Il est intéressant de noter qu’au moment où le Moyen-Orient lutte pour la démocratie, la zone euro est confrontée à un test historique pour son propre système démocratique ! Les autorités semblent déterminées à maintenir la cohésion de la famille européenne et ceci est compréhensible dans une perspective de risque financier/rendement. Une cessation de paiement non contrôlée de la Grèce pourrait avoir de graves répercussions sur l’ensemble de la zone euro. Les responsables politiques en sont bien conscients, mais le fossé entre ces derniers et leur électorat est en train de se creuser.
Dans la plupart des grands pays, des élections parlementaires auront lieu en 2012 ou 2013. En fin de compte, l’avenir de la zone euro sera, par conséquent, largement déterminé par les électeurs. Or, dans un contexte financier de plus en plus complexe dans lequel les électeurs sont peu familiarisés avec des termes tels que « vente à découvert », « exposition transfrontalière » ou « swap sur risque de crédit », on peut se demander si l’euro pourra survivre à la démocratie ?
Si l’on autorise aujourd’hui une restructuration (partielle) de la dette grecque, le risque d’une crise de confiance et d’une contagion sera substantiel. La dette d’autres pays faibles de la zone euro pourrait être attaquée par des spéculateurs et le marché des CDS (assurance contre la cessation de paiement) pourrait à nouveau connaître des difficultés, comme cela avait été le cas après l’effondrement de Lehman en 2008. Dans ce scénario, les banques, les assureurs et les fonds de pension de tous les États membres de la zone euro seraient confrontés à de sévères réductions de valeur.
Malheureusement, ce scénario n’est pas suffisamment expliqué aux électeurs de la zone euro et la plupart n’en saisissent pas la portée. Dans le nord, la population est de plus en plus opposée à la « subvention » du sud et, dans le sud, les gens développent une aversion de plus en plus marquée contre la mise en oeuvre de plans d’austérité. Les sentiments l’emportent sur la rationalité. Les Grecs qui protestent aujourd’hui contre les mesures d’austérité indispensables ne sont pas conscients que la Grèce pourrait devenir un pays du tiers-monde si elle devait réintroduire la drachme. La vérité douloureuse est que nous vivons tous dans une société vieillissante qui fait partie d’un monde globalisé compétitif. Le darwinisme jette de plus son ombre sur nos confortables États-providence d’après-guerre.
Bien sûr, la véritable tragédie de la zone euro est qu’au niveau de l’ensemble de la zone, il n’y a pas de problème budgétaire aigu ! Le déficit budgétaire de l’UEM prise dans sa totalité s’est établi l’année dernière à 6%, ce qui est nettement inférieur aux chiffres des États-Unis et du Royaume-Uni. La dette de la zone euro en pourcentage du PIB ne s’élève également « qu’à » 85%, ce qui n’est pas trop préoccupant en comparaison des autres nations développées. Le problème est que la capacité fiscale n’est pas partagée de façon efficace entre les États membres. Ceci devra être corrigé au cours des prochaines années si la zone euro veut survivre sous sa forme actuelle.
2011 pourrait, à cet égard, s’avérer l’année de la vérité, car les électeurs devront être convaincus d’une façon ou d’une autre de la rationalité à long terme des interventions actuelles de l’UE, de la BCE et du FMI. S’ils ne comprennent pas (ne veulent pas comprendre) le message, ils pourraient prendre les choses en mains en votant
au cours des prochaines années pour les candidats opposés à l’euro et aux mesures d’austérité. Les hommes politiques achètent actuellement du temps afin de communiquer ce message et d’appuyer des ventes massives d’actifs grecs. Ils achètent également du temps pour s’assurer qu’une éventuelle restructuration – voire une cessation de paiement – se déroule autant que possible de façon contrôlée.
Tout ceci signifie que la crise de l’euro restera un facteur de risque pour les investisseurs pendant une période prolongée. C’est bien dommage car les actions européennes disposent actuellement de nombreux atouts, certainement en comparaison du rendement faible, mais sûr, de 3% des obligations allemandes. Les actions sont en effet plutôt bon marché, elles distribuent des dividendes attrayants et les sociétés affichent des bilans sains. Ceci étant dit, l’incertitude entourant la crise de l’euro justifie dans une certaine mesure les valorisations inférieures à la moyenne, en particulier pour les sociétés davantage orientées vers l’économie domestique.