. Mais, nous pensons que l’assouplissement quantitatif et la croissance économique modérée devraient être des facteurs assez solides pour maintenir le climat favorable aux marchés boursiers.

Sur le segment des actions, l’Amérique du Nord est la région privilégiée

En ce qui concerne les actions, l’équipe privilégie l’Amérique du Nord en raison principalement de la situation macroéconomique. Le marché américain est cher, mais les autres régions présentent des perspectives moins intéressantes.

Considérons l’Europe. La crise de la dette en zone euro continue. La production industrielle et les ventes de détail reculent. D’autre part, on ne devrait pas voir apparaître de bonnes surprises : La Slovénie et Malte semblent être sur le point de nécessiter l’aide de la BCE, de l’UE et du FMI ; de nouvelles élections en Italie sont imminentes ; les objectifs de réduction du déficit public de l’Espagne et de la France sont ambitieux, compte tenu des chiffres médiocres de ces pays. Nous prévoyons que la performance des actions européennes soit relativement faible.

" Nous prévoyons une surperformance des actifs plus risqués par rapport aux obligations d’États. "

Les données économiques des marchés émergents ont été faibles et la plupart des devises ont subi quelques pressions. La dynamique des marchés actions n’est pas non plus au mieux. Les perspectives se détériorent et, par conséquent, nous prévoyons que la sous-performance continuera.

Les perspectives pour le Pacifique s’améliorent et l’affaiblissement du yen devrait stimuler les exportations du Japon. Toutefois, l’équipe maintient son opinion neutre concernant la région. Nous attendons de voir davantage de données économiques prouvant que l’Abenomics bénéficiera au Japon.

Obligations à haut rendement et dette émergente sont privilégiés

L’équipe continue d’apprécier les perspectives des obligations d’entreprises, aussi bien dans la classe des crédits investment grade que dans celle du haut rendement. Ces dernières présentent de meilleures perspectives, grâce aux taux de rendement courants qui offrent toujours une performance absolue satisfaisante dans le contexte actuel de taux bas. Les entreprises deviennent moins intéressantes pour les porteurs d’obligations, mais ce n’est pas encore un sujet de grande inquiétude.

La dette des marchés émergents reste aussi privilégiée. La classe d’actifs bénéficie actuellement d’afflux de capitaux nets importants, mais à un rythme plus lent qu’auparavant. Toutefois, certains signes plus négatifs apparaissent : la balance courante et l’équilibre budgétaire des Etats émergents se détériorent dans le contexte d’une reprise mondiale trop lente.

Même si ces économies ont un peu perdu de leur éclat, nous gardons une opinion positive sur la dette locale par rapport à celle des pays développés.

Opinion négative pour les obligations d’États

L’équipe maintient une opinion négative sur les obligations d’États. Bien que nous ne prévoyions pas de hausse significative des rendements, cette classe d’actifs reste la catégorie la moins attractive. Comme les prévisions concernant l’inflation sont solides et que les banques centrales continuent d’acheter des obligations, les taux ont tendance à rester à un niveau trop bas.
Ceci est favorable aux investisseurs en obligations, mais ces rendements faibles ne permettent pas d’obtenir une performance satisfaisante. Nous prévoyons donc une surperformance des actifs plus risqués par rapport aux obligations d’États.

Perspectives intéressantes pour l’immobilier malgré la valorisation

Les perspectives de l’immobilier restent bonnes : elles se classent au même niveau que celles des actions. Grâce aux taux d’intérêt bas et à la reprise des marchés boursiers qui bénéficie aux secteurs défensifs, la performance de l’immobilier reste satisfaisante. De plus, les prévisions en matière de bénéfices sont plus réalistes pour ce secteur que pour les actions. Une survalorisation d’au moins 15 % par rapport aux actions est la seule raison pour laquelle l’équipe ne privilégie pas l’immobilier au détriment des actions.

Perspectives légèrement négatives concernant les matières premières

Enfin, concernant les matières premières, les perspectives neutres sont devenues légèrement négatives. D’une part, la demande en pétrole à moyen terme devrait baisser en raison de la croissance plus modérée de la Chine, de la détérioration de l’activité économique dans la zone euro et du développement plus lent des économies émergentes.

D’autre part, l’or a perdu sa dynamique. Les prévisions d’une baisse de l’inflation aux États-Unis, le recul de la demande physique et la baisse de l’accumulation d’or par la banque centrale continuent d’exercer une pression à la baisse sur les cours. Selon nous, seul un événement important en termes d’enjeux géopolitiques ou un ralentissement brutal de la croissance américaine pourraient entraîner une reprise à la hausse des cours de l’or.

Léon Cornelissen Avril 2013

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